
Le réchauffement climatique a amplifié l'impact sanitaire de la dernière canicule
La vague de chaleur précoce que viennent de subir l'ouest et le sud de l'Europe était exceptionnelle et précoce, que ce soit en Espagne (qui a connu son mois de juin le plus chaud) où dans d'autre pays comme la Belgique et les Pays-Bas, moins habitués à ces chaleurs. En France, l'épisode a duré 16 jours, du 19 juin au 4 juillet, soit autant que la canicule meurtrière de 2003. Il a notamment entraîné la fermeture temporaire de près de 2000 établissements scolaires.
Mais quel est le bilan humain de cette vague de chaleur ? Dans une analyse rendue publique le 9 juillet, des chercheurs de l'Imperial College de Londres, de la London School of Hygiene & Tropical Medicine, de l'université de Berne (Suisse), de l'Institut météorologique royal des Pays-Bas et de l'université de Copenhague (Danemark) dressent une première estimation de la mortalité attribuable à cette canicule dans douze villes européennes. Et selon eux, au cours de cet événement extrême, le changement climatique a triplé le nombre de décès liés à la chaleur.
Publicité
« Tueurs silencieux »
Les scientifiques rappellent que ces épisodes de canicule sont des « tueurs silencieux » : la plupart des décès liés à la chaleur ne sont pas signalés et les estimations officielles peuvent prendre des mois avant d'être publiées, si elles le sont. « Les vagues de chaleur ne laissent pas de traces de destruction comme les incendies de forêt ou les tempêtes. Leurs effets sont le plus souvent invisibles, mais discrètement dévastateurs - un changement de seulement 2 ou 3 °C peut faire la différence entre la vie et la mort pour des milliers de personnes », explique Ben Clarke, chercheur à l'Imperial College de Londres.
Pour mener à bien leur analyse, les scientifiques se sont concentrés sur les effets de dix jours de chaleur, du 23 juin au 2 juillet, dans 12 villes reparties assez uniformément sur le continent, comme Londres, Paris, Budapest, ou Barcelone. Dans un premier temps, ils ont utilisé les méthodes de la World Weather Attribution combinant modélisation et données météorologiques historiques pour chercher à savoir à quoi aurait ressemblé cette vague de chaleur dans un monde sans réchauffement induit par l'homme, donc avec 1,3 °C de moins. Ils constatent que le dérèglement actuel du climat causé principalement par la combustion de combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz) et la déforestation a amplifié cette vague de chaleur d'environ 2 à 4 degrés dans la plupart des villes. Dans le climat actuel, ce genre d'épisode extrême devrait selon eux se produire tous les 2 à 6 étés dans la plupart des villes. Météo France rappelait d'ailleurs récemment que la toute récente vague de chaleur qu'a connue la métropole est la cinquantième depuis 1947, dont 33 ont eu lieu rien qu'au XXIe siècle, ce qui illustre l'augmentation de la fréquence de ces événements.
Les auteurs de l'analyse ont ensuite utilisé des modèles épidémiologiques déjà publiés (et différenciés selon les villes) de corrélation entre la chaleur et le nombre de décès quotidiens en milieu urbain, quelle qu'en soit la cause. L'objectif : en tirer le nombre de décès lors de cette vague de chaleur, puis le comparer au bilan qu'aurait entraîné un événement similaire dans un climat sans le réchauffement actuel. Leurs résultats suggèrent que 2300 personnes sont mortes en 10 jours dans ces grandes villes ; mais dans un monde avec 1,3 °C plus frais, il y en aurait environ 1 500 de moins. « Ces chiffres représentent des personnes réelles qui ont perdu la vie au cours des derniers jours à cause de la chaleur extrême. Et deux tiers d'entre elles ne seraient pas mortes sans le changement climatique », résume Friederike Otto, de l'Imperial College de Londres.
L'urgence de s'adapter
Si l'on regarde ville par ville, ce changement climatique est à l'origine de 317 des décès par excès de chaleur à Milan, 286 à Barcelone, 235 à Paris ou encore 171 à Londres. Les chercheurs estiment également que les 65 ans et plus représentent 88 % de ces morts attribuables au réchauffement du climat et ils soulignent à quel point la chaleur accable les personnes vulnérables souffrant de maladies chroniques comme le diabète et les problèmes respiratoires. «Les décès dus à la chaleur peuvent augmenter rapidement lorsque la température atteint certains seuils, ce qui pousse les personnes vulnérables dans leurs limites», note ainsi Garyfallos Konstantinoudis de l'Imperial College.
Le chercheur a rappelé lors d'un point presse les limites de cette analyse qui ne porte que sur 12 villes et ne donne donc qu'un aperçu du bilan sur toute l'Europe. Elle ne tient par exemple pas compte des politiques de prévention et d'adaptation mises en place ces dernières années dans de nombreuses villes et qui pourraient avoir atténué le nombre de décès. Pour Pierrre Masselot, chercheur à la London School of Hygiene & Tropical Medicine, « les villes peuvent s'adapter en plantant des arbres, en réduisant l'espace accordé aux voitures et en s'occupant des plus vulnérables. Mais en fin de compte, le meilleur moyen d'éviter des conséquences désastreuses est de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre. »
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


Le Parisien
an hour ago
- Le Parisien
Interdiction de boire l'eau dans trois villages du Val-d'Oise : l'anthraquinone est-il dangereux pour la santé ?
L'anthraquinone est-il dangereux pour la santé ? C'est sans doute la question que se posent en ce moment plusieurs centaines d'habitants des villages de Moussy, Le Belay-en-Vexin, et du hameau Bercagny à Chars, dans le Val-d'Oise. Des concentrations anormalement élevées de ce composé chimique ont été relevées dans l'eau potable (au-delà du seuil de 0,5 µg/L dans l'eau distribuée). Plusieurs études d'impact sur la santé humaine ont été menées ces dernières années. Contactée par nos soins, l'agence régionale de santé nous a détaillé les résultats de ces dernières, qui ne disent pas toutes la même chose. « L'anthraquinone est classée cancérogène présumé par l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) depuis le 5 mai 2017 et cancérogène possible par le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) en 2013. » L'ARS précise que pour l'agence américaine US Environmental Protection Agency, « à la date du 30 septembre 2021, cette molécule ne présentait pas de classification cancérogène ». La source de la pollution non identifiée Même s'il n'existe pas, selon ces études, un risque certain et démontré sur la santé, des mesures de protection ont été prises. Jusqu'à nouvel ordre, les habitants des villages concernés ne peuvent plus de boire de l'eau du robinet, froide ou chaude, ni faire cuire des aliments avec cette même eau. En revanche, il est toujours possible de laver ses fruits et légumes, la vaisselle ou le linge, arroser les jardins potagers, ainsi que de prendre sa douche. Une distribution d'eau embouteillée va débuter ce vendredi. Pour le moment, l'ARS indique que la source de pollution n'a pas été identifiée. Selon un rapport de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) en 2011, l'action de désinfectants chlorés, utilisés dans le traitement de l'eau, au contact de certains revêtements hydrocarbonés de canalisations anciennes en acier ou en fonte, peut expliquer la présence de ce composé chimique. « Dans l'attente de l'identification de la source de contamination et de la mise en place d'un correctif pérenne, un traitement temporaire mobile sera mis en place dans l'objectif de distribuer une eau respectant la valeur sanitaire pour l'anthraquinone », conclut l'ARS.


Le Figaro
an hour ago
- Le Figaro
«Très vite, je suis devenue accro» : interdite à la vente, la «puff» fait toujours un tabac auprès des jeunes
Réservé aux abonnés DÉCRYPTAGE - Prohibées depuis février dernier, les cigarettes électroniques jetables parviennent encore à se frayer un chemin jusqu'aux mains des adolescents. « Depuis l'interdiction, rien n'a changé », constate Marianne, 16 ans. La lycéenne profite des vacances pour flâner sur une place du 6e arrondissement de Paris avec deux de ses camarades tout en tirant de longues bouffées sur sa « puff », dont elle dit ne jamais se séparer. Cette cigarette électronique jetable, préchargée et préremplie, est pourtant interdite à la vente en France depuis le 25 février dernier. Proscrite notamment en raison de ses matériaux polluants, la « puff » (« bouffée », en anglais) fait un tabac depuis 2022 auprès des adolescents. Inventée trois ans plus tôt par la société californienne Puff Bar, cette alternative à la cigarette classique a rapidement séduit les jeunes grâce à son design attractif, son prix acceptable (6 à 10 euros l'unité) et sa large palette d'arômes fruités. Environ 18 % des 13-16 ans ont déjà utilisé une « puff », tandis que 81 % d'entre eux en ont déjà entendu parler, selon une étude de l'Alliance nationale contre le tabac


Le Figaro
2 hours ago
- Le Figaro
Intoxications à la bactérie E.coli dans l'Aisne : une information judiciaire ouverte pour homicide involontaire aggravé et tromperie aggravée
«Deux juges d'instruction du pôle santé publique de Paris sont désormais saisis de cette enquête», indique la procureur de Paris dans un communiqué ce mardi, deux mois après la vague d'intoxications alimentaires. La procureur de Paris a annoncé jeudi l'ouverture d'une information judiciaire pour identifier l'origine de la vague d'intoxications alimentaires à la bactérie ayant touché une trentaine de personnes et conduit à la mort d'une fillette de 11 ans au début de l'été dans l'Aisne. Cette information judiciaire, ouverte notamment pour homicide involontaire aggravé, mise en danger de la vie d'autrui et tromperie aggravée, doit aussi permettre d'établir «d'éventuelles responsabilités sur le plan pénal», a précisé la procureure Laure Beccuau dans un communiqué. «Deux juges d'instruction du pôle santé publique de Paris sont désormais saisis de cette enquête», indique-t-elle dans un communiqué. Publicité Fillette de 11 ans décédée Mi-juin, «plusieurs enfants âgés de 11 mois à 12 ans avaient été pris en charge par les centres hospitaliers de Saint-Quentin, Amiens, Lille et Reims», rappelle le parquet. La préfète de l'Aisne, Fanny Anor, a salué dans un communiqué cette «étape importante dans la recherche de la vérité, tant attendue par les familles» et dit espérer que «la procédure judiciaire permette de faire toute la lumière sur ces intoxications». Tous étaient infectés par la bactérie Escherichia coli ( Une fillette de 11 ans, Élise, était décédée le 16 juin au CHU d'Amiens. Cette vague d'intoxications alimentaires, avec 32 cas recensés au total, avait conduit à la fermeture préventive de six boucheries, les autorités soupçonnant une infection alimentaire liée à de la viande. Le parquet de Saint-Quentin s'était rapidement dessaisi de l'enquête préliminaire, en faveur du pôle de santé publique du parquet de Paris.