Pourquoi les chanteurs country ont-ils soudain la cote auprès des stars féminines?
Leur romance a pris tout le monde de court. Le jour de Pâques 2025, l'actrice Elizabeth Hurley et le chanteur de country Billy Ray Cyrus (père de Miley Cyrus) ont officialisé leur histoire en partageant sur Instagram une photo d'eux, adossés à une clôture en bois dans un jardin, en train de s'embrasser.
Rien de choquant ni de subversif. Et pourtant, quelque chose intrigue. On imaginait davantage Elizabeth Hurley, sex-symbol des années 1990, avec un acteur ou un homme d'affaires, gentleman et élégant. L'actrice a d'ailleurs été en couple avec Hugh Grant, archétype du gendre idéal version british, charmant mais terriblement insolent. Elle a ensuite partagé la vie du businessman Steve Bing - père de son fils Damian Hurley - au look propret. Rien à voir donc, avec Billy Ray Cyrus, ses bras tatoués, ses longs cheveux bruns, sa barbe fournie et ses vestes en cuir, qui incarne son exact opposé. Alors, comment expliquer que «Liz» soit tombée sous son charme ? Qu'est-ce qui lui a tant plu chez lui ?
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Billy Ray Cyrus est une immense star aux États-Unis depuis 1992 et la sortie de son tube Achy Breaky Heart, vendu à plus de 20 millions d'exemplaires. Il est aussi connu pour avoir incarné un «power couple» avec la réalisatrice et productrice américain Tish Cyrus, avec qui il a eu trois enfants, la célèbre chanteuse Miley, Braison et Noah. Billy Ray a également adopté Brandi et Trace, les deux enfants de Tish, issus d'un premier mariage. Le chanteur est resté marié avec elle pendant trente ans. Au moment même où Billy Ray s'épanouissait et construisait sa vie de famille avec Tish dans les années 1990, Elizabeth Hurley formait un couple ultra-médiatisé, sans cesse traqué par les paparazzis, avec Hugh Grant, qui a finalement brisé leur histoire en la trompant avec une prostituée. En se mettant en couple avec Billy Ray Cyrus, trois décennies plus tard et après deux histoires d'amour malheureuses, Elizabeth Hurley paraît ainsi faire le choix de la stabilité, du sérieux et de l'engagement.
Virilité et sensibilité
Nicole Kidman semble elle aussi avoir trouvé de la sérénité avec Keith Urban, star de la country d'origine australienne. C'est en janvier 2005, lors du gala G'Day USA, un événement organisé à Los Angeles pour célébrer les Australiens ayant du succès aux États-Unis, que l'actrice a un véritable coup de foudre pour le chanteur. «Je lui suis littéralement rentrée dedans», se souvient-elle en 2017 dans l'émission d'Ellen DeGeneres, à laquelle participe également Keith, à qui elle lance : «Je me suis dit que toi, tu n'avais pas eu de coup de foudre pour moi, que tu ne m'avais pas remarquée». Le chanteur l'avait finalement recontactée quelques mois après l'événement pour lui proposer un rendez-vous.
Quatre ans plus tôt, Nicole Kidman finalisait son divorce avec Tom Cruise après onze ans de mariage. Une rupture actée par l'acteur de Mission Impossible, qui n'a pas supporté que son épouse, catholique, refuse de se convertir à la Scientologie, organisation qui a le statut de religion aux États-Unis depuis 1993 mais qui, en France et dans la majorité des autres pays du monde, est toujours considérée comme une secte. Leurs deux enfants adoptifs, Connor et Isabella Jane, sont devenus scientologues et ont totalement tourné le dos à leur mère, qualifiée de «personne nuisible» par la secte. Nicole Kidman a été profondément meurtrie par toute cette histoire. «Je suis peut-être devenue un peu plus craintive, reconnaît-elle dans les colonnes de Harper's Bazaar en septembre 2021. Mais j'essaie toujours d'être aussi ouverte que possible. Je préfère simplement vivre dans le monde de cette façon».
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Avec Keith, l'actrice retrouve un nouveau souffle. Le chanteur lui apporte l'apaisement et la stabilité qu'elle n'a jamais trouvés dans sa relation avec Tom Cruise, peut-être trop médiatisée. Le couple a deux filles, Sunday Rose, 16 ans et Faith Margaret, 14 ans, qu'ils élèvent dans la foi catholique. Vingt ans après leur rencontre, leur amour n'a jamais été aussi fort. Le 27 avril 2024, Keith Urban déclare sa flamme à son épouse sur la scène des American Film Institute Life Achievement Awards, à Los Angeles. «J'ai eu énormément de chance dans ma vie, mais il y a aussi la chose la plus importante : le grand amour», confie-t-il, visiblement ému, en regardant droit dans les yeux Nicole Kidman.
Keith Urban et Nicole Kidman Academy of Country Music Awards. (Frisco, Texas, le 8 mai 2025.)
Zuma/ABACA
Cette effusion de sentiments de la part de Keith Urban n'est pas vraiment surprenante quand on sait que les chanteurs country ont toujours été de grands amoureux. On retrouve ce côté très romantique dans leurs chansons, comme Only You Can Love Me This Way (Toi seul peux m'aimer de cette façon) interprétée par l'époux de Nicole Kidman, ou Missing You (Tu me manques) de Billy Ray Cyrus. «Ce sont des hommes rugueux mais qui chantent l'amour. Ils sont virils physiquement, et jouent avec les codes du Sud, mais ils sont aussi affables et accessibles», explique Arnaud Choutet, auteur spécialisé dans la country à qui l'on doit l'ouvrage Country & Americana, paru aux éditions Le mot et le reste le 5 avril 2025. Maîtrisant les codes traditionnels de la masculinité, doux et sensible, le chanteur country cocherait ainsi aux yeux de certaines femmes (presque) toutes les cases du parfait amant mais aussi du père idéal.
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Des valeurs familiales et conservatrices
La «country music» a en effet toujours été associée à des valeurs familiales et conservatrices. Elle s'est développée dès le 18e siècle sous le nom de «hillbilly» (terme littéralement traduisible par «plouc des collines») dans des communautés d'immigrants européens installés dans les Appalaches, une chaîne montagneuse de l'Est américain. Elle trouve aussi ses racines au Texas et dans le Sud-Ouest avec le «western swing», associé à la culture des cow-boys et du Far West. Ces styles ont fusionné avec les premiers enregistrements, en 1920, organisés près de Bristol, à la frontière entre la Virginie et le Tennessee.
À l'époque, la country music est principalement écoutée par les descendants des colons européens, c'est-à-dire une population blanche rurale, très attachée à la tradition, la foi et la vie communautaire. En 1971, l'artiste John Denver évoque ainsi son amour pour la Virginie-Occidentale, sa terre natale symbolique, dans Take Me Home, Country Roads («routes de mon pays, menez-moi à la maison», NDLR), sa chanson devenue un hymne country. Autre tube célébrant une vie simple à la campagne, la famille et le retour aux racines : Where the Green Grass Grows («Où pousse l'herbe verte», NDLR) de Tim McGraw, sorti en 1997. En 2002, Blake Shelton, star de la country, sort quant à lui The Baby, une chanson pleine de tendresse évoquant sa relation fusionnelle avec sa mère jusqu'au dernier souffle de cette dernière.
Le virage idéologique de Gwen Stefani
Méconnu en France, le chanteur forme pourtant ce qu'on appelle un power couple avec une pop star mondialement connue : Gwen Stefani, qu'il rencontre en 2015 sur le tournage de l'émission The Voice. Rien ne prédestinait ces deux artistes à finir ensemble; elle la démocrate menant une vie trépidante à Los Angeles, lui le Républicain resté fidèle à sa campagne de l'Oklahoma. Musicalement, tout les oppose aussi. La notoriété de Gwen Stefani explose en 1995 grâce à la sortie de l'album Tragic Kingdom de No Doubt, le groupe punk-pop dans lequel elle chante depuis la fin des années 1980.
Sur le disque figure notamment le tube Just a Girl dans lequel elle dénonce la domination masculine avec une ironie mordante. Gwen Stefani devient alors une icône rock et féministe aussi influente que deux autres chanteuses de sa génération, à l'instar de Courtney Love ou Shirley Manson. Alors qu'elle lance sa carrière solo dans les années 2000, la star, ouvertement démocrate, ne manque pas une occasion de crier haut et fort ses convictions. Elle s'oppose par exemple à la politique de George Bush en 2004 en participant à la compilation Rock Against Bush Vol. 2.
Quelques années plus tard, elle apporte son soutien à Barack Obama lors de sa campagne présidentielle, d'abord contre John McCain en 2008, puis face à Mitt Romney en 2012. Mais après sa rencontre avec Blake Shelton, en 2015, Gwen Stefani devient soudainement beaucoup plus silencieuse. Contrairement à d'autres pop stars comme Lady Gaga, Ariana Grande ou encore Taylor Swift, elle ne soutient pas publiquement Joe Biden, ni Kamala Harris lors des deux dernières élections présidentielles. Cette absence de positionnement interpelle ses fans : Gwen Stefani aurait-elle changé de camp ?
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De nombreux éléments vont en ce sens. D'abord, la star a totalement changé de mode de vie. Elle a quitté l'effervescence de la Cité des Anges pour le calme de l'Oklahoma, l'État dont est originaire Blake Shelton. Le couple vit dans un ranch en pleine nature, où il élève les trois enfants de Gwen -Kingston, Zuma et Apollo- issus de son précédent mariage avec Gavin Rossdale. «La country est une musique rurale, de terroir. Les chanteurs country représentent un certain idéal de dépaysement et d'une vie proche de la nature», rappelle Arnaud Choutet.
Ce changement radical s'accompagne d'un certain glissement idéologique de la part de la chanteuse. Le 6 mars 2025, elle salue une interview de Jonathan Roumie — célèbre pour son rôle de Jésus dans la série The Chosen —, menée par Tucker Carlson, un journaliste controversé qui a déjà collaboré avec la chaîne conservatrice Fox News. «Wow, tu es un être fort et inspirant, quelle interview intelligente et magnifique, merci d'exister», écrit-elle sur X.
Au même moment, Gwen Stefani devient la nouvelle ambassadrice de «Hallow», une application de prières et de méditations guidées. Dans une vidéo promotionnelle partagée sur Instagram, la chanteuse invite ses fans à participer avec elle à un challenge de 40 jours de prières pour le Carême. Si la pop star n'a jamais caché sa foi, elle n'avait jusqu'à présent jamais associé son image à celle d'un organisme religieux. Certains de ses abonnés lui reprochent aujourd'hui de faire du prosélytisme.
Autre preuve du virage idéologique de la star : ses abonnements sur les réseaux sociaux. Gwen Stefani suit désormais des personnalités comme Candace Owens, commentatrice politique ultraconservatrice régulièrement invitée sur Fox News (qui a largement diffusé la théorie complotiste et transphobe selon laquelle Brigitte Macron serait un homme, NDLR), et des comptes religieux relayant des discours anti LGBTQIA+.
«Tellement triste de te dire au revoir après tant d'années Gwen, je n'arrive pas à croire que tu ne défendes plus les causes pour lesquelles tu chantais autrefois», «Où est passé ton amour pour tes fans de la communauté LGBT ?», «Je n'aurais jamais pensé que tu serais du mauvais côté de l'histoire», peut-on lire dans les commentaires sous la dernière publication Instagram de Gwen Stefani annonçant la sortie le 15 mars 2025 de la version deluxe de Bouquet, son dernier album.
Le renouveau de la country
L'exemple de Gwen Stefani est heureusement à contre-courant de toute une nouvelle génération d'artistes déterminés à ne pas laisser la country s'enliser dans un conservatisme figé. Des icônes progressistes se réapproprient le genre, comme Orville Peck, mystérieux cow-boy masqué revendiquant son homosexualité dans ses chansons, ou encore Beyoncé, qui met en avant ses racines afro-américaines dans Cowboy Carter, élu meilleur album country de l'année 2025 aux Grammy Awards. Encore plus surprenant, Billy Ray Cyrus, qui a chanté à l'investiture de Donald Trump cette année, a collaboré en 2019 avec Lil Nas X, rappeur noir et queer, sur le tube Old Town Road.
Comme le souligne Arnaud Choutet, la country est aujourd'hui devenue «mainstream». Cette année, elle domine en effet une part importante des hits du Billboard Hot 100. Au premier semestre 2025, elle représentait environ 29% des titres dans le top 10. Un succès ahurissant qui s'explique par l'émergence de nouveaux artistes dépoussiérant le genre comme Luke Combs, qui fusionne les sonorités traditionnelles de la country avec des styles plus contemporains, tels que la pop, le hip-hop et le R&B. Ce vent de modernité attire un public plus large, plus féminin et résolument progressiste. De quoi remettre les chapeaux de cowboys et les santiags au goût du jour. Mais cette fois-ci saupoudrés de paillettes, plus glamour.
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