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« On a favorisé les puncheurs ces dernières années » : Christian Prudhomme raconte les coulisses du tracé du Tour de France

« On a favorisé les puncheurs ces dernières années » : Christian Prudhomme raconte les coulisses du tracé du Tour de France

L'Équipe03-07-2025
Christian Prudhomme, le patron du Tour de France, garde le même enthousiasme à quelques jours du départ samedi depuis Lille. Le duel Pogacar-Vingegaard ne le lasse pas, il sublime selon lui l'épreuve et rappelle les grandes joutes du passé.
L'emploi du temps de Christian Prudhomme est aussi chargé que celui d'un ministre. Mais à quelques heures du Grand Départ à Lille (5 au 27 juillet), le patron du Tour de France a pris le temps de rendre visite à Jean-Marie Leblanc, son prédécesseur à la tête de l'épreuve, avant d'aller honorer la mémoire de Jean Stablinski, à Wallers-Arenberg.
Son attachement à ces personnalités, aux dates et aux lieux culte du Tour l'incite à bien ancrer la plus grande course du monde dans sa légende. Sans oublier de tenir compte de l'évolution du cyclisme, de se soucier de la sécurité des coureurs et de créer des parcours attractifs.
« Vous dirigez le Tour de France depuis 19 ans. Se renouveler, en renouveler l'histoire, est-ce compliqué ?Imaginer le Tour est surtout exaltant. Penser à un parcours, découvrir de nouveaux lieux, estimer les bagarres qu'on pourrait provoquer sachant qu'on est face à un tableau noir et que rien n'est écrit à l'avance... Parfois, quand on imagine un parcours, on se dit qu'il pourrait se passer ci et ça. En 2019, par exemple, avec la victoire de Julian Alaphilippe à Épernay (le lundi 8 juillet, 3e étape Binche-Épernay où le Français prend aussi le maillot jaune), tout s'était exactement déroulé comme on l'avait prévu.
Et parfois, c'est tout le contraire comme à Quimper en 2018 (5e étape, Lorient-Quimper, le 11 juillet, remportée par Peter Sagan) magnifiquement tracée (avec un final en côte) par Thierry Gouvenou (le directeur technique), mais où il ne s'est rien passé. On peut aussi se protéger d'une arrivée potentiellement dangereuse au sprint, opter pour un troisième choix comme à Nogaro en 2023 (4e étape, Dax-Nogaro, le 4 juillet, remportée par Jasper Philipsen) parce que c'est un circuit automobile donc potentiellement sécurisé. Et il y a finalement trois chutes en trois kilomètres...
« La première semaine est un trompe-l'oeil [...] Cette carte peut ressembler à ce qui se faisait dans les années 90, mais en fait, on aura quatre arrivées pour puncheurs »
Faire partir le Tour depuis la France et non de l'étranger comme ces trois dernières années modifie-t-il votre approche ?Ce n'est pas parce que c'est en France que ça sera plus facile. Le danger est de se dire que ça sera plus simple car on connaît la police, la gendarmerie, les pompiers, les services de l'État, alors qu'on doit toujours rester vigilants.
Les premières étapes de cette édition se dérouleront pourtant sur un terrain connu...Je ne suis pas d'accord. La première semaine est un trompe-l'oeil. Si quelqu'un n'a pas suivi le Tour depuis des années et voit le parcours, il peut se dire en effet qu'on aura sept étapes pour sprinteurs lors des huit premiers jours. Cette carte peut ressembler à ce qui se faisait dans les années 90, mais en fait, on aura quatre arrivées pour puncheurs. Le Tour a changé depuis des années, on cherche à brouiller les pistes, même quand le parcours semble vu et revu.
Pour les brouiller encore un peu plus, pourquoi ne pas avoir ajouté des secteurs pavés de Paris-Roubaix ?On fait le choix de tout miser sur des côtes courtes mais raides durant toute la première semaine plutôt que d'aller chercher les pavés. Tout le monde le sait : ni Thierry Gouvenou ni moi ne sommes anti-pavés. Thierry parce qu'il adore Paris-Roubaix, et moi parce que j'ai remis les pavés au goût du jour sur le Tour. Mais là, on s'est dit que c'était trop tôt. J'ai donc demandé à Thierry quelle arrivée nous offrirait l'étape la plus sélective dans les Hauts-de-France. Il m'a répondu Boulogne-sur-Mer (2e étape). Comme la ville était candidate, ça s'est fait ainsi. Ensuite, on aura le même schéma à Rouen (4e étape), à Vire (6e étape) et à Mûr-de-Bretagne (7e étape).
Certaines équipes ont pourtant beaucoup misé sur les sprints...Se dire que ce Tour fera plus la part belle aux sprinteurs que les éditions précédentes est une erreur. On n'a pas la volonté de réduire leur rôle car ce sont des champions d'exception, mais on veut faire en sorte qu'il puisse aussi y avoir une étape intéressante avant ou après un sprint.
Depuis plusieurs années, les étapes qui leur sont favorables sont disséminées, et on n'en a jamais plus de deux d'affilée faites pour eux. Soit elles sont coupées par des étapes pour puncheurs, soit par un contre-la-montre. Et ensuite, oui, tout est fait pour avoir une course la plus intéressante possible. L'étape de Toulouse (la 11e, le 16 juillet) est la plus emblématique pour moi parce qu'on aura une dernière partie vallonnée avec la côte de Pech David à huit kilomètres de l'arrivée, avec des passages à 20 %. Donc ce jour-là, chez Alpecin par exemple, faudra-t-il jouer la carte Jasper Philipsen ou Mathieu van der Poel ? Je les laisse choisir.
« On a bien évidemment favorisé les puncheurs ces dernières années, plus que les grimpeurs »
Êtes-vous tenté, parfois, de favoriser, même inconsciemment, certains types de coureurs ?Mais ce n'est même pas inconscient. On a bien évidemment favorisé les puncheurs ces dernières années, plus que les grimpeurs. Pour deux raisons essentielles : cela ajoute de l'incertitude dans le final et ensuite, il y a moins de risque de chute. On a compris qu'on ne peut plus rentrer aujourd'hui dans le coeur des grandes villes comme avant, nous devons donc trouver des alternatives.
Un organisateur ne peut-il pas se lasser de voir que, malgré ses efforts, le scénario du Tour est quasiment identique ces dernières années ?Il ne s'agit pas toujours du même scénario mais plutôt des mêmes acteurs. Le duel de champions a toujours existé et on en a toujours envie. C'était Coppi-Bartali, Anquetil-Poulidor, Merckx-Ocana, Merckx-Thévenet... On a toujours rêvé de ça, comme dans le tennis avec les Nadal, Federer et Djokovic. Mais sur les cinq dernières éditions, ça fait 3-2 pour (Tadej) Pogacar et on espère revoir son match face à (Jonas) Vingegaard. Il faudrait juste que, contrairement à l'an passé, ça dure un peu plus longtemps que la mi-Tour de France.
Notre rôle, je le répète, est d'essayer de mettre du suspense jusqu'au bout. L'arrivée de la dernière étape en passant par Montmartre fait partie de cette volonté, comme l'était le contre-la-montre en 2024 (à Nice). Après, nous ne sommes que les organisateurs : on propose et les coureurs disposent.
Comprenez-vous la déception des sprinteurs qui n'auront pas les Champs-Élysées pour finir en apothéose ?J'entends et je comprends parfaitement, mais quand on a réintroduit les pavés (en 2010), on n'a pas fait un tabac, ni quand on a décidé de mettre les chemins blancs (en 2024). Quand je relis maintenant les commentaires dithyrambiques après coup, je me dis que Montmartre était tout aussi incontournable. Cela reste pour moi l'une des images les plus saisissantes des Jeux l'année dernière.
Il y a toujours énormément de monde sur les Champs-Elysées, des centaines de milliers de personnes, mais c'est très large, et sous les arbres, on ne voit pas le public. À Montmartre, il y a cette proximité, celle qu'on connaît partout en France pendant le Tour. Ça sera donc un bel héritage des Jeux.
Vous est-il arrivé de vous dire, à la fin d'un Tour, qu'il était raté ?Le dernier jour du Tour a toujours été pour moi, depuis que je suis gamin, le jour le plus triste de l'année. Parce qu'il faut attendre douze mois avant de revivre tout cela. Maintenant, quand le dernier coureur a franchi la ligne et qu'on n'a pas eu d'accident, je le vis comme un soulagement. Je ne ressentais pas cela forcément avant. Ce changement date seulement de ces dernières années. Sans doute aussi parce que je vieillis... »
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