
« Je n'ai même pas pleuré »
C'était hier vers midi, dans Trévise ensoleillée. Une foule avertie se pressait aux barrières. Geneviève Jeanson s'est arrachée de l'auvent de départ. Une moto lui ouvrait le chemin dans le dédale des ruelles médiévales…
« Je redoutais beaucoup la première courbe à droite mais après, tout s'est passé comme dans un rêve. Je ne comprenais rien de ce que disait André (André Aubut, son entraîneur) dans mon petit récepteur qui grichait trop, mais vers la fin j'ai presque rattrapé une des favorites, la Hollandaise qui était partie une minute avant moi, et j'ai compris que j'avais roulé très vite. Les spectateurs, plusieurs avec un chrono à la main, me faisaient signe de pousser plus fort encore, j'étais à bloc, j'avais des super jambes, quand j'ai franchi la ligne d'arrivée j'ai regardé le cadran, yé ! »
En un peu moins d'un quart d'heure, à plus de 45 kilomètres heure, Geneviève Jeanson, une gamine de 17 ans de Lachine, est devenue hier championne du monde junior du contre-la-montre, première médaille d'or canadienne de l'histoire du cyclisme sur route. Même Steve Bauer n'a jamais été champion du monde.
– « Contente ?
– Je n'ai même pas pleuré ! J'ai rêvé souvent ces derniers temps que je serais championne du monde, je me voyais sur le podium en train de pleurer, mais je n'ai même pas pleuré. Mon entraîneur pleurait. Ma mère aussi. Mon père sautait partout… Dites-moi, M. Foglia pensez-vous qu'on parlera de ma victoire dans le journal de demain ? »
Elle était de retour à son hôtel de Vicenza quand on s'est parlé. La voix enjouée d'une gamine de 17 ans qui avait déjà passé à autre chose : « Si vous faites un article, pouvez-vous, s'il vous plaît, saluer mon amie Geneviève Goulet ?
– Promis. Mais parle-moi de toi un peu. Qu'est-ce tu vas faire aujourd'hui ?
– Là là tout de suite ? Je m'en vais rouler.
– Tu viens de gagner le championnat du monde et tu t'en vas rouler ? T'es comme les Russes au hockey des années 70, ils venaient de planter les Canadiens et ils allaient jogger. Tu fêtes pas ?
– Si, si, je fête ce soir. Un souper avec mes parents, mon entraîneur et sa femme. Peut-être un peu de champagne. Comment avez-vous su que j'avais gagné ? Internet ?
– Non. Par Simone Marinoni à la première heure ce matin. Avant tout le monde. Ton entraîneur a téléphoné à M. Bedwani qui dirige ton club à Laval (les Espoirs de Laval), ce bon monsieur Bed comme vous l'appelez a téléphoné chez Marinoni, mais il était tellement ému qu'il ne pouvait pas parler, il est parti à pleurer et Simone Marinoni lui disait : faut pas pleurer comme ça M. Bedwani, qui c'est qu'est mort donc ? Tu vois, tu fais brailler tout le monde. T'as eu des fleurs ?
– Superbes. J'ai eu aussi une magnifique montre Tissot en argent. Et bien sûr le maillot arc-en-ciel de championne du monde. C'est mon plus beau cadeau, ce maillot, et en même temps la seule petite ombre à mon bonheur parce que je ne peux pas le mettre pour aller rouler.
– Trop petit ?
– Non, il est à manches longues. Il fait bien trop chaud ici pour rouler en manches longues.
– Comment te sens-tu pour la course sur route de vendredi ?
– Confiante aussi, mais ce n'est pas pareil. C'est une loterie, la route. Contre la montre, il n'y a pas de hasard. »
Onze secondes, c'est le mince écart qui sépare Geneviève de la deuxième, la Française Juliette Vandekerkove, déjà championne du monde de poursuite sur piste qui se vantait la semaine dernière qu'elle allait tout rafler à Trévise.
Onze secondes, une par kilomètre. Rien à voir avec la chance. Méticuleusement entraînée par André Aubut, ex-athlète et entraîneur de canoë-kayak, très porté sur la musculation et l'entraînement fractionné (intervalles), Geneviève Jeanson était venue reconnaître le parcours dès l'an dernier, connaissait les onze tournants par cœur, s'entraîne depuis deux semaines en Italie. Bref, ces onze secondes ne doivent absolument rien au hasard.
17 ans, étudiante au cégep André-Laurendeau, têtue, super organisée, bien entourée, bien entraînée (en marge du milieu du cyclisme et c'est peut-être mieux comme ça), Geneviève est désignée aujourd'hui même, sur le site de Velonews, par un des meilleurs journalistes de vélo (John Wilcokson), comme la nouvelle Jeannie Longo. Eh bien ! j'espère bien que non, mon vieux. Jeannie Longo a sans doute été une grande championne, mais elle a été aussi une des plus formidables têtes de vache de l'histoire du sport, et si la petite Jeanson devait devenir une autre Longo, fini le vélo pour moi, je me convertis à la nage synchronisée.
Aujourd'hui
La course – Contre-la-montre filles élite. Une boucle de 25,85 km. Parcours plat et très technique.
Les Canadiennes – Lyne Bessette, 24 ans, de Knowlton. Coureuse professionnelle pour l'équipe américaine Saturn. De loin la meilleure cycliste canadienne. Fructueuse et longue saison. Spectaculaires progrès dans le contre-la-montre cette année. Sur un parcours plus sélectif que celui d'aujourd'hui, sans doute une des cinq meilleures au monde. Clara Hughes, 27 ans, de Winnipeg, deux médailles de bronze à Atlanta, dont celle du contre-la-montre ; médaille d'argent aux Mondiaux en 95 en Colombie ; en assez bonne forme pour une fille qui revient à la compétition après deux ans d'interruption (blessée à un talon) ; le parcours, très plat, l'avantage contrairement à Bessette.
La menace – La Lithuanienne Diana Ziliute, actuellement la meilleure cycliste au monde sur tous les terrains. Les spécialistes du contre-la-montre l'Allemande Kupfernagel, la Russe Zabirova. La Hollandaise Van Moorsel, et toujours, et encore l'indestructible Jeannie Longo qui vient de fêter ses 83 ans.
Pronostics – Lyne Bessette dans les cinq premières. Clara Hughes dans les dix premières.
Hier – Inscrit de dernière minute pour le contre-la-montre des Espoirs (coureurs de moins de 23 ans), Charles Dionne, de Saint-Rédempteur, a terminé 45e à un peu plus de trois minutes du vainqueur, l'Espagnol José Gutierrez.
Demain – Contre-la-montre élite hommes. Le titre est promis d'avance ou presque à Jan Ullrich, récent vainqueur du Tour d'Espagne. Un seul Canadien dans cette épreuve, le vieux (35 ans) Eric Wohlberg.
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