
SNCF : pourquoi la concurrence ne parvient toujours pas à casser les prix des TGV
Pourtant, la libéralisation du rail français emprunte un chemin très laborieux, un véritable chemin de croix. Voilà presque quatre ans que Trenitalia a débarqué en France, fin 2021, avec trois liaisons par jour entre Paris et Lyon, plus deux trains vers Milan.
Depuis avril, quatre liaisons entre Paris et Marseille desservent Lyon Saint-Exupéry, Avignon TGV et Aix-en-Provence TGV. Quant à la Renfe, elle relie seule (et non plus en accord avec la SNCF comme auparavant) depuis 2023 Lyon à Barcelone et Marseille à Madrid.
Nombreuses déconvenues
La Renfe, dans sa conquête française, affronte déconvenue sur déconvenue. Il y a deux mois, elle renonçait à lancer Toulouse-Barcelone, peu de temps avant le coup de sifflet prévu. En mars, l'Espagnol a aussi repoussé la très stratégique desserte de Paris à 2028, au plus tôt.
Ces jours-ci, c'est Trenitalia qui connaît un nouveau pépin avec la voie entre Paris et Milan une fois de plus coupée plusieurs jours par des coulées de boues à Modane, dans les Alpes. Le trafic a repris à un rythme ralenti mais voilà qui rappelle à l'opérateur ces presque deux années privées de liaison entre la France et l'Italie à cause d'un éboulement dans la même zone, en août 2023.
Isolé de son réseau domestique et de ses centres de maintenance, le transporteur aurait perdu des dizaines de millions d'euros par an. Il misait beaucoup sur la clientèle italienne pour remplir ses trains sur le tronçon français car comme Renfe, Trenitalia a un sérieux problème de distribution de ses billets.
Les Français achètent surtout leurs trajets sur SNCF Connect, une appli que ne veut pas rejoindre Trenitalia pour ne pas partager ses données clients avec son rival. Et la SNCF en aurait jusqu'ici refusé l'accès à Renfe.
Un constat qui vaut aussi pour le voyage d'affaires. Christophe Roth, directeur du pôle Expertise au cabinet de conseil EPSA, explique que le recours de ses entreprises clientes aux trains alternatifs reste marginal à cause d'une distribution des billets encore peu généralisée. Il fait aussi valoir une fréquence de trains insuffisante pour les voyageurs d'affaires, très portés sur la flexibilité.
Arrivée de Velvet très scrutée
Au sein de l'Autorité de régulation des transports (ART), on soupire face à la lenteur de l'ouverture du marché. Le régulateur observe par-dessus les Pyrénées un rail espagnol bien plus dynamique avec des fréquentations qui ont bondi depuis 2022 grâce aux nouveaux entrants.
L'ART avait déjà identifié bien des obstacles à la libéralisation du rail il y a quelques années, qu'ils soient techniques (signalisations, régulation des circulations) ou économiques (investissements levés, prix des péages, etc.).
Leurs effets se vérifient aujourd'hui : « Nous avons reçu plus d'une quarantaine de projets d'ouvertures de lignes mais peu d'entre eux se concrétisent encore », pointe Anthony Martin, directeur adjoint des études et de l'observation des marchés à l'ART.
C'est pourquoi l'arrivée annoncée en 2028 par Velvet est très scrutée. La jeune pousse vient de dévoiler sa future offre, encore très floue, entre Paris et les trois axes Bordeaux, Rennes et Nantes. Même chose pour Kevin Speed qui vise la grande vitesse à grande fréquence vers Lille.
10 à 15 % de baisse de prix
Le patron d'un grand transporteur privé français écarte néanmoins le scénario d'une catastrophe annoncée liée à l'ouverture à la concurrence. « Renfe ou Trenitalia prennent beaucoup moins de risques que les nouvelles start-up, elles peuvent absorber les pertes sur leur activité domestique et surtout arrêter facilement les frais en rapatriant les trains. La croissance du trafic est telle en Europe qu'ils serviront toujours » explique-t-il aux « Echos ».
Le régulateur défend lui les premiers bénéfices pour les usagers sur les lignes déjà en compétition. « Depuis 2019, la fréquentation de la ligne Paris-Lyon a augmenté de 20 %, le double de la croissance sur le réseau global des TGV. Sur l'Espagne, le gain est de 30 % », fait valoir Anthony Martin.
Il assure que sur Lyon, Trenitalia et Inoui offrent le même niveau de ponctualité. Et contrairement aux autres lignes TGV, les prix moyens sur Paris-Lyon ont connu une inflation moins forte, sous la barre des 10 %.
François Delétraz, président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) pense même que Trenitalia a fait baisser les prix des Paris-Lyon de 15 %. Mais sur Marseille, Ouigo a pris les devants en baissant lui-même les prix. Sur l'Espagne en revanche, la Fnaut ne constate pas de gains financiers pour les passagers.
Ouigo a secoué le marché
En réalité, ce sont surtout les mesures prises par la SNCF, en prévention de l'arrivée de rivaux qui ont secoué le marché, c'est-à-dire le déploiement des Ouigo. Depuis 2015, ces trains à bas coût, 8 euros les 100 km en 2023 selon l'ART, ont récupéré une partie des clients des Inoui, mais surtout attiré ceux des « cars Macron » ou de Blablacar.
Interrogé sur l'effet de Trenitalia sur son activité à la fin mai, le PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou affirme d'ailleurs n'avoir perdu aucune part de marché et tenu les prix : le nouveau venu aurait réussi à augmenter la demande. Le transporteur national reconnaît néanmoins avoir été bousculé sur le haut de gamme : il a dû réduire sa marge pour développer une meilleure offre de première classe face à l'offensive des classes affaires et executive de Trenitalia.
On n'assiste pas une guerre des prix mais à une guerre de l'offre.
Un acteur du marché
La SNCF a de nombreux leviers pour brouiller les cartes. Par exemple, comme les nouveaux entrants desservent bien moins de gares intermédiaires, la SNCF s'est alignée sur Paris-Lyon mais pas sur les autres combinaisons propres à l'opérateur public comme un Paris-Macon, qui restent au prix fort. « Comme la demande est forte, on n'assiste pas une guerre des prix mais à une guerre de l'offre », décrypte un acteur du marché.
Les experts du rail ne s'attendent pas à ce que l'Etat accélère la libéralisation, tant il a intérêt à préserver au maximum les marges de la SNCF et son 1,6 milliards d'euros de bénéfices de l'an dernier. Cette manne finance les lourds travaux d'entretien des infrastructures et Bercy qui cherche 40 milliards d'économies préférerait éviter d'avoir à compenser toute baisse du bénéfice.
Les défenseurs de la libéralisation ne désarment pour autant. Transdev, qui vient d'ouvrir la première ligne TER privée il y a une semaine, rappelle qu'en Allemagne il fait rouler ses trains pour deux fois moins cher. Christophe Roth constate, lui, que les agences de voyages et le secteur du tourisme s'organisent peu à peu pour diversifier les contenus ferroviaires. « Cela répond à une demande croissante des entreprises pour accéder à plus de choix et des tarifs plus compétitifs. » Trenitalia explique avoir signé en mars un accord avec la plateforme de réservation Amadeus qui améliore la situation.
Chez Trenitalia, on reste stoïque. «Le taux de remplissage moyen des trains Trenitalia est désormais entre 70 et 75%, affirme l'entreprise. La nouvelle ligne Paris-Marseille connait un très bon démarrage avec un taux de remplissage dès les 1ers jours supérieur à 70%. Et la ligne Paris-Milan réouverte en avril connait un taux de remplissage extrêmement élevé, supérieur à 80%. Nous avons constaté une augmentation de plus de 40 % du nombre de passagers sur Paris-Lyon en 2024, preuve que la concurrence ne divise pas le marché mais le développe».
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