
«En Bourgogne, le vin est une quête esthétique, artistique et spirituelle» : les climats bourguignons fêtent dix ans d'inscription à l'Unesco
D'abord, une mise au point. En Bourgogne, le terme « climat » n'a rien à voir avec la météo. Il désigne une parcelle de vigne, délimitée et nommée, dédiée à une production monocépage, vendangée et vinifiée à part, pour produire un vin unique qui portera le nom précis de ladite parcelle. Plus de 1 500 climats se succèdent ainsi le long de la Côte de Nuits et de la Côte de Beaune, de Dijon aux Maranges (au sud de la Côte-d'Or). Ils portent des noms poétiques, parfois énigmatiques, qui trouvent leurs origines dans l'histoire locale, comme les Cras, les Pucelles ou le Clos des Mouches.
Le 4 juillet 2015, les climats du vignoble de Bourgogne étaient inscrits sur la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco en tant que paysage culturel, c'est-à-dire comme œuvres conjuguées de l'homme et de la nature qui expriment une longue et intime relation des peuples avec leur environnement, et qui ont une valeur universelle exceptionnelle. Une consécration pour ce merveilleux petit monde. Dix ans après, alors que le vignoble bourguignon connaît une période de prospérité, Gilles de Larouzière, président de l'association les Climats du vignoble de Bourgogne-Patrimoine mondial (par ailleurs président du conseil de surveillance d'Artemis Domaines) dresse un premier bilan de cette inscription et envisage l'avenir.
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Le Figaro.- Quelle est votre définition de ce paysage culturel bourguignon ?
Gilles de Larouzière.- Un paysage, c'est quelque chose qui est issu de données naturelles - la géologie, la climatologie, la fin de l'ère glaciaire, etc. - qui créent la faille sur laquelle sont maintenant installées les Côtes de Beaune et de Nuit. Depuis le Ier siècle de notre ère, cette faille a donné lieu au développement d'une activité, la viticulture, qui a progressivement façonné ce paysage. Elle est aussi à l'origine de la culture viticole bourguignonne. Quant au climat, c'est une parcelle de vigne précisément délimitée, souvent depuis des siècles, cultivée principalement dans deux cépages, le pinot noir et le chardonnay, qui produit des vins exprimant les caractéristiques propres à chacune de ces parcelles et portant le nom de chacune de ces parcelles. C'est cela, les climats de Bourgogne, au sens vigneron. Mais, par-dessus tout, il y a ce processus historique, cette obstination des hommes à rechercher à travers le vin l'expression la plus précise, la plus authentique, et j'irais jusqu'à dire la plus artistique, de chacun de ces terroirs.
Aujourd'hui, dix ans après l'inscription des climats sur la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco, quel est le rôle de l'association les Climats du vignoble de Bourgogne, que vous présidez ?
Il s'agit d'abord de préserver ce paysage, donc de préserver ce patrimoine et de le restaurer. Notre rôle est aussi de travailler en grande proximité avec les pouvoirs publics pour que les projets d'infrastructure - les développements urbains, les projets routiers, les antennes de téléphonie, etc. - s'intègrent de façon harmonieuse dans ce paysage sans le dénaturer. Et puis, troisième volet, nous devons encourager les actions qui permettent de maintenir une biodiversité aussi riche que les climats le sont.
Votre mission consiste-t-elle aussi à faciliter la transmission de cette culture ?
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La transmission, pour nous, cela veut dire continuer à travailler à la connaissance de ces climats en eux-mêmes, mais aussi à la culture et à l'histoire qui s'est développée sur ce territoire. Par exemple, nous allons écrire une monographie patrimoniale sur chacun des 40 villages de vignerons de la Bourgogne. Nous allons rechercher ce qui fait l'histoire, le nom des climats, leur origine, la toponymie. Il s'agit ensuite de porter cette connaissance au grand public. C'est ce que nous avons fait en jouant un rôle important dans la conception du Centre d'interprétation des climats. Ce parcours muséographique à Beaune, à la Cité des climats et vins de Bourgogne, qui explique par quelles évolutions à la fois naturelles et humaines, nous sommes arrivés à cette culture si particulière. Et puis, la troisième chose, c'est de s'adresser aux enfants, de susciter l'émerveillement, de leur montrer la beauté du lieu dans lequel ils vivent et de leur donner la volonté de s'engager et d'être vigilants quant à la protection de ce patrimoine.
Aloxe Corton en Bourgogne
Armelle Hudelot
Pour vous aider dans votre mission, vous disposez d'un fonds patrimoine, alimenté aussi bien par des mécènes que par des institutions publiques…
Notre association est financée par les pouvoirs publics essentiellement et par le Conseil interprofessionnel des vins de Bourgogne, qui a toujours été au cœur de ce travail. Cela correspond à peu près à 400 000 euros par an de budget. Ensuite, nous avons des mécènes souvent locaux - domaines, entreprises locales - qui nous apportent environ 200 000 euros tous les ans et qui nous permettent de financer l'essentiel de nos actions. Et nous avons un fonds patrimoine. Il est alimenté par des mécènes internationaux qui, bon an mal an, nous donnent 400 000 euros, utilisés pour aider les propriétaires à restaurer des éléments de patrimoine vernaculaires, donc des murets, des cabottes, des portes de clos, les meurgers, tous ces éléments de patrimoine qui jalonnent le paysage et en font la beauté. On les aide à les restaurer en leur apportant jusqu'à 50 % du coût du financement, à la condition qu'ils respectent des techniques traditionnelles très particulières. Plus de 250 personnes ont été formées à ces techniques-là.
Ce classement a donc ajouté une touche esthétique à cette partie de la Bourgogne, qui a été classée…
Ce classement a été possible parce qu'en Bourgogne, depuis des générations, il y a une quête de perfection, une quête de vérité, d'authenticité dans l'expression de chacun de ces terroirs, qui fait que les vins de Bourgogne, dès le XVe siècle, peut-être même avant, ont été perçus autant comme des œuvres d'art que comme des vins. Il est assez significatif que les ducs de Bourgogne, les grands ecclésiastiques aimaient, dans leur politique de rayonnement, installer ces vins à leur table, mais aussi en faire des présents et les intégrer au cœur de leur politique diplomatique comme témoignage de relations proches et précieuses qu'on accorde à telle ou telle puissance. Ce qui est intéressant, en Bourgogne, c'est cette quête esthétique qui a une dimension artistique et spirituelle. Je parle de l'humilité de ceux qui font les vins depuis plusieurs générations et qui ont le sentiment de participer à quelque chose qui est plus grand qu'eux, qui les dépasse. Je pense que, c'est cela, l'esprit de la Bourgogne aussi.
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Ce classement a mis un coup de projecteur formidable sur la région viticole. Mais l'afflux de visiteurs peut devenir un problème pour des sites classés. Comment abordez-vous cette question ?
Quand on a un patrimoine d'une telle beauté et qu'on l'aime avec autant de passion, il est normal de le partager. Il ne faut pas l'enfermer dans un coffre-fort et le priver de la vue de tous. Il est vrai que dans le monde actuel, où une photo sur Instagram provoque des mouvements de foule, il est très important de gérer cela avec un grand souci d'équilibre et d'être assez sélectif dans sa stratégie de mise en valeur du territoire pour attirer des gens, des touristes, des visiteurs qui vont comprendre ce caractère éminemment culturel et partager l'envie de le préserver plutôt que de le consommer. Donc cela passe par une relation très proche avec les pouvoirs publics pour canaliser les flux, pour qu'ils ne viennent pas gêner l'activité des vignerons notamment. Cela passe aussi par une relation très proche avec l'hôtellerie et bien sûr avec les offices du tourisme pour que l'ensemble des acteurs soient parfaitement alignés sur une stratégie de valorisation qui nous amène à accueillir des gens, des visiteurs qui vont être soucieux de respecter ce patrimoine. Il faut éviter le surtourisme parce que je pense qu'il tue la poule aux œufs d'or. À la fin, la dimension culturelle est détruite.
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Ces dix dernières années qui ont suivi le classement ont aussi été celles d'une évolution de la notoriété des vins de Bourgogne et d'une forte augmentation des tarifs. Ces deux phénomènes sont-ils liés ?
Si on s'inscrit dans une perspective historique, les grands vins de Bourgogne qui sont en tête d'affiche et dont tout le monde parle parce que leurs prix sont très élevés ont toujours existé. Les grands princes du XVe siècle se les arrachaient déjà. Un deuxième facteur est la mondialisation, qui a été accélérée avec les réseaux sociaux, le partage d'images et d'expériences à l'échelle mondiale. Cela a créé une attraction forte. Paradoxalement, la Bourgogne, dans un monde qui se mondialise et s'uniformise, offre justement le visage de quelque chose d'extrêmement local, humain, le visage du vigneron, de la famille. Le domaine familial est au cœur de l'identité de la viticulture en Bourgogne et cela parle très fort aux gens du monde entier.
Et qu'est-ce que cette inscription ne vous a pas apporté ?
Je suis assez surpris que le fait d'être inscrit au Patrimoine mondial n'ait pas été articulé dans la loi française avec un certain nombre d'obligations de préservation de ce lieu. Nous pourrions, si nous n'étions pas vigilants, avoir des éoliennes s'implantant sur ce site ou à proximité, qui en dénatureraient l'authenticité. En raisonnant de façon plus chauvine, ces sites peuvent être considérés comme des actifs stratégiques de la France, des éléments très forts d'attractivité de la France. Préserver cela me paraît essentiel. Il y a un petit trou dans la raquette qu'il serait bien, à mon avis, de combler.
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