
«Ils recrutent à l'étranger car c'est plus facile de baisser les salaires» : en Champagne, malaise autour des prestataires chargés des vendanges
Lorsque l'on évoque le sujet avec des vignerons, la gêne est palpable. Conscients du mal que le procès des «vendanges de la honte» a fait à l'image de la région, ils s'indignent en cœur face aux faits révélés par l'enquête du parquet de Châlons-en-Champagne. Trois personnes ont été condamnées ce lundi à de la prison ferme pour avoir exploité et hébergé dans des conditions indignes une cinquantaine de travailleurs, souvent sans-papiers. Ces derniers avaient été recrutés par des sociétés de prestation de service auxquelles font appel les récoltants. «C'est une décision exemplaire, qui tient compte du nombre de victimes, des conditions dans lesquelles elles ont été employées et exploitées. C'est assez historique dans le cadre de dossiers de traite dans le monde du travail», a déclaré Maxime Cessieux, avocat des victimes, lors du délibéré.
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Il y a la lourdeur des peines, attendues comme un signal fort, mais aussi le coup de projecteur posé sur un système ayant favorisé ces graves incidents. En Champagne, le besoin en main-d'œuvre est chaque année très conséquent, car les 34.000 hectares de vignes se doivent d'être vendangés manuellement. L'appellation du plus prestigieux des vins effervescents interdit strictement le recours à la machine, largement répandu dans les autres régions. Ainsi, les Champenois sollicitent plus que les autres ces prestataires, qui présentent l'avantage de fournir du personnel clé en main. Les producteurs, mais aussi les maisons aux noms ronflants, sont ainsi déchargés d'une embauche devenue fastidieuse, qui pouvait auparavant se faire majoritairement à échelle locale. «Ils n'ont même plus besoin de loger qui que ce soit. Ça laisse de la place pour accueillir du public, ouvrir des chambres d'hôtes, etc.», dénonce José Blanco, secrétaire général de l'Intersyndicale CGT du champagne.
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«On fait tout pour ne pas faire travailler les Français»
On entend souvent que les vendanges attirent moins et que la nécessité d'un recrutement étranger s'intensifie. «Les prestataires recrutent à l'étranger car c'est plus facile de baisser les salaires. On explique que ce sont des métiers en tension et que les Français sont feignants. Alors que pas du tout, on fait tout pour ne pas les faire travailler», s'inquiète à nouveau José Blanco. Et un patron de maison de pointer du doigt un autre problème : «On a perdu en qualification car les vendangeurs prennent moins soin des raisins.»
Outre les manquements dans l'accueil, les vendanges 2023, organisées dans un contexte de fortes chaleurs, avaient abouti à plusieurs décès. Des drames qui ont précédé une prise de conscience et qui ont mené à la publication d'un plan baptisé «Ensemble pour les vendanges en champagne», rédigé par le Comité interprofessionnel du vin de champagne (CIVC) en lien étroit avec les services de l'État. Destiné à mieux accueillir les 120.000 personnes qui débarquent chaque année dans les vignes pour la cueillette, ce guide a été traduit en sept langues (anglais, bulgare, polonais, roumain, turc, portugais et ukrainien). Il décrit les bonnes pratiques à adopter (aménagement des horaires, règles de sécurité…) pour les saisonniers et les employeurs. À destination de ces derniers, et plus précisément des prestataires de services, une plateforme permettant de s'identifier et de réaliser en ligne l'autodiagnostic de ces pratiques est désormais disponible. «Ce plan, c'est la montagne qui accouche d'une souris. Ils ont fait une charte de bonne conduite et s'autodiagnostiquent eux-mêmes», persifle José Blanco, qui a fait savoir son mécontentement lors de l'officialisation des peines. «Ce que nous demandons, c'est le déclassement des récoltes», a-t-il indiqué, estimant que la seule façon de dissuader d'éventuels fautifs serait d'inscrire les règles d'accueil des vendangeurs au cahier des charges de l'appellation Champagne. Autrement dit, en faire une condition pour pouvoir apposer le nom «champagne» sur une bouteille, au même titre que l'ensemble des critères qui régissent la production.
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«Le cahier des charges a vocation à encadrer l'appellation, sa qualité et le produit en lui-même. C'est hors sujet, balaye une source au comité auprès du Figaro. Les organisations chargées des contrôles n'ont aucune aptitude à faire respecter la législation sociale !». Et le CIVC de soutenir que lorsque les prestataires s'enregistrent sur la plateforme, ils s'engagent auprès du donneur d'ordre (vigneron ou maison). Ce dernier peut ainsi se retourner légalement contre lui en cas de manquement. «Les vendanges de 2023 ont déclenché une véritable prise de conscience. Après, il faut garder à l'esprit que la Champagne compte 20.000 déclarants de récolte. Il y aura toujours des brebis galeuses, mais le but c'est de progresser. Cette année, nous sommes surtout préoccupés par la chaleur», témoigne-t-on au CIVC, qui assure favoriser la main-d'œuvre locale. Un partenariat avec l'Université de Reims, ainsi qu'avec une célèbre école de commerce, a été passé pour encourager le recrutement des étudiants. Tout comme un dispositif a été mis en place avec France Travail. Les vendanges 2025 «vont être scrutées à la loupe et personne ne pourra se cacher derrière son petit doigt en disant : 'Je ne savais pas, je ne comprenais pas, je ne savais pas qui étaient ces gens qui étaient dans mes vignes'», a réagi maître Cessieux, ce lundi. Cette année, la récolte s'annonce particulièrement précoce, avec les premiers coups de sécateurs attendus dès la fin du mois d'août.
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