
«Aucun moyen de contrôler son application» : pourquoi la loi protégeant les enfants sur les réseaux sociaux est insuffisante
«En a-t‑il envie ? En a-t‑il besoin ? En aura-t‑il honte dans dix ans ?». En plein mois d'août, la ministre déléguée chargée de l'IA et du Numérique Clara Chappaz exhorte les parents à se poser une série de questions avant d'exposer leurs enfants sur les réseaux sociaux. L'objectif : faire la chasse au «sharenting», une contraction de «sharing» et «parenting» pour désigner le fait de partager des photos de sa progéniture sur les réseaux sociaux, pratique particulièrement répandue à la faveur des vacances d'été.
«À l'ère de l'IA générative, du recroisement automatique des données et de la reconnaissance faciale, ce que vous postez aujourd'hui peut ressurgir demain dans un contexte déroutant, douloureux, voire dangereux», alerte la ministre dans une interview accordée à La Tribune Dimanche le 10 août. Et pour cause : selon le National Center for Missing and Exploited Children, près d'une image sur deux retrouvées sur les forums pédocriminels provient de photos postées librement sur les réseaux sociaux par des proches. «Les réseaux de communication pédocriminels mondialisés sont nourris par notre insouciance numérique», insiste la ministre. À 13 ans, un enfant compte en moyenne 1300 publications à son sujet, la plupart mises en ligne par ses parents.
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Si l'initiative apparaît louable, urgente même, elle n'est pas inédite, loin de là. Le 19 février 2024, une proposition de loi «visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants» est entrée en vigueur. Elle a notamment modifié l'article 371-1 du Code Civil précisément pour faire de la protection de la vie privée d'un enfant une composante explicite de l'autorité parentale, au même titre que la «sécurité», la «santé» ou la «moralité». Le nouvel article 372-1 du Code Civil, issu de la même loi, précise de son côté que «les parents protègent en commun le droit à l'image de leur enfant mineur, dans le respect du droit à la vie privée mentionné à l'article 9». Selon «son âge et son degré de maturité», l'enfant doit enfin être «associé à l'exercice de son droit à l'image». Autrement dit, donner son accord pour être placardé sur les réseaux sociaux.
«Aucun moyen de contrôler» l'application de la loi
Comment expliquer, alors, qu'un an plus tard rien n'ait changé ? «La portée de cette loi était surtout pédagogique : le texte ne dit pas clairement que les parents ne peuvent pas publier leurs enfants sur les réseaux sociaux. Il prévoit simplement que les parents prennent leur décision d'un commun accord puisque, quand l'enfant est mineur, l'autorité parentale est exercée conjointement par les deux parents», explique Me Aurore Bonavia, avocat spécialisée en propriété intellectuelle. «Dès lors que la photographie publiée ne porte pas manifestement atteinte à la dignité ou à l'intégrité de l'enfant, seul un désaccord entre les parents peut déboucher sur une saisine du juge aux affaires familiales et une interdiction de la publication», renseigne-t-elle. Un mécanisme qui, selon l'avocate, «génère davantage de sources de conflits lors de séparations qu'il ne protège les enfants».
Autrement dit, si la loi charge explicitement les parents de protéger la «vie privée de leurs enfants» en s'assurant de ne pas rendre publiques des images ou informations qui pourraient les mettre en danger, ou avec lesquelles ils seraient tout simplement en désaccord une fois arrivés à l'âge adulte, aucune vérification n'est prévue dès lors que les parents sont sur la même longueur d'onde. Ce qui explique que de nombreux comptes d'influenceurs continuent de partager des images de leurs enfants avec plusieurs millions de followers chaque jour sans être inquiétés. «Ce qu'il faut d'abord prendre en compte, c'est que loi de 2024 était une proposition de loi, émanant du pouvoir législatif, et non d'un projet de loi issu de l'exécutif. Pour cette raison, elle n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact, ni d'avis du Conseil d'État, qui aurait permis de pointer ses insuffisances, et de montrer qu'il n'y avait aucun moyen de contrôler son application», analyse Me Patrick Lingibé, avocat en droit public.
Selon lui, la loi n'avait «de toute façon pas vocation à interdire toute publication d'image d'enfant. L'idée était de responsabiliser, et d'anticiper les risques que les publications peuvent avoir». Force est de constater qu'un an plus tard, une mise au point de la ministre est à nouveau nécessaire pour espérer atténuer ce fléau du 21e siècle.
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