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« Excès et dérives de la communication politique »

« Excès et dérives de la communication politique »

Les Echos19 hours ago
Pas une semaine ne passe sans que la communication des responsables politiques ne soit scrutée, disséquée et moquée. Elle serait « au bord du précipice » selon le sociologue Dominique Wolton, voire déjà « au fond du gouffre », selon Pierre Zemor, ancien Conseiller communication de Michel Rocard. Les dérives sont nombreuses, à l'instar des 10 plaies qui se sont abattues sur l'Egypte il y a plusieurs milliers d'années.
1. L'abus de petites phrases
« Vous n'avez pas le monopole du coeur », « Je vous demande de vous arrêter », « Je traverse la rue et je vous trouve un travail » sont autant de petites phrases passées à la postérité. Selon l'essayiste Michel le Séac'h, une petite phrase est une formule concise, qui contient davantage que ce qu'elle dit expressément, et qui sert notamment à montrer qui est le chef, à fustiger l'adversaire, à interpréter une situation ou à préconiser une attitude. A utiliser avec parcimonie, l'abus de petites phrases nuisant gravement au débat d'idées.
2. Le triomphe de la langue de bois
« Aujourd'hui, c'est le triomphe de la langue de bois » selon Dominique Wolton. Apparue dans les médias français au moment du mouvement polonais Solidarnosc, l'expression « langue de bois » désigne une langue vide de sens, déconnectée de la vie réelle et ringarde. Une langue caractéristique des régimes totalitaires « qui sert à communiquer sans informer » selon les Professeurs Joanna Nowicki et Michael Oustinoff. A éviter absolument.
3. L'usage de mots creux et polysémiques
Les responsables politiques ne cherchent plus à convaincre en partant des idées et des valeurs portées par un parti ou un candidat mais à séduire. Lors des campagnes électorales, leurs slogans mobilisent des mots creux, polysémiques, qui laissent penser aux électeurs qu'ils sont sur la même longueur d'onde. Rassembler, c'est bien, fédérer autour d'un projet, c'est mieux.
4. La multiplication des mensonges
« Je n'ai pas, je n'ai jamais eu de compte à l'étranger, ni maintenant ni avant ». Les faits prouveront que cette déclaration du ministre du Budget Jérôme Cahuzac à l'Assemblée nationale était fausse. Selon le politologue Thomas Guénolé, les Présidents de la République donnent le mauvais exemple, rappelant notamment que Georges Pompidou et François Mitterrand dissimulèrent leurs maladies. Dominique Wolton conclut avec cynisme : « Les hommes politiques doivent mentir le moins possible ». Une phrase qui en dit long sur la place du mensonge en politique.
5. De mauvais discours politiques
Si un bon discours doit être le fruit d'un subtil équilibre entre le logos, le pathos et l'ethos, les trois piliers de la rhétorique selon Aristote, et prendre les citoyens aux tripes, une rapide analyse des récents discours des dirigeants politiques souligne souvent, au contraire, un manque de fond, un excès de mobilisation des émotions, et une lecture et une gestuelle qui ne servent pas le discours. Le spécialiste en rhétorique politique, Loïc Nicolas, porte, par exemple, un regard très critique sur le discours prononcé par Emmanuel Macron lors de l'hommage de la Nation à Robert Badinter : « C'est un très beau texte mais un mauvais discours car il est chargé de références pointues, écrit pour un entre-soi de gens lettrés et, finalement, il est mal habité, mal approprié par le Président ».
6. Des éléments de langage (EDL) répétés en boucle dans les médias
Lors d'une élection ou d'une crise politique, les responsables politiques se rendent en meute dans les médias et y répètent tous les mêmes éléments de langage. « Usés jusqu'à la corde, les EDL constituent la pathologie du syndrome du triple A de la parole politique : aseptisée, appauvrie et assourdissante » selon Frédéric Vallois, spécialiste des discours politiques.
7. Des responsables politiques métamorphosés en commentateurs permanents
Les carrières politiques étant de plus en plus courtes, les dirigeants commentent tout, notamment les faits divers, squattent les chaînes d'information en continu et polémiquent sur les réseaux sociaux. Simon Virlogeux, auteur d'un ouvrage sur la communication parlementaire, ne perçoit aucune valeur ajoutée à cette course à l'immédiateté : « il fut un temps, pas si lointain, où nos députés gagnaient une partie de leur légitimité en prenant du recul, en s'extrayant de l'urgence pour analyser les situations avec plus de sérénité » rappelle-t-il.
8. Les excès de storytelling politique
Consistant à mettre en avant les histoires personnelles et non les projets politiques, le storytelling permet aux responsables politiques de construire un lien émotionnel avec les citoyens. Une pratique néanmoins très décriée, notamment par l'écrivain Christian Salmon : « le storytelling plaque sur la réalité des récits artificiels, bloque les échanges et ne raconte pas l'histoire passée mais oriente les flux d'émotion ».
9. Les dangers de la peopolisation politique
« Pour regagner de la popularité et intéresser les citoyens, certains dirigeants politiques pensent que s'ils font amener une caméra dans leur chambre à coucher cela sera plus vrai et plus démocratique, c'est une immense erreur, la transparence n'apporte absolument pas l'intercompréhension ». Dominique Wolton ne mâche pas ses mots contre les représentants politiques qui mettent en scène leur vie privée ou leur intimité, à l'instar de Renaud Czarnes, ancien Conseiller communication de Jean-Marc Ayrault : « je ne comprends pas les élus qui postent sur Instagram ou Facebook des photos de leurs enfants, je trouve cela irresponsable ». Des dirigeants politiques qui apparaissent de plus en plus dans les médias people, comme Paris Match, afin de « renforcer la proximité avec les citoyens et le sentiment d'identification » selon l'historien Christian Delporte. Une peopolisation qui risque néanmoins, sur le long terme, de créer du populisme.
10. Une communication négative menant au dégoût de la politique
Lors des élections, les dirigeants politiques critiquent et dénigrent parfois leurs adversaires. Si pour le professeur Frédéric Dosquet, « l'impact de la communication négative sur l'opinion est réel et s'avère électoralement rentable », « à long terme, cela ne peut que disqualifier le monde politique » estime, pour sa part, le professeur émérite Jacques Gerstlé, les citoyens étant écoeurés par le déchaînement de critiques et d'insultes.

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Marseille : jugement très attendu lundi dans le procès des effondrements de la rue d'Aubagne

Après un mois et demi de procès, le tribunal correctionnel de Marseille rendra ce lundi son jugement pour déterminer les responsabilités dans les effondrements mortels de la rue d'Aubagne. Un ancien adjoint au maire est sur le banc des prévenus, au côté d'un expert ou encore de copropriétaires. Qui de l'adjoint au maire, de l'expert, du syndic ou des copropriétaires peut être tenu pour responsable des effondrements mortels de la rue d'Aubagne à Marseille en 2018 ? Réponse lundi avec le jugement très attendu de ce drame du logement indigne. Ce procès, qui s'est tenu pendant un mois et demi à l'automne dernier, était bien plus qu'une simple affaire judiciaire et la «salle des procès hors normes» s'était transformée en sorte d'agora où se sont exprimées toute la colère et la tristesse d'une ville qui avait été traumatisée de voir deux immeubles tomber au cœur du centre-ville comme des châteaux de carte, tuant huit personnes. Publicité Au fil des audiences, les larmes avaient abondamment coulé face aux récits des parcours lumineux ou cabossés des victimes, toutes locataires. Et notamment à l'évocation du petit El Amine, fils d'Ouloume Saïd Hassani, «parti le matin avec son cartable et le soir, plus de maman, plus de vêtements, plus rien». Aucune mise à l'abri des locataires Les débats ont permis d'établir que les effondrements des numéros 63 (vide) et 65 étaient inéluctables vu l'état du bâti. Mais aucune mise à l'abri des locataires du 65 n'avait été décidée et les travaux entrepris s'étaient avérés inefficaces voire contreproductifs. Quelqu'un en particulier peut-il en être tenu responsable ? De l'avis de tous, le débat juridique autour de cette question est extrêmement complexe et le jugement, qui doit être rendu à partir de 10 heures, devrait être long pour faire le point sur chacun des 16 prévenus. L'instruction avait renvoyé devant le tribunal quatre personnes : Julien Ruas, l'adjoint du maire de l'époque, le LR Jean-Claude Gaudin, lui-même décédé quelques mois avant le procès, l'architecte Richard Carta qui avait expertisé l'immeuble moins de trois semaines avant son effondrement et deux personnes morales, le syndic du 65, le cabinet Liautard, et le bailleur social propriétaire du numéro 63, laissé à l'état de ruine par Marseille Habitat. Ces poursuites avaient été jugées incomplètes par certaines des parties civiles qui avaient décidé de citer à comparaître une douzaine de personnes supplémentaires, dont certains copropriétaires et des représentants des deux personnes morales. Publicité Marchands de sommeil en prison «Lundi, on saura si on s'est trompé ou pas en poursuivant les propriétaires du 65 rue d'Aubagne. Ces citations montrent en tout cas que les parties civiles se sont emparées de l'action judiciaire face aux carences de l'instruction», explique à l'AFP Me Brice Grazzini, qui défend une trentaine des quelque 90 parties civiles. Pour lui, il serait important que les quatre principaux mis en cause soient condamnés pour homicides involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité et que les copropriétaires le soient pour soumission de personnes vulnérables à des conditions d'hébergement indignes. À Marseille, où ce fléau prospère sur la précarité, ces décisions comptent. Depuis le drame, la justice de la 2e ville de France n'hésite d'ailleurs plus à envoyer les marchands de sommeil en prison comme en mars lorsqu'elle a condamné le propriétaire d'une trentaine de studios insalubres dans une ex-résidence universitaire. 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Publicité Des peines significatives avaient aussi été réclamées contre Richard Carta, l'expert-architecte qui n'avait pas ordonné l'évacuation de l'immeuble (trois ans de prison dont deux ferme) et contre Julien Ruas (trois ans de prison), seul élu municipal poursuivi dans cette affaire qui avait jeté une lumière crue sur l'inaction de l'équipe de Jean-Claude Gaudin, dont le parti perdra la mairie deux ans plus tard face à une coalition gauche-écologistes-société civile. Durant les débats, les prévenus ont eux contesté en bloc, les avocats plaidant des relaxes en cascade. Julien Ruas, chargé de la prévention de la gestion des risques urbains, de la police des immeubles en péril, avait dit refuser «d'endosser toutes les responsabilités de la mairie de Marseille». «Est-ce qu'il avait les moyens de remplir sa délégation ? Je ne pense pas. Est-ce que pour autant il a commis une faute pénale ? Je ne pense pas», dit aujourd'hui à l'AFP l'un de ses avocats, Erick Campana.

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Lille : après une agression envers l'un de ses praticiens, SOS Médecins suspend temporairement ses activités

Après une agression et des menaces de mort visant l'un de ses praticiens, SOS Médecins a décidé de suspendre temporairement ses activités à Lille ( Nord ). L'antenne lilloise de l'association a indiqué qu'elle fermait ses portes du 3 au 5 juillet 2025. « Cette décision fait suite à une profération de menaces de mort et une agression préméditée envers un des membres de notre association, à qui nous apportons notre soutien », a indiqué la structure sur son répondeur téléphonique. En temps normal, SOS Médecins accueille à Lille des patients 24h sur 24 et 7 jours sur 7 pour des urgences non vitales. Une vingtaine de médecins travaillent pour l'association. Par solidarité, l'antenne de Roubaix est également à l'arrêt, précise Ici Bleu Nord . Les faits remontent à mercredi dernier. Ce jour-là, un médecin exerçant au centre SOS Médecins de Lille a été violemment agressé par deux individus. Les deux hommes sont entrés dans le cabinet du praticien qui était en consultation avec une famille et deux enfants. « Ils ont expulsé cette famille manu militari. Ils ont insulté le médecin, l'ont frappé », a expliqué auprès de La Voix du Nord , un confrère, témoin de la scène. Les autres praticiens présents sur place sont intervenus, puis les deux hommes ont pris la fuite. « J'ai pris contact avec le médecin agressé pour l'assurer de notre soutien », a indiqué Jean-Philippe Platel, le président du conseil départemental du Nord de l'Ordre des médecins auprès de France 3 Hauts-de-France . « Aucun motif ne peut justifier un tel déchaînement de violences ! », a-t-il ajouté. Depuis le début d'année, 216 incidents ont été signalés par des médecins - jusqu'au 23 juin 2025, selon l'Ordre. Dans 81 cas, il s'agissait d' injures ou de menaces . « Ce sont souvent des patients qui perdent leur sang-froid pour une prise en charge qui ne leur convient pas, un refus de prescription, ou un temps d'attente jugé trop long », a expliqué le représentant du conseil de l'Ordre des médecins du Nord. Une seule agression physique avec coups et blessures a été recensée. Les autres incidents concernent des intrusions dans le cabinet, du harcèlement, des vols ou encore des usurpations d'identité. « On atteint des niveaux de violence insupportables », s'inquiète Jean-Philippe Platel. Par ailleurs, le conseil départemental du Nord de l'Ordre des médecins a indiqué qu'il se porterait partie civile « dès que les auteurs de l'agression auront été retrouvés ».

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