
«En Europe, Pedro Sánchez, dernier avatar du socialisme zombie»
Rodrigo Ballester dirige le Centre d'études éuropéennes du Mathias Corvinus Collegium (MCC) à Budapest. Ancien fonctionnaire européen issu du Collège d'Europe, il a notamment été membre de cabinet du Commissaire à l'Éducation et à la Culture de 2009 à 2014.
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Pedro Sánchez est un zombie politique. Depuis sa victoire à la Pyrrhus en 2023, sa coalition bancale ne tient qu'à un fil et sa survie politique dépend du bon vouloir du fugitif Puigdemont (qui grâce à ses sept députés mène Sánchez au doigt et à l'œil depuis sa planque de Waterloo) et des héritiers des terroristes de l'ETA. Pendant ce temps, l'Espagne n'est plus dirigée et tourne au ralenti : l'exécutif ne s'embarrasse même plus de faire voter un nouveau budget et prolonge les comptes de 2023 au mépris de la Constitution, le dernier débat sur l'état de la nation datant de 2022. Sánchez survit à coups de décrets législatifs, ce qui est plutôt normal pour un président prêt à gouverner «avec ou sans le Parlement», selon sa propre formule.
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À cette situation de précarité absolue se greffent des dysfonctionnements inédits, comme l'ahurissante passivité de l'État pendant les coulées de boues meurtrières d'octobre dernier à Valence, la coupure massive d'électricité qui laissa l'Espagne et ses voisins dans le noir, les pannes à répétition des trains à grande vitesse et les révoltes liées à la migration illégale. Et voilà que dans ce marasme, Sánchez se retrouve dans l'épicentre d'une corruption systémique dans laquelle trempent sa famille, son parti et son gouvernement dans des proportions jamais vues dans un pays pourtant habitué aux scandales politico-financiers.
Une interminable litanie de révélations fracassantes mêlant pots-de-vin, millionnaires, prostitution, proxénétisme, népotisme éhonté, bourrage d'urnes, financement illégal du parti socialiste, trafic d'influence, emplois fictifs, basses manœuvres contre les juges, chantages sur WhatsApp et scandales sexuels des plus graveleux. Résultat : la femme et le frère de Sánchez mis en examen ; le procureur général bientôt jugé par la Cour suprême ; José Luis Abalos, l'ancien numéro deux du gouvernement inculpé et, Santos Cerdán, son bras droit au sein du parti socialiste, écroué. Quand Sánchez fut éjecté de son propre parti en 2016 après avoir tenté de truquer les primaires, la légende urbaine veut qu'il prît le volant de sa Peugeot avec trois compères pour faire le tour des fédérations et reconquérir le pouvoir de manière triomphale en 2017. Dix ans plus tard, ces trois compères (Abalos et Cerdán et un certain Koldo, ancien videur de maisons closes, garde du corps, homme à tout faire de la bande et à l'origine du scandale après avoir enregistré toutes ses «réunions» en douce) sont à deux pas de la prison ou y sont déjà. Quid du quatrième membre de la bande à la Peugeot ?
La vraie question n'est pas son avenir judiciaire mais bel et bien celui de l'Espagne actuelle. Le pays survivra-t-il à son dépeçage orchestré, l'État à sa liquidation programmée et la démocratie espagnole aux dérives autocratiques d'un régime aux abois?
Voilà la question que des millions d'Espagnols se posent et que la justice devra un jour trancher. Sánchez est cerné de toutes parts, il est acculé et cette fois-ci son sempiternel culot, son art de l'enfumage, ses brigades médiatiques grassement rétribuées et son déni permanent de la réalité ne semblent être d'aucun secours. La fin de la baraka pour cet aventurier sans scrupules ? Pas tout de suite, car la seule certitude sur laquelle tout le monde s'accorde est que Sánchez ne démissionnera sous aucun prétexte et que, plus que jamais, il est prêt à tous les marchandages pour prolonger son agonie politique. La vraie question n'est pas son avenir judiciaire mais bel et bien celui de l'Espagne actuelle. Le pays survivra-t-il à son dépeçage orchestré, l'État à sa liquidation programmée et la démocratie espagnole aux dérives autocratiques d'un régime aux abois?
Après sept ans de détricotage de la Constitution et de privilèges arrachés sans vergogne, les scandales de corruption dans lesquels Sánchez est empêtré jusqu'à la moelle sont une aubaine pour sa coalition, spécialement pour des indépendantistes voraces. Ils y voient l'occasion de donner l'estocade à un pays qu'ils gouvernent et honnissent tout autant et d'obtenir encore quelques bénéfices tout en feignant de s'offusquer des affaires en cours. Dernières tractations en date : la cession totale des impôts et la négociation d'un système judiciaire autonome en Catalogne, et la gestion des retraites au Pays basque.
En échange de ce soutien, Sánchez négocie à la hâte une réforme du pouvoir judiciaire qui priverait les juges de leurs compétences d'instruction au bénéfice d'un parquet qui est littéralement à la botte du pouvoir, à commencer par le procureur général, Alvaro Ortiz, qui sera jugé par la Cour suprême pour révélations de secrets fiscaux contre une figure de l'opposition... filtrés à la demande du cabinet de Sánchez. En somme, une manœuvre grossière afin de désactiver bon nombres des scandales qui pourrissent sa vie et celle de son entourage et qui n'auraient jamais vu le jour si un parquet servile était en charge de l'instruction. Après l'auto-amnistie des politiciens indépendantistes pour une poignée de sièges, Sánchez ambitionne désormais de faire main basse sur le système judiciaire pour entériner sa propre impunité. Le tout dans le silence assourdissant de la Commission européenne, gardien autoproclamé de l'État de droit.
À lire aussi Espagne: Pedro Sánchez demande pardon et assure qu'il ne savait «rien» d'une affaire de corruption dans son parti
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Ce énième marchandage obscène sera-t-il le dernier acte d'un règne qui a plongé l'Espagne dans une crise existentielle ? Au contraire, il est bien plus probable que les indépendantistes fassent monter les enchères jusqu'à la lie et qu'ils arrachent un référendum d'autodétermination, voire une indépendance de facto qui est en partie déjà un fait accompli. Sans oublier les «doléances» des membres d'extrême gauche de la coalition qui ont poussé Sánchez à se faire remarquer au sommet de l'Otan, à reconnaître un État palestinien ou à augmenter les impôts plus de quatre-vingt-dix fois.
En somme, un pays pris en étau entre les ambitions personnelles et la corruption de son premier ministre et le chantage carnassier des membres de son improbable coalition. Un scénario endiablé qui a mis l'Espagne à genoux et risque fort de la faire flancher. Car si Pedro Sánchez est un zombie politique, il compte bien vampiriser son propre pays jusqu'à son dernier souffle et l'entraîner dans sa chute.
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