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De la voile au grand écran: Bernard Stamm, une gueule qui était taillée pour le cinéma

De la voile au grand écran: Bernard Stamm, une gueule qui était taillée pour le cinéma

24 Heuresa day ago
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Le marin suisse partage avec Clotilde Courau l'affiche du long métrage «Le lac», de Fabrice Aragno, présenté en compétition officielle à Locarno. Publié aujourd'hui à 17h32
Bernard Stamm, un visage qui parole mieux que 1000 mots.
keystone-sda.ch
En bref:
Il fallait bien que cela arrive un jour. Ce regard bleu acier. Ces boucles blondes. Ce sourire faussement timide. Cette gueule quoi! «Bernard Stamm a un physique d'acteur, il capte la lumière sans le savoir, et c'est une sorte de don», avait dit un jour un célèbre photographe toujours prompt à dégainer son objectif lorsqu'il est sur zone.
Un matin gris, à Brest, il avait capté le regard du marin vaudois tout juste revenu à terre après avoir battu le record du tour du monde à la voile avec le trimaran Idec . Ce 26 janvier 2017, Bernard Stamm était entré dans l'histoire, et cette photo capturée par Jean-Guy Python est gravée dans son cœur et sa mémoire.
«C'est vrai qu'elle est belle, mais je n'ai rien eu à faire, dit-il. C'est le talent de ceux qui sont de l'autre côté de l'objectif qui fait parfois des miracles.» Il est là, Bernard Stamm, sur ce quai. Mais il est encore en mer. Perdu entre deux mondes. Des instants rares fixés sur une carte numérique puisqu'il faut bien vivre avec son temps. Fabrice Aragno est tombé sous le charme
Est-ce cette image forte qui avait sauté aux yeux de Fabrice Aragno , alors en quête de l'homme idéal qui donnerait la réplique à Clotilde Courau sur son premier long métrage?
«Il y a dix ans, j'étais membre du jury du Festival du film de Locarno, dit l'ancien collaborateur et assistant de Jean-Luc Godard pendant plus de vingt ans. Et j'avais rencontré Clotilde Courau qui faisait elle aussi partie de ce même jury. L'évidence qu'elle serait LA femme de ce film est venue assez rapidement. Pour L'homme, c'est venu plus tard. Je suis tombé sur une photo de Bernard Stamm qui était parue dans un journal en Suisse, et j'avais été saisi par son visage, son regard.»
La suite? C'est un tapis rouge. Des léopards qui s'affichent un peu partout. Des flashes qui crépitent et une marée humaine qui tangue dans la touffeur tessinoise. La Piazza Grande est aussi belle à marée haute qu'à marée basse.
Adolescent turbulent faisant les 400 coups sur sa moto, bûcheron de haut vol, matelot dans la marine marchande, puis coureur au large, et désormais hôte dans un ancien moulin dans le Finistère sud, la vie de Bernard Stamm est un roman d'aventures.
Il raconte un homme qui a bravé les mers du Sud et traversé bien des tempêtes. Un homme capable d'élever du corail dans son jardin. Un homme qui organise les Fêtes maritimes de Brest. Qui va chercher un bateau à Djibouti pour le ramener en Méditerranée en se jouant des pirates de la mer Rouge.
Un homme qui achète avec sa nouvelle compagne, Odile, un moulin du XVIe siècle et ses dépendances «dans leur jus» pour les transformer en un petit paradis perdu dans les Abers. Comment cet homme-là, de 62 ans – qui ne les fait, mais alors pas du tout – se retrouve-t-il à l'affiche d'un petit chef-d'œuvre esthétique? Bernard Stamm avait l'habitude des objectifs
«Cela a pris du temps, dit-il. Je suis de nature curieuse et lorsqu'ils m'ont appelé, j'ai dit pourquoi pas? Après tout, dans le métier de marin, on est un peu habitué à la caméra et aux appareils photos. Ce n'est pas quelque chose qui me fait peur ou qui me met mal à l'aise. Après, entre ça et tourner un film, c'est un autre monde que j'ai découvert.»
Et de relancer: «Je n'avais strictement aucune idée de ce monde-là, de ses contraintes, de ses spécificités. Lorsque Fabrice est venu pour la première fois en Bretagne pour faire des premiers essais, ça s'est très bien passé. Clotilde a été dès le début d'un incroyable soutien pour me mettre à l'aise et m'aider. On a fait quelques bouts de scènes improvisées et ça s'est super bien passé. Puis est venu le temps du tournage. Quand tu crois que c'est bon après qu'il a dit «coupez», et qu'il te dit: «OK, c'était top, mais on la refait!», c'est pas la même chose d'y retourner et de se remettre dans le truc.»
Quand il embarque sur «Le lac», le plus breton des marins suisse ne sait pas encore que cette aventure au long cours le mènera jusque sous les feux des projecteurs de Locarno où il a découvert le film comme tout le monde.
«Que dire si ce n'est que je suis scotché? Tous ces gens qui sont là aujourd'hui, cette belle équipe, ce sont des artistes, des peintres. Et ce film, c'est un tableau sublime. Quand tu tournes une scène, un plan, tu ne peux pas t'imaginer ce que ça va donner dans le film. Et eux, ils savent.»
Cette vision du réalisateur confrontée aux réalités pratiques des scènes tournées sur l'eau a provoqué quelques malentendus. «Parce que parfois, on me disait d'aller dans telle direction, mais que ce n'était pas possible, à cause du vent et des contraintes de la navigation. J'ai donc dû apprendre à naviguer autrement, parfois. De façon plus poétique. Souvent, l'élément à prendre en compte prioritairement, c'était la lumière et pas forcément le vent. Malgré ça, je trouve que les scènes de navigation pure sont très réalistes et crédibles. Il faut vraiment être un grand spécialiste de la voile pour trouver des détails qui clochent.»
De nombreuses captations ont été réalisées lors des Cinq jours du Léman, course à laquelle participe éperdument le couple. Sur ce lac, théâtre sublime, on se frôle, se touche. Peu de mots. Des mots de peu. «Dès que nous avions mis en route nos petites caméras lors des premiers essais dans un bistrot breton, nous savions que c'était une évidence, Clotilde et Bernard étaient LE couple.» Le sacré jeu d'acteur de Bernard Stamm
La justesse du jeu, la justesse du geste. «Ce qui est merveilleux avec des partenaires dont ce n'est pas le métier, comme les enfants, ou comme Bernard, c'est qu'ils ne sont pas dans l'interprétation, souligne avec justesse et malice Clotilde Courau. Ils sont dans le vécu, dans les sentiments, et ils ont juste besoin d'être accompagnés, portés par l'autre. C'est ce que j'ai essayé de faire, de porter Bernard, comme lui m'a portée lors des scènes de navigation.»
Le public présent lors de la projection a réservé un superbe accueil au «Lac». Comme dans un tableau de Hodler, de Vallotton ou de Turner, un acteur est-il né? «J'ai découvert des gens passionnés, qui vont au bout des choses, et j'aime ça, sourit Bernard Stamm. Je n'ai jamais fait de plan de carrière de quoi que ce soit dans la vie. Pourquoi pas une autre expérience dans le cinéma? Mais il se pourrait aussi que je reparte en mer si l'occasion se présente.»
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Tracteurs, hangar et sueur: le petit village de Ménières accueillait cette semaine le tournage d'un court métrage inspiré d'un roman sur les amours gays à la campagne. Publié aujourd'hui à 15h21 Le roman autofictionnel «Un été à M.» de Robin Corminboeuf a pris vie cette semaine dans la campagne broyarde. Odile Meylan/Tamedia En bref: Les 400 habitants de Ménières, petit village agricole de la Broye fribourgeoise, avaient-ils conscience du potentiel télégénique de leur région? En venant flatter l'esthétique rustique de la culture du tabac cette semaine, les jeunes réalisatrices romandes Margaux Fazio et Manon Stutz lèvent tous les doutes. Leur base de travail: le roman queer «Un été à M.», publié en 2023 sous la plume de Robin Corminboeuf. Honoré d'un Prix du roman gay la même année, le livre autofictionnel de l'écrivain broyard raconte l'éveil homosexuel d'un adolescent piégé dans une campagne étouffante, au milieu des plantations de tabac. Sa seule échappatoire: les forums de rencontre, aux balbutiements des réseaux sociaux dans les années 2000. Alors qu'il participe à contrecœur à la récolte dans la ferme familiale, le jeune homme tombe sous le charme d'un saisonnier polonais. Une rencontre libératrice. Le jeune acteur jurassien Marinel Mittempergher joue le rôle de Raphaël, ado campagnard découvrant son homosexualité. Odile Meylan/Tamedia Forte de 25 personnes, l'équipe de tournage s'est activée toute la semaine entre Ménières et Granges-Marnand pour transformer ce livre en court métrage de quinze minutes. Au-delà des professionnels, c'est toute une région qui se mobilise: la grande salle s'est muée en régie, des agriculteurs ont ouvert grand les portes de leurs locaux (et de leur garde-robe) pour fournir décors et costumes, et la troupe de théâtre locale apporte son petit lot de figurants. «Il est extrêmement rare que les gens du village nous soutiennent autant. Sans eux, ce n'était pas le même film», remercie la productrice Elisa Garbar, de la maison Louise Productions à Lausanne. Tracteur et boguet empruntés à la famille Robin Corminboeuf nous accueille dans la ferme de Ménières où il a grandi, entouré de ses parents, Martine et Jean-Michel. Le tournage a débuté la veille, et l'excitation règne. «On viendra tourner une scène ici même, dans la cuisine!» Jean-Michel, aujourd'hui retraité, a cultivé du tabac toute sa vie. Investi d'une mission de consultant, il doit s'assurer que le film soit au plus proche des conditions de récolte en 2005. «Aujourd'hui, on ne suspend plus les feuilles individuellement, mais les plants entiers. C'est plus efficace, mais moins poétique d'un point de vue cinématographique.» C'est aussi l'heure de gloire du vieux tracteur de la famille Corminboeuf. «Hier, les réalisatrices trouvaient qu'une scène manquait de dynamisme. Alors j'ai grimpé sur l'engin pour le faire passer en arrière-plan.» Le boguet de son petit-fils a lui aussi droit à une scène. Actif sur tous les fronts, Jean-Michel a également décroché un petit rôle dans le film aux côtés d'un ami d'enfance, ajoutant une couche d'authenticité à l'histoire. Le père – son propre personnage – est incarné par un comédien professionnel (François Nadin). Martine n'a qu'une hâte: «Voir quelle tête ils ont trouvée pour mon mari!» Jean-Michel Corminboeuf, cultivateur de tabac à la retraite, apporte son expertise sur le tournage. Odile Meylan/Tamedia Leur fils de 34 ans est longtemps resté indifférent, voire hostile au milieu tabacole dans lequel il a grandi. Comme si ces plantes géantes aspiraient tout l'air disponible, le laissant asphyxié. «Quand j'étais ado, je préférais me cloîtrer dans la cuisine pour préparer les repas des ouvriers que d'aller aider à la récolte.» Vingt ans plus tard, le voilà en paix avec les champs de tabac, érigés en stars de son livre, puis de ce court métrage. La fierté se devine dans le regard pudique de ses parents. «Une des forces du film, c'est d'intéresser les citadins de gauche à l'agriculture qu'ils méconnaissent beaucoup, tout en faisant découvrir une histoire d'amour hors normes aux campagnards, le tout sans pathos ni caricature», souligne l'écrivain. Une combinaison gagnante: «On pourrait croire qu'une thématique LGBT risque d'être mal accueillie dans un milieu rural, mais cela n'a absolument pas été le cas! La commune de Ménières a été très coopérante.» Robin Corminboeuf voit son roman se transformer en court métrage. Odile Meylan/Tamedia «Coup de projecteur» sur la culture locale Ce mardi après-midi, la chaleur écrase la campagne broyarde . Robin Corminboeuf nous emmène à la rencontre de son petit-cousin Gaël, l'agriculteur qui a accepté de transformer l'un de ses hangars en décor grandeur nature pour le tournage. Interrompu en pleine récolte, il descend d'un grand saut de son tracteur. «Si les caméras m'impressionnent? Pas plus que ça, comme j'ai déjà joué dans une pub pour Hugo Reitzel!» Le tabaculteur réajuste ses lunettes de soleil, sourire aux lèvres. «Trois jours de tournage pour un clip de trente secondes, se souvient-il. Alors pour un film de quinze minutes, j'avoue que j'ai eu un peu peur du temps que ça allait prendre!» Mais le «coup de projecteur» sur l'industrie du tabac en vaut bien la peine. «Même nos collègues agriculteurs ne savent pas comment on travaille! C'est une culture qui fascine davantage que la betterave ou le maïs. Les promeneurs s'arrêtent parfois pour nous prendre en photo.» Gaël Corminboeuf a fourni hangar et feuilles de tabac par centaines pour les besoins du tournage. Odile Meylan/Tamedia Direction la pharmacie de Granges-Marnand. Son patron, Christian Bueche, comédien de la troupe des Castors (Cheyres), a répondu à l'appel aux figurants, troquant sa blouse blanche contre des habits d'ouvrier salis par la terre. Lui non plus n'est pas intimidé par les caméras. Et pour cause, cela fait dix ans que cette star du village sillonne les plateaux télé en France. Son principal fait d'armes: un passage aux «Rois du shopping» sur M6 en 2015. Le pharmacien de 59 ans sort de sa remise, le teint hâlé. Presque trop pour le film! «J'ai été interdit de piscine jusqu'à la fin du tournage», s'esclaffe-t-il. La grande différence entre théâtre et cinéma? «Sur les planches, on a la réaction immédiate du public. Sur un plateau, difficile de savoir si on a tapé juste ou pas! Il faut attendre des mois pour savoir si le résultat plaît aux gens.» Il a tourné très tôt ce matin. «La maquilleuse nous a giclé avec de la fausse transpiration à base de vaseline et de glycérine pour simuler un effort en plein cagnard, alors que l'aube venait de se lever.» En tant qu'infirmier de première main, Christian Bueche a soigné de nombreux bobos de saisonniers polonais et français venus récolter le tabac broyard. «Ils s'écorchent souvent les mains.» L'autre sollicitation phare pour les travailleurs du tabac: «La pilule du lendemain», rigole le pharmacien. Le pharmacien Christian Bueche est très à l'aise devant la caméra, lui qui a déjà participé à plusieurs jeux télévisés. Odile Meylan/Tamedia Cours d'accent polonais Au milieu du village, le hangar de Gaël Corminboeuf est une ruche bourdonnante. Volets fermés et caméras en marche augmentent encore la température de quelques degrés. La maquilleuse n'a pas besoin d'en rajouter beaucoup pour faire luire le front des ouvriers qui manipulent les lourdes feuilles de tabac. Dans le rôle principal, le jeune acteur jurassien Marinel Mittempergher. «Comme moi, il a grandi à la campagne, chuchote Robin Corminboeuf. Il sait à quoi ressemble la vie dans un petit village.» Le saisonnier d'Europe de l'Est est interprété par l'acteur français Hugo Hamel (formé à la Manufacture de Lausanne), dont les pectoraux brillent sous l'effet de l'humidité. Pour donner la réplique avec une phonétique slave, il a bénéficié de quelques «cours d'accent» de la part d'élèves polonais à qui il donnait des leçons de français, puis affiné sa prononciation avec une application. Margaux Fazio et Manon Stutz orchestrent tout ce petit monde depuis leur chaise dépliable. Hugo Hamel dans le rôle de Jan, un ouvrier polonais fréquentant les mêmes forums de rencontre gay que Raphaël. Odile Meylan/Tamedia Pour transposer les 92 pages du roman en film de quinze minutes, «il a fallu faire des choix», glisse la productrice, Elisa Garbar. «C'est parfois frustrant pour les auteurs, mais il faut toujours penser à ce que l'on voit à l'écran!» Robin Corminboeuf, dont la plume a souvent été qualifiée de «cinématographique», a accepté cette nouvelle grammaire. «Je suis moins mis à nu dans le livre que dans le film, sourit-il. Ce n'est pas plus mal.» Budget du court métrage, qui devrait sortir courant 2026: 150'000 francs, financé par la Fondation romande pour le cinéma (Cinéforom) et par une cagnotte participative qui a permis de trouver plus d'un dixième des fonds. Le binôme Fazio-Stutz a remporté le Nikon Film Festival avec «Tears Come from Above» en 2023. «Un été à M.» pourrait bien faire décoller leur carrière. «Dans ce milieu, tout peut aller très vite», souffle leur productrice, qui rêve déjà de faire rayonner Ménières à Locarno, Venise et Berlin. Court métrage et cinéma en Suisse romande Thibault Nieuwe Weme a rejoint la rubrique vaudoise en octobre 2022. Après un Bachelor en science politique, il a obtenu son Master à l'Académie du journalisme et des médias (AJM) de l'Université de Neuchâtel. Il est également passé par la rédaction du Temps. Depuis juin 2025, il couvre l'actualité fribourgeoise. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

A la buvette d'alpage des Mossettes, Corinne et Anne recréent un esprit de troupe
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A la buvette d'alpage des Mossettes, Corinne et Anne recréent un esprit de troupe

Longtemps décoratrice et costumière du Théâtre Montreux Riviera, les patronnes subliment la buvette des hauts de Blonay en carrefour des arts. Publié aujourd'hui à 10h58 Aux Mossettes, une équipe très féminine est aux commandes, avec de g. à d. Julia Furtado, cuisinière, Corinne Baeryswil et Anne Wannier, patronnes du lieu. Chantal Dervey En bref: Il vaut parfois la peine de s'extraire du pouvoir d'attraction du Léman et carrément lui tourner le dos. On peut avantageusement faire les deux dans la même journée en commençant par la classique excursion au sommet du Folly depuis le parking des Pautex, sur la route des Pléiades. Et après avoir fait le plein de ce panorama d'exception, de retour au parking (environ 3 heures plus tard), en basculant sur le versant de la Veveyse grâce à la petite route qui cingle à travers la forêt. Au premier pâturage, nous voilà aux Mossettes. Ravagé par un incendie en 2007, rénové par la commune de Saint-Légier pour devenir une buvette d'alpage dès 2015, le chalet de 1827 a perdu depuis longtemps sa vocation agricole. Mais les génisses paissent toujours à proximité. À la buvette des Mossettes, on pénètre à la fois dans un chalet pimpant sous son toit en tavillons et dans un décor de théâtre où les clients tiennent le rôle principal. Pas étonnant quand on sait que les hôtesses, Corinne Baeryswil et Anne Wannier, régnaient pendant des lustres dans les ateliers du Théâtre Montreux Riviera , l'une comme costumière, l'autre comme décoratrice. Et qu'elles ont usé jusqu'à la retraite les pupitres d'école à Blonay comme maîtresses de couture et de travaux manuels. Pourtant, la présence dans ce lieu reculé des deux amies et de toute la «famille de cœur» qui les accompagne dans cette aventure est, elle, tout à fait surprenante. Une retraite et une nouvelle vie pour Corinne Baeryswil et Anne Wannier Depuis l'été 2021, ces deux metteuses en scène en puissance vous accueillent en tablier sur la terrasse aux tables savamment dépareillées. Ou dans la grande salle à manger, vaste pièce toute en longueur qu'elles ont rénovée et qui fait également office de bar, de galerie, de cabaret. Cet espace insolite tient à la fois de la brocante et de la cafétéria de théâtre. La buvette des Mossettes sur les hauts de Blonay est équipée d'un terrain de pétanque sur lequel l'équipe aime se retrouver pour partager un moment. Chantal Dervey Ces fauteuils anciens et joliment restaurés, ce vaisselier raboté et mis à nu, cet arbre poncé qui rayonne à bonne distance du poêle, ce piano droit près de la fenêtre, tous ces objets faits main, chinés ou hérités racontent l'histoire des tenancières, tissée au fil des ans. Au départ, il y avait l'envie, pour Corinne et Anne, de se lancer ensemble dans un projet de retraite. Le frère de Corinne, Patrick Köhli, agriculteur, gère les alpages du coin. C'est lui qui a lancé l'engrenage des Mossettes – et qui d'ailleurs tient la patente. Au moment de la reprise en plein Covid, le lieu est fermé depuis des mois. Plancher, isolation, peinture, nouveau bar, espaces extérieurs… L'huile de coude avant l'huile végétale. Anne à la perceuse, Corinne au sécateur. Quand on voit, dans le couloir des toilettes, les aquarelles d'Anne qui ont servi de maquette pour le dossier de candidature, on se dit que ces deux artistes avaient une idée bien précise de ce qu'elles voulaient. «Nous avions une bonne entente et pas peur de travailler, relève Anne, mais comme on voulait quelque chose de bien, beau et bon, ça a pris des proportions qu'on n'imaginait pas!» Mais gérer un bistrot ne s'improvise pas. Heureusement, Vincent Baeryswil, fils de Corinne, est dans le métier. À Lausanne, il tient Le Pointu et le Loxton et vient d'ouvrir La Brique à Saint-Légier (la déco est signée Anne et Corinne). Un établissement de plus ne change pas beaucoup l'équation. C'est lui qui a déniché le cuisinier de la première saison, Thibo Osmont, – «Il a mis la barre très haut», admire Corinne, et une serveuse capverdienne, Julia Furtado. L'équipe de base constituée, elle évoluera de manière organique. Après avoir officié comme aide de cuisine, Julia est la cuisinière de la saison, secondée par le fils d'Anne, et son propre fils est au service. La cuisine des Mossettes propose notamment une généreuse planchette de produits du terroir et un gaspacho de courgette et concombre accompagné d'une tartine de ricotta aux tomates rôties. Chantal Dervey Faute de raccordement électrique, l'absence de chambre froide dicte une carte restreinte excluant viande et poisson frais, mais riche en produits régionaux. Elle revisite avec bonheur certains classiques: croûte au fromage avec tomates de Saint-Triphon; surprenante fondue moitié-moitié à l'ail noir; gaspacho de courgette; salade viking à la truite saumonée de Chamby , marinée au sel; röstis au four, parfumés aux orties. Chaque jour, une ou deux suggestions originales s'ajoutent aux incontournables développés depuis 4 ans. Isabelle Caudullo La cerise sur le gâteau – ou en l'occurrence la myrtille sur la panna cotta – n'est pas que gustative aux Mossettes. Chaque mois, un artiste peintre ou photographe présente et vend ses tableaux – la prochaine exposition dès le 20 août est confiée aux trois graffeurs de Chromatix – et des musiciens au chapeau transforment certains soirs la salle à manger en joyeux caf'conc'. Le 23 août, ce sera le Serge Band, les 29 et 30 août la chanteuse antillaise Dominique Magloire. En juillet-août, un coin de la terrasse et une petite annexe hébergent la boutique-atelier Entre Ciel et Pierres de Sarah Ducommun, une ancienne collègue d'Anne et Corinne au collège de Blonay qui a basculé dans la création de bijoux et la passion des minéraux. À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Les patronnes des Mossettes aiment la déco jusque dans les moindres détails. Chantal Dervey La buvette des Mossettes, ouverte du mercredi au dimanche jusqu'au 31 octobre. En voiture, à 20 minutes de Vevey via Blonay, 15 minutes de Châtel-Saint-Denis, 45 minutes à pied de la gare de Lally, Envie de découvrir une autre buvette de la série? Newsletter «Gastronomie & Terroirs» «24 heures» suit depuis toujours l'actualité gastronomique et culinaire. Recevez, chaque vendredi, une sélection d'articles sur la restauration, la cuisine, les produits du terroir et le vin. Autres newsletters Matthieu Chenal est journaliste à la rubrique culturelle depuis 1996. Il chronique en particulier l'actualité foisonnante de la musique classique dans le canton de Vaud et en Suisse romande. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

Carte blanche à nos photographes
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Accueil | Culture | Arts & expos | Durant une année, carte blanche a été donnée aux photographes de «24 heures» de la «Tribune de Genève» et du «Matin Dimanche» pour raconter Vaud ou Genève autrement. Huitième volet: «Big Sky Country» par Patrick Martin. Publié aujourd'hui à 10h39 «Big Sky Country», projet photographique «Comme une errance». PATRICK MARTIN En bref: Enfant, j'allais en vacances au Brassus chez des cousins horlogers. Le temps semblait s'écouler plus lentement là-bas. Entre novembre et avril, tout particulièrement. Il s'étire un peu comme sur une île grecque en hiver. Parfait pour un artisan horloger qui doit peaufiner des mouvements d'une Grande Complication. La Vallée , c'est un endroit à part. On est loin de la bourdonnante Lausanne et de ses bobos branchés et de la bling-bling et riche côte lémanique. Les citadins y vont un peu comme on va à l'étranger. Parce qu'à la Vallée, c'est «Big Sky Country». Il y a encore de la place, un vaste horizon, au-delà du lac et des collines sombres. Et du calme, du silence, de la solitude. Le ruban d'asphalte rectiligne traverse de denses et sombres forêts abritant encore des lynx et des loups . On y croise sur les routes de gros pick-up Ford Ranger comme aux «States». «Big Sky Country», projet photographique «Comme une errance». PATRICK MARTIN «Big Sky Country», projet photographique «Comme une errance». PATRICK MARTIN Un sas kilométrique et temporel est nécessaire pour passer de Lausanne à la vallée de Joux . Quarante-cinq kilomètres en quarante-cinq minutes par le Mollendruz. Une heure pour les 55 kilomètres via le Marchairuz et ses murets de pierres. Là-haut, les habitations les plus modestes ont parfois des façades et des toits de tôle ondulée qui rouille sous les assauts d'une météo sans pitié. Ce matériau d'isolation, traditionnel dans la région, les protège de la pluie, de la neige, du vent du nord et du monde extérieur. «Big Sky Country», projet photographique «Comme une errance». PATRICK MARTIN «Big Sky Country», projet photographique «Comme une errance». PATRICK MARTIN Pour vivre heureux, vivons cachés, tel semble être le mantra de ces quasi-montagnards. La poésie des lumières changeantes entre le ciel et le lac, les routes qui semblent se perdre dans les forêts et les prairies créent une étrange magie. Le road trip imaginaire n'est jamais loin dans cette contrée encore plus rude quand elle est recouverte de neige. «Big Sky Country», projet photographique «Comme une errance». PATRICK MARTIN «Big Sky Country», projet photographique «Comme une errance». PATRICK MARTIN La série d'été «Comme une errance» Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

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