
Pendant que les champs brûlent
Propriétaire d'un chenil à Thetford Mines, Adam (Patrick Hivon), célibataire écoanxieux de 45 ans, se fait mener par le bout du nez par son employée Romy (Elizabeth Mageren), une gen z qui souffle le chaud et le froid. À la maison, où traîne souvent son meilleur ami Frank (Éric K. Boulianne), Adam se fait rabrouer par son père Eugène (Gilles Renaud), qui n'accepte pas la dépression de son fils.
Afin de surmonter sa mélancolie, Adam se procure une lampe solaire. Après l'avoir brisée, il appelle le soutien technique de la compagnie. Il tombe alors sur Tina (Piper Perabo), qui a du soleil dans la voix. Craignant qu'elle n'ait été blessée lors d'un tremblement de terre, Adam se rend à Sudbury pour sauver celle dont le prénom évoque le slogan politique There Is No Alternative (« Il n'y a pas d'autre choix »). Malgré la grisaille ambiante, leur première rencontre semble tirée d'un conte de fées. Tandis que les catastrophes climatiques se multiplient et menacent de les séparer, Adam et Tina souhaitent affronter la tempête ensemble.
Après avoir dévoilé son sens de l'humour dans Jeune Juliette, tendre comédie sur les affres de l'adolescence, et un plaisir palpable à jouer avec les codes du thriller dans Lucy Grizzli Sophie, adaptation jubilatoire de La meute de Catherine-Anne Toupin, Anne Émond révèle une fois de plus une facette insoupçonnée. Tellement insoupçonnée que plusieurs seront désarçonnés.
PHOTO IMMINA FILMS
Piper Perabo et Patrick Hivon dans Amour apocalypse, d'Anne Émond
Tandis qu'elle dépeint avec une redoutable lucidité un monde qui court à sa perte dans Amour apocalypse, la cinéaste y bouscule avec bonheur et audace les codes de la comédie sentimentale. Si cette proposition singulière semble d'abord détonner dans la filmographie de celle à qui l'on doit Nelly, biobic atypique sur Nelly Arcan, Amour apocalypse porte bel et bien la griffe d'Anne Émond.
En plus d'y retrouver les sujets chers à la réalisatrice, comme la dépression, la solitude, l'incommunicabilité, on reconnaît chez le bienveillant Adam le désespoir du fragile père des Êtres chers et cette envie de fusionner avec l'autre du jeune couple d'un soir de Nuit #1.
Par la voix d'Adam, à l'affût de tout ce qui ne tourne pas rond sur cette planète, Anne Émond exprime ses propres angoisses face à l'avenir avec une bonne dose d'autodérision.
Porté par un irrésistible humour noir, des situations délicieusement embarrassantes, des personnages secondaires truculents interprétés avec naturel, sans oublier une trame sonore vitaminée, Amour apocalypse s'avère beaucoup plus sombre qu'il n'y paraît. Malgré son côté décalé évoquant Avant qu'on explose, de Rémi St-Michel, ce sixième long métrage d'Anne Émond rappelle davantage par son charme crépusculaire Last Night, où Don McKellar proposait que la fin du monde se boucle joliment par un baiser.
Jouant avec aisance avec les éléments, tantôt un soleil brûlant les paysages arides, tantôt une pluie torrentielle menaçant de tout détruire, la cinéaste offre à Adam et Tina quelques moments d'évasion en les projetant dans un paradis hivernal le temps d'une méditation. Mention d'honneur à la voix pénétrante du mixeur et preneur de son Stephen de Oliveira dans le rôle du thérapeute.
Au milieu du chaos ambiant qu'orchestre Anne Émond, qui tire totalement profit des paysages miniers avec la complicité d'Olivier Gossot à la photo, Patrick Hivon, au sommet de son art, et Piper Perabo, pétillante, forment un duo aussi irrésistible qu'improbable.
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J'ai écrit sur le théâtre pendant une vingtaine d'années, j'ai un bac en études littéraires, une maîtrise en communication, une autre en études culturelles, j'ai vécu et écrit dans plusieurs pays, fait une scolarité doctorale dans une université de l'Ivy League… » Mais non. Ça ne comptait pas. Je ne comprenais rien à TikTok, donc mon point de vue était discrédité d'office. Et je ne parle même pas des parents qui s'en mêlent parfois… mais ça, c'est un autre dossier. Dans les plaintes adressées à la direction, une constante revenait : il devenait quasi impossible d'enseigner avec sa propre voix, ses propres mots. On exigeait plutôt des images, des vidéos accrocheuses, du contenu ludique, des jeux, des cartes mentales, de l'animation continue. Tout cela est valide, bien sûr — je n'ai rien contre l'aspect ludique en pédagogie. Au contraire, l'apprentissage doit passer par le plaisir. Mais à ce stade, le plaisir avait été remplacé par une espèce de torpeur, un brouillard d'yeux vitreux. 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