
Japon: Le Premier ministre Ishiba fragilisé après une débâcle électorale
Publié aujourd'hui à 03h26 Mis à jour il y a 3 minutes
Le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba adresse les médias au centre de dépouillement des votes au siège du Parti libéral démocrate à Tokyo, le 20 juillet 2025.
AFP
L'avenir de l'impopulaire Premier ministre japonais Shigeru Ishiba paraît compromis après une cuisante défaite électorale qui lui a fait perdre la majorité au Sénat, sur fond d'inflation et de poussée du parti d'extrême droite Sanseito.
Lors des élections de dimanche, au cours desquelles étaient renouvelés 125 des 248 sièges de la chambre haute, le Parti libéral-démocrate (PLD, droite conservatrice) de Shigeru Ishiba et son allié Komeito (centre-droit) n'ont gagné que 47 sièges à eux deux, selon les résultats officiels rapportés lundi par la télévision publique NHK et d'autres médias.
Quoique supérieur aux projections initiales des médias locaux, ce résultat reste en deçà des 50 sièges nécessaires aux deux partis pour conserver leur majorité. Ils ne compteront plus que 122 sénateurs, même si l'opposition, très fragmentée, n'apparaît pas en mesure de former une majorité alternative.
De quoi exacerber les spéculations sur une démission de Shigeru Ishiba, 68 ans, en fonction depuis dix mois seulement. «La situation est difficile, nous devons l'examiner très humblement et sérieusement (…) Je veux me montrer conscient de notre responsabilité», a-t-il commenté dimanche soir. «Terrain inconnu»
Des déclarations qui, selon la presse locale, suggèrent qu'il entend se maintenir en poste. Le secrétaire général et numéro 2 du PLD, Hiroshi Moriyama, a, de son côté, estimé qu'il fallait éviter tout vide politique.
La coalition gouvernementale est déjà en minorité à la chambre basse du Parlement, depuis une débâcle aux élections législatives anticipées de l'automne – que Shigeru Ishiba avait lui-même convoquées après avoir pris en septembre la tête du PLD. Le PLD gouverne le Japon de manière quasi ininterrompue depuis 1955, malgré de fréquents changements de dirigeants.
Le Japon entre désormais «en terrain inconnu, avec un gouvernement en minorité dans les deux chambres du Parlement, situation inédite depuis la Seconde Guerre mondiale», rappelle Toru Yoshida, professeur de sciences politiques à l'Université Doshisha.
Le Parti démocrate constitutionnel (centre gauche), principale force d'opposition, a, lui, gagné 22 sièges, et le Parti démocrate du peuple (centriste) 17 sièges. Surtout, le parti populiste anti-immigration Sanseito, au slogan «Le Japon d'abord», fait une forte percée avec 14 sièges remportés, alors qu'il n'en tient que deux dans l'assemblée actuelle. L'ombre de Donald Trump
L'inflation reste forte (+3,3% en juin hors produits frais), tirée par une vertigineuse flambée des prix du riz qui ont doublé en l'espace d'un an. Pour atténuer l'impact inflationniste, Shigeru Ishiba a étendu les aides au logement, prolongé des subventions à l'énergie, et s'est engagé à verser des chèques d'aides aux citoyens. Les autorités ont également débloqué une partie des réserves stratégiques de riz pour faire baisser les prix, sans succès pour l'heure.
Par ailleurs, l'offensive douanière de Donald Trump a fait plonger d'un quart les ventes automobiles vers les États-Unis, un secteur qui représente 8% des emplois dans l'archipel. La menace de surtaxes généralisées de 25% au 1er août fragilise le tissu économique nippon, très dépendant des exportations.
Les marchés financiers s'inquiètent, eux, des dérives budgétaires, les massifs plans de relance et d'aides du gouvernement Ishiba aggravant un endettement déjà lourd. Plusieurs émissions obligataires de Tokyo ont été boudées ces derniers mois, faisant s'envoler les taux nippons. Newsletter
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