Taper dans le ballon pour oublier le bruit des balles

3 days ago

(Lviv) En Ukraine, environ 80 000 amputations auraient été pratiquées depuis l'offensive russe de 2022. Pour se relever physiquement et psychologiquement, certains ont enfilé prothèses et maillots de soccer. De Lviv à Kharkiv, les terrains de foot ukraniens se remplissent malgré les sirènes quotidiennes.
Paul Boyer et Pierre Terraz (photos)
Collaboration spéciale
Le ciel bleu et les douces températures d'été feraient presque oublier les récentes nuits d'angoisse ponctuées de sirènes et d'alertes de drone à Lviv, en Ukraine. Sur le terrain du stade du club historique du Pokrova AMP, l'équipe de joueurs amputés s'entraîne, sous le regard assidu de leur entraîneur.
Au coup de sifflet, ils s'élancent balle au pied, zigzagant habilement à cloche pied entre les obstacles. Ils utilisent deux béquilles, pour se maintenir en équilibre, une technique très exigeante pour les avant-bras. Les règles du soccer pour amputés sont simples : tous les joueurs doivent avoir perdu une jambe, sauf les gardiens qui doivent avoir un bras en moins.
PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE Oleksandr Malchevskyi, joueur de l'équipe Burevii Kyiv. Comme la plupart des joueurs, il a été blessé au front alors qu'il était soldat dans l'armée ukrainienne.
PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE Andrii Herasymchuk, 33 ans, est un milieu de terrain pour l'équipe Shakhtar Stalevi Donetsk. Il a été blessé en marchant sur une mine dans la région de Kherson, en 2022.
PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE Oleksii Inshakov, joueur de l'équipe Nezlamni Kharkiv, s'étire avant la séance d'entraînement
PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE Un joueur de l'équipe Pokrova AMP de Lviv (à gauche) et un joueur de l'équipe Nezlamni Kharkiv (à droite) à l'entraînement
PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE Pour faire partie de l'équipe, les joueurs doivent avoir perdu une jambe. Les gardiens, un bras.
PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE Anatolii Ivanchyshyn, gardien de but pour l'équipe Vinnytsia AMP de Kyiv, face au tir d'Oleksandr Hovorukha, joueur de l'équipe Pokrova AMP de Lviv
PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE Sasha Tebenkov, entraîneur de l'équipe Nezlamni Kharkiv, encourage son joueur Oleksii Inshakov, lors d'une séance d'entraînement entre plusieurs équipes ukrainiennes de soccer amputé, à Lviv. Le nom du club, originaire de Kharkiv, signifie « Les Incassables » en français.
PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE
Oleksandr Malchevskyi, joueur de l'équipe Burevii Kyiv. Comme la plupart des joueurs, il a été blessé au front alors qu'il était soldat dans l'armée ukrainienne.
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Les béquilles ne doivent pas toucher la balle, sous peine de disqualification. Un attaquant, amputé de la jambe droite, fonce vers le gardien, avant de faire une magnifique talonnade. But, en pleine lucarne. En guise d'applaudissements, le son des béquilles entrechoquées résonne en rythme. Grâce au ballon rond, leurs visages se détendent, ils redonnent du sens à leur vie.
« Tu les autorises à se reposer ? », lance un curieux derrière les grillages.
« Ils ne sont plus sur le front, enfin ! », répond en rigolant l'entraîneur, Nazar Rusetskiv.
Ce jeudi de la mi-juillet, un entraînement exceptionnel réunit plusieurs équipes du pays. Ils sont originaires de Lviv, Kyiv, Kharkiv ou Zaporijjia, mais tous se retrouvent autour de leur passion pour le soccer. La plupart d'entre eux sont d'anciens soldats, qui ont perdu un membre au combat. « Quelque 80 % d'entre eux ont été blessés au front. Cela leur fait du bien, je le vois dans leurs yeux. Le soccer leur fait oublier le temps d'un instant la guerre et le handicap », précise l'entraîneur.
« Je criais comme un animal »
Ancien soldat, Valentyn Guryn vient de fêter ses 47 ans. Ce père de deux enfants a été blessé à Zaporijjia le 10 octobre 2024. Lors d'une patrouille, un tireur embusqué le touche à la jambe gauche, laissant une plaie béante de 10 centimètres.
PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE
Valenty Guryn, 47 ans (à gauche), et Oleksandr Hovorukha, 32 ans, sont joueurs dans l'équipe Pokrova AMP de Lviv. Ils ont tous les deux été amputés après avoir été blessés sur le front en 2024, en servant dans l'armée ukrainienne.
« J'avais tellement mal, je criais comme un animal, j'ai demandé à l'un de mes camarades qu'il me tire une balle au milieu du front. Cela me faisait trop souffrir », lance le défenseur du Pokrova AMP, en ajustant sa prothèse dernier cri 3R80 – un modèle à 23 000 $ l'unité.
Après son amputation, il est rapatrié à Lviv, sa région d'origine. Il entend parler d'une équipe en cours de création, sa curiosité est piquée, mais un doute subsiste : « Mon âge… Vous rigolez, je ne suis plus tout jeune », blague-t-il.
Ancien sportif, il tente le coup, et réalise qu'il se déplace très rapidement sur ses béquilles. Cheveux courts, yeux marron et regard vif, il tient à montrer une photo de lui valide, sur ses deux quilles. En treillis militaire, arme en bandoulière, on l'aperçoit tout sourire en compagnie de ses frères d'armes. Un souvenir de son ancienne vie.
PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE
Oleksandr Hovorukha, 32 ans, est un milieu de terrain dans l'équipe Pokrova AMP de Lviv. Il a été blessé par balle à la jambe alors qu'il servait dans l'armée ukrainienne, le 23 mai 2024, près de la ville de Vovtchansk, dans la région de Kharkiv. Il a été amputé à la suite de sa blessure.
Oleksandr Hovorukha, également joueur avec le Pokrova AMP, tourne habilement sur lui-même à cloche-pied. Après qu'il eut été blessé à Vovtchansk, près de Kharkiv, les médecins parviennent miraculeusement à sauver sa jambe droite, mais doivent amputer la gauche. S'ensuivent des mois de rééducation au centre Superhumans de Lviv, spécialisé dans la pose de prothèses. Selon l'institut, en mai 2025, au moins 80 000 personnes auraient perdu un membre dans le conflit ukrainien : c'est autant que pendant la Première Guerre mondiale. « Jouer me fait du bien, je revis », dit en souriant Oleksandr en s'essuyant le front en sueur.
« Les Incassables »
Au loin, un tacticien se distingue par sa qualité de dribble et de jongle. Sasha Tebenkov a une particularité, il est amputé des deux jambes. Ne pouvant pas intégrer une équipe, car il faut avoir une jambe valide, il a pris la casquette d'entraîneur de l'équipe Nezlamni Kharkiv, littéralement « Les Incassables ».
PHOTO PIERRE TERRAZ, COLLABORATION SPÉCIALE
Sasha Tebenkov, 27 ans, est entraîneur pour l'équipe Les Incassables, originaire de Kharkiv. Soldat depuis 2019 dans l'armée ukrainienne, il a été blessé après l'invasion russe de 2022, lorsque son blindé a sauté sur une mine antichar. Conformément aux règles du soccer amputé, il ne peut pas jouer sur le terrain, puisqu'il a perdu ses deux jambes. Mais Sasha peut enchaîner 88 jongles et courir toute la journée sans problème.
À 27 ans, cet amoureux du ballon rond depuis qu'il est enfant est également un fervent patriote ukrainien. Collier de barbe et tatouages d'armes et de symboles aux couleurs de l'Ukraine, il s'engage dans l'armée en 2019. Depuis, il a été de tous les fronts, avant d'être touché de plein fouet lors d'une patrouille de reconnaissance, dans la région de Zaporijjia.
« Notre véhicule blindé a roulé sur une mine. Quatre d'entre nous ont survécu, mon chauffeur est mort sur le coup. Mes jambes ont été broyées, découpées, je me suis évanoui, puis réveillé à l'hôpital, les jambes coupées », confesse-t-il en grimaçant. Les premiers mois sont extrêmement durs, ponctués de douleurs fantômes.
C'est une bataille mentale, il faut les accepter, sinon lutter vous épuisera.
Sasha Tebenkov
Amputé des jambes en dessous des genoux, il a récemment fait réaliser de nouvelles prothèses, en carbone cette fois, plus performantes. En tant que coach, il transmet sa passion du ballon rond à ses joueurs. « J'ai gagné des batailles, maintenant ce sera des matchs », chuchote-t-il après un clin d'œil.
Un premier championnat
Au-delà des entraînements, les 19 équipes de joueurs amputés que compte le pays s'affrontent en tournoi dans le cadre de la League of Mighty – la ligue des braves –, compétition organisée à l'initiative de la Fédération ukrainienne de football (FUF). La ligue travaille en étroite collaboration avec le centre Superhumans, dans lequel l'entraîneur Nazar Rusetskiv, du Pokrova AMP, se rend régulièrement pour recruter de futurs joueurs.
Mes joueurs sont des survivants, ils ont la rage au ventre. Ils ont hâte d'affronter d'autres équipes.
Nazar Rusetskiv, entraîneur du Pokrova AMP
À l'automne 2025, le premier championnat ukrainien de footballeurs amputés aura lieu, l'occasion pour les 19 équipes du pays de s'affronter officiellement. Aujourd'hui, le ciel s'assombrit au-dessus du stade. Pas de quoi effrayer les joueurs, qui continuent de courir balle au pied, pour oublier, le temps de quelques instants, leur handicap et leur traumatisme.

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Des drones ukrainiens provoquent un incendie dans un dépôt pétrolier

L'Ukraine frappe régulièrement les infrastructures pétrolières et gazières russes, en réponse aux attaques menées contre son propre territoire depuis le début de l'assaut russe d'ampleur en février 2022. Des drones ukrainiens provoquent un incendie dans un dépôt pétrolier (Moscou) Une attaque de drones ukrainiens a provoqué un incendie dans un dépôt pétrolier de Sotchi, cité balnéaire du sud-ouest de la Russie connue pour avoir accueilli les Jeux olympiques de 2014, ont indiqué les autorités locales dimanche. Agence France-Presse L'Ukraine frappe régulièrement les infrastructures pétrolières et gazières russes, en réponse aux attaques menées contre son propre territoire depuis le début de l'assaut russe d'ampleur en février 2022. Des attaques russes nocturnes en Ukraine ont d'ailleurs fait plusieurs blessés, ont indiqué les autorités ukrainiennes dimanche. En Russie, « Sotchi a subi une attaque de drone de la part du régime de Kyiv cette nuit », a indiqué sur Telegram le gouverneur de la région de Krasnodar, Véniamine Kondratiev. Les débris d'un drone ont touché un « réservoir de produits pétroliers, ce qui a provoqué un incendie », a-t-il dit. Le maire de Sotchi, Andreï Prochounine, a affirmé en fin d'après-midi que le feu avait été éteint au dépôt pétrolier. Selon les autorités régionales, une femme a été blessée par des débris de drones à Sotchi, mais sa vie n'est « pas en danger ». Des images, diffusées par des médias russes, mais dont l'AFP n'a pas pu vérifier l'authenticité, montraient un brasier et d'épais panaches de fumée noire. Le trafic aérien a été interrompu à l'aéroport de Sotchi, avant de reprendre un peu plus tard, selon l'agence russe de régulation du transport aérien, Rosaviatsia. Les frappes contre Sotchi, située à plus de 500 km du front ukrainien, sont rares par rapport à d'autres villes russes. Des attaques de drones ukrainiens y avaient toutefois fait deux morts fin juillet, selon les autorités locales. L'Ukraine n'a pas encore commenté l'incendie qui s'est déclaré dans la nuit de samedi à dimanche. Le pays avait prévenu qu'il intensifierait ses frappes en Russie en réponse à la multiplication ces dernières semaines des attaques russes contre son territoire, qui ont provoqué la mort de dizaines de civils. Le ministère russe de la Défense a affirmé que trois drones ukrainiens avaient aussi été interceptés dans la région de Leningrad, qui comprend la ville de Saint-Pétersbourg. Côté ukrainien, des frappes nocturnes ont fait un mort et des blessés dans des régions du sud et du nord-est, selon les autorités. Un homme a été tué dimanche à Kherson, grande ville du sud dont les troupes russes sont très proches, lorsque l'armée russe a bombardé un pont sur lequel il se trouvait, selon le bureau du procureur régional. Ce pont, appelé Ostrivsky, connecte le centre-ville avec un des quartiers les plus proches des positions russes, dans lequel environ 1800 personnes vivent encore. Le gouverneur Oleksandre Prokoudine a assuré que, malgré les dégâts, la circulation restait « possible » sur cet édifice. Un missile a aussi fait sept blessés dans un quartier résidentiel de Mykolaïv, ville méridionale, a indiqué la première ministre Ioulia Svyrydenko. Trois autres personnes ont été blessées dans la région de Kharkiv (nord-est), a-t-elle ajouté, les autorités locales faisant aussi état de blessés dans la région de Zaporijjia, dans le sud. « Les Russes continuent de mener la guerre non pas contre les forces ukrainiennes, mais contre les civils ukrainiens », selon Mme Svyrydenko. Le président américain Donald Trump a donné cette semaine à son homologue russe Vladimir Poutine un ultimatum de dix jours, soit jusqu'à vendredi prochain, pour mettre fin au conflit en Ukraine. Mais les frappes aériennes et les combats n'ont pas faibli. Le Kremlin rejette l'idée d'un cessez-le-feu durable en Ukraine, qu'il voit comme un cadeau fait aux troupes de Kyiv, malgré la frustration exprimée par Donald Trump face à ce refus.

L'Ukraine dit avoir frappé des cibles militaires et énergétiques

La Presse

2 days ago

La Presse

L'Ukraine dit avoir frappé des cibles militaires et énergétiques

Un membre du service de la 13 e brigade opérationnelle « Khartiia » de la garde nationale d'Ukraine vérifie un drone Leleka de fabrication ukrainienne avant son lancement près d'une ligne de front, dans la région de Kharkiv, en Ukraine, le 20 juillet 2025. (Kyiv) L'Ukraine a affirmé avoir frappé dans la nuit de vendredi à samedi des cibles militaires et un gazoduc en Russie, les autorités locales de ce pays faisant elles état de trois morts à cause d'attaques ukrainiennes. Agence France-Presse Les services de sécurité ukrainiens (SBU) ont affirmé avoir visé à l'aide de drones longue portée l'aérodrome militaire de Primorsko-Akhtarsk, dans la région de Krasnodar (sud-ouest). Ils ont assuré avoir provoqué un incendie sur le site où sont stockés des drones Shahed de fabrication iraniens, utilisés par la Russie pour attaquer le territoire ukrainien. Le SBU a également dit avoir touché l'entreprise Elektropribor, dans la région de Penza (sud), qui « travaille pour le complexe militaro-industriel russe ». L'Ukraine mène régulièrement ce type d'attaques en Russie pour répondre à l'invasion de février 2022 et aux frappes aériennes quasi-quotidiennes contre ses villes. Les autorités locales russes ont fait état de trois morts lors de frappes de drones ukrainiennes nocturnes. Dans la région de Penza, « tôt ce matin, les drones de l'ennemi ont une fois de plus attaqué une entreprise », a affirmé le gouverneur Oleg Melnitchenko. « Malheureusement, une femme est morte. Deux autres personnes ont été blessées » mais « leurs jours ne sont pas en danger », a-t-il ajouté. Fait rare, une des victimes, « un homme âgé », a été recensée dans la région de Samara, sur la Volga, à environ 800 kilomètres de la frontière ukrainienne, selon le gouverneur régional Viatcheslav Fedorichtchev. « Il se trouvait à l'intérieur d'une maison qui a pris feu en raison de la chute de débris de drones », a-t-il précisé sur Telegram. Dans la région de Rostov, frontalière de l'Ukraine, « l'armée a repoussé une attaque massive dans la nuit, détruisant des drones » au-dessus de plusieurs villes, a affirmé le gouverneur Iouri Slioussar sur Telegram. « Dans le village d'Ouglerodovski, dans le district de Krasnosoulinski, un incendie a éclaté dans un des bâtiments d'un site industriel », a-t-il ajouté, précisant qu'« un employé gardant le site était mort ». Record de drones russes L'armée russe a affirmé de son côté avoir intercepté au total 112 drones tirés par l'Ukraine pendant la nuit. De leur côté, les forces armées russes n'ont jamais lancé autant de drones contre l'Ukraine qu'en juillet (6297), selon une analyse de l'AFP publiée vendredi. Cela comprend une importante part de drones leurres destinés à saturer les systèmes de défense antiaérienne ukrainiens. Une source au sein du renseignement militaire ukrainien (GUR) a indiqué à l'AFP qu'une attaque ukrainienne avait « endommagé » le gazoduc Asie Centrale-Centre, dans la région russe de Volgograd. Cette infrastructure, opérée par le géant russe Gazprom, transporte du gaz naturel depuis le Turkménistan, une ex-république soviétique d'Asie centrale. Le Kremlin rejette l'idée d'un cessez-le-feu durable en Ukraine, qu'il voit comme un cadeau fait aux troupes de Kyiv, malgré la frustration exprimée par Donald Trump face à ce refus. L'Ukraine réclame de son côté des systèmes de défense antiaérienne à ses alliés européens et espère en particulier pouvoir obtenir des batteries américaines Patriot, notamment promises par l'Allemagne. Vendredi, le président américain a ordonné le déploiement de deux sous-marins nucléaires en réaction à des commentaires de l'ancien président russe Dmitri Medvedev, actuel n° 2 du Conseil de sécurité russe, qui avait agité la menace d'une guerre nucléaire face aux ultimatums américains.

Trois morts dans des frappes ukrainiennes en Russie