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«La formation dans le sport : un secteur verrouillé, une République contournée»

«La formation dans le sport : un secteur verrouillé, une République contournée»

Le Figaro28-07-2025
FIGAROVOX/TRIBUNE - Si ce secteur est massivement financé par de l'argent public, il évolue pourtant dans une zone grise, dans laquelle se côtoie entre-soi administratif, connivences fédérales, et logique monopolistique, analyse le sociologue Médéric Chapitaux.
Médéric Chapitaux est sociologue, ancien fonctionnaire au ministère des Sports. Il a notamment écrit Quand l'islamisme pénètre le sport (Presses universitaires de France, 2023).
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Par quelle étrange exception la formation professionnelle dans le sport échappe-t-elle au bon sens républicain et aux règles élémentaires de la concurrence au nombre desquelles la loyauté et l'équité ? Alors même que ce secteur est financé massivement par de l'argent public, il semble évoluer dans une zone grise, dans laquelle se côtoie entre-soi administratif, connivences fédérales, et logique monopolistique.
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Comme dans tous les secteurs, pour dispenser une formation professionnelle, un organisme doit obtenir un numéro de déclaration d'activité (NDA) auprès du ministère du Travail, puis décrocher la certification Qualiopi s'il souhaite bénéficier de fonds publics– un gage de qualité et de transparence. Mais dès qu'il s'agit de sport, une couche supplémentaire s'impose : une habilitation quinquennale délivrée par les services du ministère des Sports, via les Délégations régionales académiques de la jeunesse de l'éducation et du sport (DRAJES) - qui dépendent du Rectorat - avec l'avis, tenez-vous bien, des fédérations sportives elles-mêmes déclarées comme organisme de formation. Oui, vous avez bien lu ! Les concurrents directs sont invités à juger leurs rivaux. Cette situation révèle un conflit d'intérêts manifeste.
Comment ne pas s'étonner de cette procédure ubuesque ? Les fédérations, qui sont aussi des acteurs privés de la formation, doivent ainsi émettre un avis sur les ingénieries pédagogiques, voire les ressources humaines d'un organisme concurrent. Un transfert imposé d'informations sensibles, et une violation manifeste de la propriété intellectuelle. Dans quel autre secteur concurrentiel accepterait-on un tel mélange des genres ?
Pour entrer en formation, les candidats doivent posséder une attestation de sécurité. En revanche, la vérification de leur honorabilité – pourtant obligatoire pour exercer – n'intervient souvent qu'après plusieurs mois de formation
Plus préoccupant encore : les CREPS – établissements publics sous co-gestion du ministère des Sports et des régions – se retrouvent à concurrencer frontalement les structures privées. Or, la jurisprudence est claire : ces établissements ne peuvent intervenir que là où le privé est absent. Dans les faits, ils obtiennent marchés et subventions, tout en profitant de locaux, de personnels et de moyens publics. Résultat : un marché faussé, une concurrence déloyale… et un manque à gagner pour les finances publiques.
Les entreprises de formation, elles, paient leurs charges, assument les salaires, respectent les règles fiscales. Les fédérations et établissements publics, eux, bénéficient d'un régime d'exception. Pourquoi ce traitement différencié, sinon pour verrouiller un secteur au profit de quelques-uns ?
Autre aberration, cette fois dramatique : pour entrer en formation, les candidats doivent posséder une attestation de sécurité (formation prévention secours citoyen), ce qui semble logique. En revanche, la vérification de leur honorabilité – pourtant obligatoire pour exercer – n'intervient souvent qu'après plusieurs mois de formation. Conséquence : un individu au casier judiciaire compromettant peut encadrer des enfants durant des semaines, avant qu'une préfecture ne sonne l'alarme. Inacceptable au plan éthique.
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Et ce n'est pas tout. Le financement public aura été mobilisé en pure perte : apprentissage, aides et places occupées. Les organismes de formation et les employeurs ne peuvent ni vérifier, ni anticiper. Ils gèrent les conséquences, pas les risques. L'État est pourtant informé. Des alertes ont été lancées, y compris par des députés du camp présidentiel. Silence radio. Ce secteur mérite mieux qu'un empilement d'exception administrative. Il est temps que les ministères concernés – Travail, Sports, Éducation et Économie – harmonisent les règles. Même cadre pour tous. Même transparence. Même garantie républicaine.
Oui, la formation dans le sport doit continuer de répondre à des besoins spécifiques. Mais elle ne peut rester un domaine captif, organisé au bénéfice d'une forme de consanguinité catégorielle. L'heure est venue d'ouvrir le jeu, d'encourager l'initiative et de faire confiance aux acteurs de terrain. Et surtout, de ne plus confondre mission de service public et rente institutionnelle.
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