
Une énigme six pieds sous terre à Montréal
Destination touristique en soi, le cimetière du Mont-Royal n'est pas en manque de personnages célèbres. On y trouve entre autres les tombes de John Molson, fondateur de la brasserie du même nom, du joueur de hockey Howie Morenz et de l'ancien premier ministre canadien John Abbott.
Mais bien peu savent que l'endroit abrite aussi une certaine Anna Leonowens, aventurière du XIXe siècle, connue pour avoir inspiré le film The King and I en 1956, et son remake de 1999, Anna and the King, avec Jodie Foster.
Comment cette globe-trotteuse britannique, considérée comme une pionnière du récit de voyage au féminin, a-t-elle trouvé le repos éternel à Montréal ? C'est la question qu'on s'est posée, après qu'un lecteur eut porté son existence à notre attention.
La dame fut en son temps une vedette, et son nom refait surface bon an, mal an, au gré des biographies qui lui sont consacrées. Depuis 2008, deux livres-enquête (Bombay, Anna, publié en 2008 et Masked, the Lives of Anna Leonowens, en 2014) ont notamment tenté d'élucider ses véritables origines, un secret qu'elle protégeait jalousement.
PHOTO TIRÉE DE WIKIPÉDIA
Anna Leonowens en 1862
À la cour du roi de Siam
Anna Leonowens, née Edwards (1831-1915) prétendait venir du pays de Galles alors qu'elle était en fait née en Inde, d'une mère moitié indienne, mensonge probablement destiné à faciliter son appartenance à l'élite coloniale du temps. « Les Britanniques avaient une très mauvaise opinion des Anglo-Indiens. S'ils avaient su qu'elle était métisse, ils l'auraient traitée comme une moins que rien », explique Lois K. York, archiviste de Halifax, qui travaille depuis des années sur le sujet et signe la notice de Mme Leonowens dans L'Encyclopédie canadienne.
Mariée à un certain Leon Owens (d'où son nom), puis veuve, la voici à Singapour, où elle fonde une école pour les enfants d'officiers britanniques. Cette expérience lui vaut d'être embauchée par le roi Mongkut de Siam (Thaïlande) en 1862 pour enseigner l'anglais et la culture occidentale à son harem de 39 femmes/concubines et ses 82 enfants.
Elle y passera six ans, au milieu des intrigues de palais et des enjeux politiques de la cour. Un privilège qu'aucun Occidental n'avait goûté avant elle, et dont elle fera son pain et son beurre par la suite.
Retransplantée à New York en 1869, Anna Leonowens publie ses récits de voyage dans le magazine Atlantic Monthly, puis relate son expérience thaïlandaise plus en détail dans deux livres à succès : The English Governess at the Siamese Court (1870) et The Romance of the Harem (1873).
Écrit d'un point de vue féministe, avec un biais résolument colonialiste, The English Governess se veut assez critique des mœurs royales à Siam et du roi Mongkut. Vu comme une trahison, le livre sera d'ailleurs interdit en Thaïlande. En Amérique, on lui reproche plutôt son manque de rigueur et d'objectivité. Mais cela n'empêche pas Anna de s'imposer dans le circuit des conférences de voyage, à la façon des Grands Explorateurs.
Cette activité lucrative lui vaut d'être considérée comme une des premières vedettes du récit de voyage au féminin. « Mais elle fut loin d'être la première. Il en existe d'autres datant du XVIIIe et du début du XIXe siècle », précise Liz Bohls, professeure au département d'anglais de l'Université de l'Oregon, qui a écrit sur la question. Mme Bohls cite notamment Lady Mary Wortley Montagu (périples en 1716-1718, publiés après sa mort en 1763), Mary Wollstonecraft (périples en 1794-1795, publiés en 1796) et même Mary Shelley, maman de Frankenstein, qui a publié Rambles in Germany and Italy en 1841.
PHOTO WM. NOTMAN & SON, FOURNIE PAR LE MUSÉE MCCORD Mme Anna H. Leonowens, Montréal, 1903
PHOTO WM. NOTMAN & SON, FOURNIE PAR LE MUSÉE MCCORD Mme Anna H. Leonowens, Montréal, 1910
PHOTO WM. NOTMAN & SON, FOURNIE PAR LE MUSÉE MCCORD Mme Anna H. Leonowens et ses petits-enfants, Montréal, 1911
PHOTO WM. NOTMAN & SON, FOURNIE PAR LE MUSÉE MCCORD
Mme Anna H. Leonowens, Montréal, 1903
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Ses valises au Canada
Jusqu'au début des années 1880, Anna Leonowens parcourt le monde et publie ses récits de voyage. Puis elle pose ses valises à Halifax, pour se rapprocher de ses petits-enfants et de sa fille Avis, qui a épousé un banquier d'origine écossaise, Thomas Fyshe. Active socialement, elle fonde une école d'art et devient l'une des figures féminines de la ville.
En 1901, c'est l'ultime déménagement à Montréal. La famille s'établit au 70, rue McTavish, dans le quartier du Golden Square Mile, maison aujourd'hui absorbée par le campus McGill. Anna Leonowens fréquente alors l'élite sociale anglophone. Elle donne des conférences à McGill, préside le Montreal Foundling and Baby Hospital (hôpital pour bébés trouvés) et se fait tirer le portrait par le photographe William Notman. Elle est aussi grand-mère à plein temps, un emploi qui va s'alourdir avec la mort subite de sa fille en 1902, puis de son gendre en 1911.
Devenue aveugle, elle s'efface progressivement et meurt dans un presque anonymat, le 19 janvier 1915, à 83 ans.
Elle était devenue une ombre. Quand ils l'ont enterrée au cimetière du Mont-Royal, ils n'ont même pas écrit correctement les informations sur sa pierre tombale.
Lois K. York, archiviste
Une ombre ? Pas pour longtemps. Car le nom d'Anna Leonowens va continuer à flotter sur la culture populaire occidentale.
En 1943, l'écrivaine Margaret Landon publie Anna and the King of Siam, adaptation romancée de ses récits thaïlandais. Le livre connaît un tel succès qu'Hollywood en tire un film trois ans plus tard, qui sera ensuite adapté à Broadway, sous le titre The King and I. Cette comédie musicale, mettant en vedette Yul Brynner et Deborah Kerr, sera jouée plus de 4000 fois sur scène et fera l'objet de deux autres adaptations au cinéma. Anna Leonowens sera aussi le sujet de quelques biographies, parfois critiques, tandis que des spécialistes de littérature anglaise du XIXe siècle la mentionnent dans leurs recherches.
Pour Lois K. York, cet éternel retour témoigne de l'intérêt d'un personnage aux facettes multiples. Féministe sans être militante, aventurière au destin particulier, Anna Leonowens était une femme de tête, pour ne pas dire une insoumise, dont on n'aura jamais complètement fait le tour. « Elle était tellement énigmatique, tellement mystérieuse, conclut l'archiviste. Il y a tellement de niveaux à explorer. C'est comme éplucher un oignon, couche après couche après couche. Manifestement, elle refuse d'être oubliée. »
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