« Si Pogacar attaque, c'est mort pour le château » : le réalisateur télé du Tour de France Anthony Forestier raconte sa mission et ses contraintes
Pendant trois semaines, à partir d'aujourd'hui, son travail va être vu par les téléspectateurs de près de 200 pays, et en France par ceux de France Télévisions et Eurosport. Réalisateur du Tour de France depuis 2020, à la suite de Jean-Maurice Ooghe (1997-2019), Anthony Forestier occupe un poste plus qu'exposé.
Responsable chaque jour d'environ six heures de direct, le Limougeaud (49 ans) essuie parfois des critiques pour un travail rendu complexe par les exigences multiples auxquelles il doit faire face : ne rien louper des péripéties de la course, montrer le patrimoine français sur le parcours, et réagir aux éventuels aléas techniques ou météorologiques. Il s'en explique pour L'Équipe.
« Comme tous les ans, vous avez pu repérer l'intégralité des 21 étapes du Tour 2025 ?Oui, j'ai fini par Pontarlier, la vingtième étape (Nantua-Pontarlier, le 26 juillet). Je l'ai gardée un peu pour la fin parce qu'il fallait qu'Alexandre Pasteur soit dispo. De temps en temps, il vient repérer avec moi et comme il est de Pontarlier...
En quoi consistent ces repérages ?Chez moi déjà, je mets le parcours sur Google Earth et je me fais une première check-list de tout ce que j'ai envie de montrer. Je passe aussi des coups de fil... Je mets tout ça dans mon shaker, puis je commence un brouillon de roadbook et je prends ma voiture avec Alexandre, Josselin (Riou, qui a remplacé Ronan Pensec à son côté en régie depuis l'an dernier) ou quelqu'un de la production. Sinon, je parle beaucoup avec Thierry Gouvenou (directeur technique chez ASO, propriété comme L'Équipe du groupe Amaury) et les responsables des sites départ et arrivée, Yannick Goasduff et Stéphane Boury.
Cette année, Montmartre sera la grande nouveauté du parcours...Montmartre, c'est à part. J'y rajouterai une caméra, peut-être plusieurs, on va voir. Je tente des trucs... J'aimerais bien faire quelque chose de « très franchouillard », un peu à la Amélie Poulain.
Sinon, le dispositif technique reste le même ?Oui, on a toujours deux hélicos, sept motos image, avec cinq en action en même temps. Plus deux motos son pour France Télévisions. Et les caméras fixes pour les arrivées.
Pourquoi les sept motos ne peuvent-elles pas fonctionner en même temps ? Cela ferait trop de véhicules sur la route ?Exactement, il y a déjà énormément de monde sur le parcours. Tout ça, c'est une discussion avec ASO, avec Thierry (Gouvenou) ou Christian (Prudhomme, le patron du Tour). Pour la sécurité, ce n'était pas raisonnable.
Avez-vous un cahier des charges particulier ? Montrer plus de paysages, de patrimoine ?Non. Après, c'est un subtil équilibre entre faire plaisir à mes potes fans de vélo qui ont besoin de savoir si tel coureur roule en mono plateau, et à ma mère qui tient absolument à voir les châteaux. Le Tour de France est très connu pour le patrimoine mais la priorité reste le vélo. Si j'avais prévu de montrer un château mais qu'au même moment, Pogacar attaque, c'est mort pour le château.
« On a des énervés (dans le peloton), des Remco (Evenepoel), des Van Der Poel, des Pogacar, des Français comme Kevin Vauquelin ou Lenny Martinez... Pour nous, c'est deux fois plus fatigant »
Vous subissez parfois des pressions des collectivités locales ?Non, personne ne m'impose rien. J'ai le « final cut ». Après, des gens m'appellent, parfois des anonymes, ou le maire d'un village, un président de département etc., mais jamais de façon agressive. L'autre jour, un petit papy m'appelle avec son accent du sud-ouest : « Je suis le maire d'un village de 158 habitants, on a un château, ça serait bien que tu le mettes un peu en valeur ». J'ai vu que le Tour passait aux pieds de son château, aucune raison qu'on ne le voie pas, à moins d'une coupure pub ou d'un fait de course. Les coupures pub, à chaque fois que j'ai des réunions dans les mairies, j'explique que je n'y peux rien. Le nombre d'insultes et de courriers désagréables que je reçois à cause de la pub...
Justement, depuis 2020, vous avez été parfois critiqué...Les trois premières années surtout ont été un peu compliquées. Ça me fait mal ainsi qu'à toute mon équipe. Nous, on est à 200 % et on prépare cet événement depuis octobre. Il est évident qu'avec 5 motos pour 184 coureurs, je peux entendre la frustration d'un fan d'un cycliste du peloton si je ne l'ai pas assez montré. Mais il faut comprendre qu'on doit filmer les Français mais aussi les Mexicains, les Colombiens, les Belges, etc.
L'attaque possible à tout moment d'un Mathieu Van der Poel ou Tadej Pogacar complique également votre travail ?La façon de réaliser a beaucoup changé depuis mon premier Tour, il y a huit ans (au côté de Jean-René Ooghe). Sans offenser personne, l'épreuve commençait, Yoann (Offredo) partait devant et on savait très bien qu'il allait rouler tout seul pendant 150 bornes, et qu'après, le peloton allait le rattraper... Aujourd'hui, le vélo est totalement dégoupillé. N'importe qui peut attaquer à n'importe quel moment. On a des énervés, des Remco (Evenepoel), des Van Der Poel, des Pogacar, des Français comme Kevin Vauquelin ou Lenny Martinez... Pour nous, c'est deux fois plus fatigant. Je dois être sur mes gardes en permanence. Et j'ai tout le temps le Maillot Jaune en visu sur un de mes moniteurs.
On vous a reproché d'avoir filmé, en partie de dos, le sprint de Limoges (8e étape, en 2023)...Des petits malins s'étaient amusés, avec des cannes à pêche télescopiques, à placer des drapeaux devant des caméras fixes à l'arrivée. J'en ai donc eu une ou deux sur quatre neutralisées. Ensuite, on m'insulte sur les réseaux sociaux parce qu'on a vu quatre secondes les coureurs de dos... Je montre quand même le sprint, même si ce n'est pas dans les règles de l'art.
En 2023, on vous a aussi reproché de vous être éternisé sur le vainqueur au puy de Dôme, Michael Woods...On est allé regarder. Je crois que le plan sur Woods fait cinq secondes. On parle bien de cinq secondes, d'accord ? Derrière, on ne loupe aucune arrivée. J'aurais aussi trop montré le puy de Dôme. Dans une même journée, on pouvait me reprocher à peu près tout : trop de patrimoine ou pas assez, trop de plans du vainqueur ou trop des poursuivants, etc. Moi, je suis fier de ce que font mes équipes. C'est un travail énorme.
« J'essaie de mener un vrai travail sur le son mais techniquement, c'est assez compliqué. Et les coureurs ne sont pas ultra-enchantés à l'idée que je les entende »
Le soir des étapes, vous avez le temps de débriefer ?On ne fait que ça. On est même ultra-sévères avec nous-mêmes. Mais filmer un peloton, c'est compliqué. Plein de choses peuvent intervenir, les régulateurs, les directeurs sportifs, la sécurité à respecter, les crevaisons des motos... Parfois Thierry Gouvenou m'appelle pendant la course : « Attention, ton hélico était un peu bas au kilomètre 150, fais quand même gaffe... »
Pour conclure, dans quel domaine aimeriez-vous innover un jour ?Depuis longtemps, j'essaie de mener un vrai travail sur le son mais techniquement, c'est assez compliqué. Et les coureurs ne sont pas ultra-enchantés à l'idée que je les entende. Mais dans le monde de Oui-Oui, je pourrais équiper chaque vélo avec une mini-caméra munie d'un petit micro. Un par coureur, ce serait un beau bordel mais un par équipe, ça pourrait être intéressant. »
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