08-07-2025
L'ONU déplore l'incertitude causée par le report des droits de douane américains
Un train transporte des conteneurs à Ajmer, en Inde, le 7 juillet 2025.
(Genève) Le report de l'entrée en vigueur des droits de douane américains, couplé avec les menaces de Donald Trump d'augmenter ces surtaxes pour plusieurs pays, accroît l'incertitude quant à la dynamique du commerce mondial, a estimé l'ONU mardi.
Agnès PEDRERO
Agence France-Presse
Cette « pause » peut offrir « un certain soulagement », mais elle « prolonge en fait la période d'incertitude, minant les investissements à long terme et les contrats d'affaires », a déclaré Pamela Coke-Hamilton, directrice exécutive du Centre du Commerce International (CCI, une entité conjointe de l'ONU et de l'OMC), lors d'un breffage à Genève.
Or « l'incertitude économique a des conséquences concrètes sur les pays et les secteurs », a-t-elle lancé.
Trump avait précédemment programmé l'entrée en vigueur de ces lourds droits de douane additionnels à mercredi, mais a repoussé l'échéance au 1er août via un décret présidentiel publié lundi soir. Nouvelle échéance sur laquelle il a aussitôt laissé planer un doute : « Je dirais qu'elle est ferme, mais pas ferme à 100 % », a-t-il répondu aux journalistes qui l'interrogeaient sur cette date.
Le président américain a également promis lundi une surtaxe douanière d'au moins 25 % à plusieurs pays, dont le Japon et la Corée du Sud, nouvelle étape dans son offensive protectionniste bouleversant les échanges économiques internationaux.
Le dirigeant a distillé pendant la journée sur sa plateforme Truth Social 14 lettres quasiment identiques envoyées à des pays essentiellement asiatiques. Pressé de dire si ces lettres constituaient son offre finale, Trump s'est également montré évasif : « Je dirais finale, mais s'ils appellent avec une autre offre et qu'elle me plaît, alors nous le ferons ».
« Ces lettres décrivent plusieurs niveaux de droits de douane, il n'est pas clair s'ils seront négociés d'ici au 1er août ou s'il s'agit de l'accord final », a expliqué Pamela Coke-Hamilton.
« En d'autres termes, le terrain n'est pas stable. Si le terrain est sans cesse mouvant, il est impossible pour une entreprise de prendre des décisions », a-t-elle dit.
« Une tempête parfaite »
Elle a rappelé que cette guerre commerciale déclenchée par le président américain depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier pose en particulier d'importants défis aux pays les plus démunis.
« Une tempête parfaite se prépare. Alors que le commerce devient plus imprévisible, le soutien extérieur par le biais de l'aide » internationale « se réduit également », et pas seulement en raison des coupes américaines, a-t-elle déploré.
L'ONG Oxfam a calculé que les pays du G7, qui fournissent les trois quarts de toute l'aide publique au développement, vont réduire cette aide de 28 % entre 2024 et 2026. Soit « la plus importante réduction de l'aide depuis la création du G7 il y a 50 ans », selon Mme Coke-Hamilton.
En avril, elle avait déjà appelé les pays en développement à se réinventer, face aux turbulences du commerce international qui les frappent de manière disproportionnée, en diversifiant leur clientèle à l'export, en ajoutant de la valeur à leur production nationale et en s'alliant régionalement.
« Ce qui se passe n'est peut-être pas une si mauvaise chose », car « cela oblige à prendre des décisions qui auraient dû être prises il y a longtemps, cela encourage la diversification, l'intégration régionale, la recherche de nouveaux marchés et à sortir de la dépendance », a affirmé Mme Coke-Hamilton.
Selon elle, les turbulences commerciales vont provoquer des changements systémiques, avec notamment déjà la Chine qui a « annoncé qu'elle allait exonérer l'Afrique des droits de douane ». « C'est un développement majeur », a-t-elle insisté.
Elle estime également que cette guerre commerciale aura « à long terme un impact négatif sur l'économie américaine ».
« Je ne sais pas exactement quel est le plan » des États-Unis et « je suppose qu'il y en a un, mais de mon point de vue, à ce stade, je ne vois pas de gain à long terme » pour l'économie américaine, a-t-elle assuré.