
L'ONU déplore l'incertitude causée par le report des droits de douane américains
(Genève) Le report de l'entrée en vigueur des droits de douane américains, couplé avec les menaces de Donald Trump d'augmenter ces surtaxes pour plusieurs pays, accroît l'incertitude quant à la dynamique du commerce mondial, a estimé l'ONU mardi.
Agnès PEDRERO
Agence France-Presse
Cette « pause » peut offrir « un certain soulagement », mais elle « prolonge en fait la période d'incertitude, minant les investissements à long terme et les contrats d'affaires », a déclaré Pamela Coke-Hamilton, directrice exécutive du Centre du Commerce International (CCI, une entité conjointe de l'ONU et de l'OMC), lors d'un breffage à Genève.
Or « l'incertitude économique a des conséquences concrètes sur les pays et les secteurs », a-t-elle lancé.
Trump avait précédemment programmé l'entrée en vigueur de ces lourds droits de douane additionnels à mercredi, mais a repoussé l'échéance au 1er août via un décret présidentiel publié lundi soir. Nouvelle échéance sur laquelle il a aussitôt laissé planer un doute : « Je dirais qu'elle est ferme, mais pas ferme à 100 % », a-t-il répondu aux journalistes qui l'interrogeaient sur cette date.
Le président américain a également promis lundi une surtaxe douanière d'au moins 25 % à plusieurs pays, dont le Japon et la Corée du Sud, nouvelle étape dans son offensive protectionniste bouleversant les échanges économiques internationaux.
Le dirigeant a distillé pendant la journée sur sa plateforme Truth Social 14 lettres quasiment identiques envoyées à des pays essentiellement asiatiques. Pressé de dire si ces lettres constituaient son offre finale, Trump s'est également montré évasif : « Je dirais finale, mais s'ils appellent avec une autre offre et qu'elle me plaît, alors nous le ferons ».
« Ces lettres décrivent plusieurs niveaux de droits de douane, il n'est pas clair s'ils seront négociés d'ici au 1er août ou s'il s'agit de l'accord final », a expliqué Pamela Coke-Hamilton.
« En d'autres termes, le terrain n'est pas stable. Si le terrain est sans cesse mouvant, il est impossible pour une entreprise de prendre des décisions », a-t-elle dit.
« Une tempête parfaite »
Elle a rappelé que cette guerre commerciale déclenchée par le président américain depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier pose en particulier d'importants défis aux pays les plus démunis.
« Une tempête parfaite se prépare. Alors que le commerce devient plus imprévisible, le soutien extérieur par le biais de l'aide » internationale « se réduit également », et pas seulement en raison des coupes américaines, a-t-elle déploré.
L'ONG Oxfam a calculé que les pays du G7, qui fournissent les trois quarts de toute l'aide publique au développement, vont réduire cette aide de 28 % entre 2024 et 2026. Soit « la plus importante réduction de l'aide depuis la création du G7 il y a 50 ans », selon Mme Coke-Hamilton.
En avril, elle avait déjà appelé les pays en développement à se réinventer, face aux turbulences du commerce international qui les frappent de manière disproportionnée, en diversifiant leur clientèle à l'export, en ajoutant de la valeur à leur production nationale et en s'alliant régionalement.
« Ce qui se passe n'est peut-être pas une si mauvaise chose », car « cela oblige à prendre des décisions qui auraient dû être prises il y a longtemps, cela encourage la diversification, l'intégration régionale, la recherche de nouveaux marchés et à sortir de la dépendance », a affirmé Mme Coke-Hamilton.
Selon elle, les turbulences commerciales vont provoquer des changements systémiques, avec notamment déjà la Chine qui a « annoncé qu'elle allait exonérer l'Afrique des droits de douane ». « C'est un développement majeur », a-t-elle insisté.
Elle estime également que cette guerre commerciale aura « à long terme un impact négatif sur l'économie américaine ».
« Je ne sais pas exactement quel est le plan » des États-Unis et « je suppose qu'il y en a un, mais de mon point de vue, à ce stade, je ne vois pas de gain à long terme » pour l'économie américaine, a-t-elle assuré.
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