
Le Texas remonté « à 100 % » contre les droits de douane
Le Texas remonté « à 100 % » contre les droits de douane
(San Antonio) Une ville américaine, plus que toutes les autres, risque de souffrir des droits de douane de 35 % que Donald Trump veut imposer au Canada.
Ce n'est ni Detroit, ni Cleveland, ni Seattle, toutes limitrophes.
La ville en question n'est même pas près de la frontière canadienne. Pensez plutôt… à San Antonio. La municipalité texane, située à 2500 km au sud, pâtira joliment si le président des États-Unis met sa menace tarifaire à exécution, le 1er août prochain.
Ce constat surprenant ne provient pas de moi, mais d'une analyse fouillée faite par l'économiste en chef de la Chambre de commerce du Canada1.
J'ai passé plusieurs jours à San Antonio, et c'est sans doute l'une des plus « mexicaines » des grandes villes américaines. Les deux tiers de sa population sont hispanophones. La frontière du Mexique se trouve à peine à 250 km. J'aurais cru ses liens économiques bien plus forts avec ce pays qu'avec le Canada.
Mais non : 48 % de ses exportations prennent la route du nord, dont les modèles Tundra et Sequoia de Toyota. Automobiles, aérospatiale, produits pétroliers : la ville texane a besoin du marché canadien.
San Antonio, donc, ne veut rien savoir de la nouvelle salve tarifaire lancée par Donald Trump ces derniers jours. Le reste du Texas non plus. Je dirais même que l'industrie de tout l'État – prospère et influente à Washington – est très remontée en ce moment.
Cela peut sembler paradoxal, dans un État qui appuie le Parti républicain sans interruption depuis 1980. Mais ce ne l'est pas. L'Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), qui a remplacé l'ALENA en 2020, lui a tout particulièrement profité.
PHOTO FOURNIE PAR LA TEXAS ASSOCIATION OF BUSINESS
Le PDG de la Texas Association of Business, Glenn Hamer
« Cent pour cent des entreprises du Texas appuient l'accord », m'a résumé en entrevue Glenn Hamer, PDG de la Texas Association of Business, qui représente des dizaines de milliers d'entreprises de l'État.
Nous voulons que l'Amérique du Nord soit une zone sans droits de douane, où nous construisons des produits avec le Canada et le Mexique. Nous croyons fermement que l'ACEUM est la meilleure entente commerciale jamais négociée dans l'histoire des États-Unis.
Glenn Hamer, PDG de la Texas Association of Business
La preuve de ce succès, selon lui, est que la Chine a reculé au troisième rang des partenaires commerciaux des États-Unis depuis la signature de l'accord, derrière le Mexique et le Canada. « Le Canada est probablement le plus grand marché d'exportation des États-Unis, donc nous voulons voir le libre-échange maintenu et même étendu. »
L'ALENA, faut-il le rappeler, avait été qualifié de « pire entente commerciale de tous les temps » par Donald Trump. Ce même président a forcé sa renégociation, qui s'est traduite par la ratification de l'ACEUM. Un fait d'armes dont il s'est bien vanté par la suite… avant de diaboliser encore une fois ses partenaires.
Glenn Hamer a été volubile, mais aussi prudent, pendant notre long entretien. Il salue plusieurs des actions de l'administration Trump, dont la signature du « Big Beautiful Bill », une loi qui prolongera les baisses d'impôts édictées en 2017 par le président lors de son premier mandat.
Mais les droits de douane ne passent tout simplement pas. Ni les autres insultes et menaces proférées à répétition envers le Canada, comme celle d'en faire le « 51e État » américain.
PHOTO JACQUELYN MARTIN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Le président Donald Trump et la première dame Melania Trump, à San Antonio vendredi dans le cadre d'une visite au Texas après les inondations mortelles
Il faut en prendre et en laisser dans tout ce brouhaha, fait-il valoir, présentant du même coup ses excuses à ses « amis » canadiens.
Je comprends à quel point les Canadiens sont en colère, mais je pense qu'il faut aussi continuer à démontrer à quel point la relation est gagnant-gagnant.
Glenn Hamer, PDG de la Texas Association of Business
En gros : Trump utilise la menace des droits de douane comme stratégie en vue d'obtenir des concessions du Canada, croit Glenn Hamer. Entre autres pour le forcer à abandonner ses quotas dans l'industrie laitière. « Il ne faut jamais oublier que Trump est un bon négociateur : qui aurait cru que l'OTAN accepterait de rehausser ses dépenses militaires non pas à 3 %, mais à 5 % ? »
J'ai fait cette entrevue au Texas alors que l'humeur s'assombrissait au Canada. Le premier ministre Mark Carney a admis mardi s'attendre à ce que des droits de douane demeurent en place, même s'il réussit à renégocier l'ACEUM avec les États-Unis2.
Là où il y a un peu d'espoir, c'est que Trump préfère nettement Carney à son prédécesseur Justin Trudeau.
Autre léger rayon d'optimisme : la Texas Association of Business, comme des dizaines d'autres chambres de commerce américaines, promet d'accentuer la pression sur Washington pour que les barrières tarifaires restent les plus basses possibles.
Elles veulent convaincre le président avec des chiffres, indiscutables, et invitent le Canada à en faire de même. En faisant quelques courbettes, quand même…
« Même dans des circonstances parfaites, une révision de l'ACEUM était prévue en 2026, a souligné Glenn Hamer. Les trois pays accueilleront la Coupe du monde [de la FIFA] l'an prochain, et Trump aime les sports. On espère donc pouvoir travailler tous ensemble d'ici là pour bâtir ces relations personnelles, très importantes pour le président. »
Si je lis entre les lignes, ce sera comme lancer une pièce de monnaie dans les airs en espérant qu'elle tombe du bon côté (et que l'humeur du président soit à l'avenant).
Quel côté sera le bon ? Toujours difficile à prévoir, avec Trump.
1. Lisez l'analyse de la Chambre de commerce du Canada (en anglais)
2. Lisez l'article « Carney doute du retrait des droits de douane même avec un accord négocié »
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