01-08-2025
Dépouillée de près de 100 000 $ à 84 ans
Michèle Toso Saint-Denis, 84 ans, souffrant d'un cancer du poumon et des os, s'est fait dérober près de 100 000 $ par des fraudeurs qui se font passer pour des enquêteurs de police.
Une nouvelle variante de fraude bancaire impliquant un faux policier fait de plus en plus de victimes au Québec et en Ontario. Michèle Toso Saint-Denis, 84 ans, a perdu près de 100 000 $ en tombant dans le piège. Son fils déplore la lenteur de sa banque à détecter les transactions anormales.
Michèle Toso Saint-Denis a honte.
Le 15 mai dernier, un homme « calme et posé, qui ne parlait pas beaucoup », l'a appelée en se faisant passer pour l'enquêteur Martin Leblanc, du Service de police de l'agglomération de Longueuil (SPAL).
La police, disait-il, suspectait un employé de la Banque de Montréal d'être en train de la frauder. Mme Toso Saint-Denis devait l'aider à arrêter le voleur rapidement.
La dame de 84 ans, souffrant d'un cancer qui la force à prendre plusieurs médicaments chaque jour, y a cru à fond.
Investie à 100 %
« J'étais dans un autre monde, complètement. J'étais investie à 100 % dans l'histoire du voleur qu'il fallait arrêter, dit-elle. J'étais obsédée par ça. »
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Michèle Toso Saint-Denis est avec son fils Iann. Elle a cru à fond l'histoire des fraudeurs.
À la demande du faux enquêteur, elle a pris un taxi, s'est rendue à la succursale longueuilloise de la BMO, où elle a vidé son coffret de sécurité de tout ce qui s'y trouvait.
En revenant à la maison, elle a rappelé le faux inspecteur, qui lui a dit de tout mettre dans une enveloppe blanche, y compris ses cartes bancaires avec les NIP correspondants, et surtout, de n'en faire mention à personne pour ne pas nuire à l'enquête.
J'ai eu un temps d'arrêt quand il m'a demandé de donner mes NIP, mais le type m'a juste dit : 'Ben là… je suis policier, madame'.
Michèle Toso Saint-Denis
Un autre homme, un complice portant un gilet jaune fluorescent, a ensuite sonné à sa porte pour récupérer l'enveloppe. Les caméras de surveillance du complexe de condos où habite Mme Toso Saint-Denis ont capté son arrivée. Les images ont été transmises aux vrais policiers du SPAL après que l'arnaque a été découverte.
En l'espace de quelques jours, les fraudeurs ont vidé son compte courant, qui contenait un peu plus de 20 000 $.
Ils ont aussi porté pour 30 000 $ de dépenses sur sa carte de crédit à coups de retraits de 1500 $ dans des guichets automatiques de Laval, d'achats de 2500 $ chez Costco à Sainte-Foy et Pointe-Claire, et de paiements de 2400 $ à un service de limousine de Saint-Léonard. Quand la carte de crédit a été pleine, les fraudeurs l'ont renflouée en déposant une série de chèques personnels portant l'en-tête d'une autre institution financière, prétextant que Mme Toso Saint-Denis venait d'acheter deux nouvelles voitures et de louer un chalet.
Les voleurs ont poussé le larcin jusqu'à un total de près de 100 000 $, selon la famille de Mme Toso Saint-Denis.
La banque « dort au gaz »
Son fils, Iann, affirme que la banque a initialement refusé d'absorber la perte, reprochant à sa cliente d'avoir fourni aux voleurs ses NIP et des codes de vérification à double facteur.
La BMO a ensuite offert d'éponger 42 000 $ « à titre de geste de bonne volonté », après un examen du dossier fait par le Bureau de résolution des plaintes de la haute direction de l'institution financière.
La famille n'a pas encore décidé si elle accepterait ou non cette offre.
« Oui, ma mère a donné ses NIP. Oui, elle a commis une erreur, reconnaît Iann Saint-Denis. Mais je m'explique mal que la banque n'ait pas été en mesure de détecter qu'une cliente de 84 ans, qui a de la misère à marcher et se déplace normalement dans un rayon de deux kilomètres carrés, se met à dépenser des 7000 $, 8000 $, 12 000 $ pour des commandes chez Costco et un service de limousine. »
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Iann Saint-Denis déplore le manque de mesures de sécurité adoptée par la banque pour protéger les clients comme sa mère.
« Leurs algorithmes, c'est vraiment n'importe quoi. La banque dort au gaz », déplore-t-il.
« Ma mère a toute sa tête, mais elle se sent rapidement dépassée. Les technologies de vérification à double facteur, les NIP, les codes de sécurité, c'est super, mais les personnes comme elle ne les maîtrisent pas », plaide-t-il.
À partir d'un certain âge, la banque devrait mettre des limites de transactions de 1000 $ ou 2000 $ par jour, et si ces clients-là veulent vraiment acheter une nouvelle auto ou louer un chalet, ils peuvent appeler ; ils ont des téléphones.
Ian Saint-Denis, le fils de la victime
La Banque de Montréal, sans donner de détails pour des raisons de confidentialité, dit travailler à résoudre la situation dans le cadre de son processus habituel. Elle souligne que les codes d'accès à usage unique transmis par la banque dans le cadre de ses processus de sécurité sont accompagnés de messages rappelant aux clients de ne jamais les divulguer à quiconque.
« Notez que la BMO ne vous contactera jamais par courriel, texto ou appel téléphonique non sollicité pour vous demander des informations sensibles, des mots de passe, des codes PIN ou des codes de vérification [à usage unique] », insiste l'institution.
Une variante en forte croissance
Cette variante de la fraude du faux représentant, où un escroc se prétend policier, est en forte croissance depuis quelques mois. Le SPAL a rapporté 51 cas depuis le début de l'année sur son territoire, alors qu'il en avait compté 38 en 2024 et seulement 6 en 2023.
Le 13 juillet, des policiers de la Sûreté du Québec ont arrêté deux jeunes hommes de 18 et 20 ans qui venaient de frauder une victime de façon similaire en se faisant passer pour un policier à La Tuque, en Mauricie. Ils auraient également demandé à leur cible de mettre ses NIP dans une enveloppe blanche scellée.
Le Service de police d'Ottawa a aussi rapporté une série de cas semblables impliquant un faux policier de son service.
« Les personnes âgées de 65 ans et plus, notamment les femmes (66 %), restent les cibles préférées des fraudeurs, et leur victimisation ne cesse d'augmenter depuis les dernières années », indique l'agente Mélanie Mercille, du SPAL. En 2024, près de 42 % des victimes faisaient partie de ce groupe d'âge, alors qu'elles représentaient 23 % en 2022 et 34 % en 2023.