08-08-2025
Les clubs suisses en profitent – Les maillots de foot, au cœur d'un marché déraisonné
Le maillot de football est au centre de l'écosystème d'un club. Plongée dans les coulisses d'un marché suisse à forte valeur symbolique et émotionnelle. Parfois sans limites. Publié aujourd'hui à 06h32
Plongée dans les coulisses de la vente de maillot de football avec les trois clubs romands de Super League et le FC Bâle.
Rick Neves-Getty images-DR-Montage Tamedia
En bref:
La vente des maillots de football est un univers où la plus-value se situe au niveau sentimental, où l'on revisite à outrance l'âme du club, son logo et ses couleurs pour susciter l'engouement du fan. Et écouler ses stocks.
Mission: raviver les pulsions du fan, titiller sa fibre nostalgique, afin qu'il investisse chaque saison, parfois plusieurs fois par exercice, dans ce bout de tissu devenu objet culte et accessoire de mode, aussi porté par des non-initiés.
Les clubs se livrent un match commercial, gonflent (souvent) leurs chiffres et mettent en scène de manière cinématographique le lancement de leur nouvelle pièce au design toujours plus surprenant.
Les clubs romands de Super League et le champion Bâle décryptent trois règles d'or d'un marché à forte valeur symbolique qui ne se refuse rien. L'ADN du club de football au cœur de la stratégie
«La priorité, pour un maillot, c'est de respecter l'ADN du club». À Sion, Barthélémy Constantin est un «amoureux des maillots» qui troque dès qu'il le peut son costard pour une tenue d'une équipe européenne des années 1990 à 2010, le rouge et le blanc du drapeau valaisan sont obligatoires pour les maillots principaux: domicile et extérieur. «Tu dois respecter l'identité de la région et de la ville d'où tu viens», insiste le directeur sportif valaisan.
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Même stratégie à Lausanne, qui a fait le choix fort de se passer d'équipementier la saison passée en misant sur le circuit court, afin d'avoir davantage de liberté pour renforcer son côté identitaire. La skyline de la ville a été incrustée sur une bande horizontale, évoluant avec trois éditions limitées et autant de skylines différentes.
«Ce choix fort nous a permis de vendre 5500 maillots, soit plus du double des autres années, se félicite Vincent Steinmann, président du Lausanne-Sport. Ce qui signifie qu'on est au-delà du demi-million de chiffre d'affaires sur les maillots, soit largement moins que 5% du budget du club et l'équivalent d'un gros sponsor de deuxième niveau du Lausanne-Sport. Un apport intéressant, mais qui montre que la marge de progression est importante.»
Sortir du cadre peut se payer au prix fort. «À l'époque du Coq Sportif, qui était notre équipementier, on avait décidé d'utiliser des couleurs différentes, du violet et orange, pour notre deuxième maillot, et certains nous en avaient voulu», se souvient le dirigeant vaudois. Cela n'a pas empêché le FC Bâle d'oser le mauve pour son maillot extérieur cet été.
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À Genève, le grenat (domicile) et le blanc (extérieur) sont respectés. «C'est historique, c'est important de garder ces codes», tranche Loïc Luscher, responsable marketing du Servette FC. Pour marquer le 135e anniversaire, en 2025, les Genevois ont surfé sur la hype du rétro avec un retour au logo old school .
«C'était un succès, avec 10'000 maillots vendus, soit un peu plus que les années précédentes et cela représente 1,1 million de francs de chiffre d'affaires», affirme le Genevois.
Des chiffres qui n'ont rien à voir avec ceux des meilleurs clubs d'Europe, qui dépassent le million de maillots vendus chaque saison, selon le cabinet PR-Marketing. Se démarquer avec des maillots collectors
Un troisième maillot est désormais imposé par la Swiss Football League. De quoi enrichir la palette créative, mais aussi ruiner les fans ou collectionneurs du pays. «Avec le troisième maillot, il y a davantage de liberté», affirme Loïc Luscher. La saison passée, le club Grenat a ainsi dévoilé son maillot Prince de la ville : «bleu roi éclatant, agrémenté de touches dorées», qui se distingue «par son allure futuriste, plus moderne et actuelle». Une nouvelle version est prévue cette saison.
Chez le rival lausannois, un third a été créé pour la première fois lors du dernier exercice. Celui de la saison 2025-2026 est prévu pour fin août. «Il sera fun, avec des couleurs jamais portées», annonce Vincent Steinmann, le président du LS. Ce mois d'août, le troisième maillot du FCB va aussi faire sa rentrée des classes, sans que le moindre indice ne filtre avant sa sortie.
À Bâle, les maillots sortent comme des Leckerlis du four. La saison passée, plus de 30'000 maillots vendus – un record pour le FCB – dont la moyenne annuelle s'élève à environ 15'000 exemplaires. L'effet Shaqiri ne s'est pas uniquement fait ressentir sur le terrain: près de 15'000 chandails ont été floqués au nom de la star du foot suisse. La sortie d'un maillot vert inédit juste après l'annonce de la signature de XS? «Un heureux hasard de la livraison» répond le club. La version dorée en édition limitée a tout autant agité la cité du bord du Rhin.
La vente de ces pièces au design parfois surprenant se transforme en poule aux œufs d'or à Bâle. «Ces maillots spéciaux, comme celui pour le carnaval, suscitent toujours un immense intérêt avec environ 2500 exemplaires, qui sont très rapidement sold out», confirme Simon Walter, responsable communication du FCB.
Désormais, même le Trikot d'échauffement devient œuvre d'art grâce aux artistes locaux – mention spéciale à la carte de la ville dessinée la saison passée – et s'arrache au prix fort. Le Uffwärmshirt de cette année, lui, a été directement conçu par les fans Rotblau.
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Les Romands se lancent aussi dans des maillots spéciaux, qui sont souvent plus onéreux. Servette a tenté le maillot taché pour son avant-match ou lancé un maillot lifestyle unique et en édition limitée (100 exemplaires) sorti le jour de sa célèbre fête de l'Escalade. De quoi renflouer les caisses (ou la marmite, ici) du club.
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«Une ligne collector de treize maillots, par autant d'artistes valaisans, s'étend depuis la saison 2023-2024 jusqu'à l'inauguration du nouveau stade», se félicite Barthélémy Constantin, directeur sportif du FC Sion.
Des hiéroglyphes, des flammes ou l'église de Sion: ces pièces produites à quelques centaines d'exemplaires, conçues pour les 3e et 4e maillots, voire ceux des gardiens, s'écoulent très vite. La prochaine version est prévue pour cette année.
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«On cherche à faire le buzz, à anticiper des réactions ou à s'aligner sur des trends, à l'image de notre collection avec l'artiste Sébastien Strappazzon (ndlr: qui a lancé la marque Avnier avec le chanteur Orelsan) l'année dernière», précise Vincent Steinmann, président du club vaudois. Ou quand la mode s'invite au cœur du football grâce aux collabs. Créer le buzz avec un storytelling bien huilé
Le RC Strasbourg a frappé fort cet été en vendant ses nouveaux maillots extérieurs avant même leur sortie officielle, dans des distributeurs automatiques situés à la gare et à l'aéroport. Le buzz autour de la mise en scène de la vente de maillot a aussi gagné la Suisse ces dernières années.
«Bâle et YB font du super boulot dans le domaine, mais nous sommes les meilleurs et les précurseurs en Romandie au niveau du storytelling, lancé dès notre partenariat avec Adidas (ndlr: saison 2022-2023) , affirme Loic Luscher, responsable marketing des Grenat. Avec notamment des vidéos, comme celle produite avec les rappeurs Geos et Youssoupha pour créer le buzz à chaque fois. La sortie de maillots est à la base une opération purement de merchandising, mais elle devient désormais une opération de communication.»
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Au bout du Léman, des événements accompagnent le lancement de chaque maillot. Le chandail extérieur 2025-2026 a été présenté au Musée d'art et d'histoire, après un shooting photo dans une version genevoise du MET gala. «Cela plaît au public et ramène pas mal de monde à l'intersaison, une période plus creuse qui nous permet de reparler de notre club», précise Loic Luscher. «Aujourd'hui, ce qui intéresse, c'est l'histoire que tu racontes, il faut expliquer pourquoi le maillot est fait ainsi», résume le Sédunois Barth Constantin.
«On raconte des histoires avec chaque maillot, celle du club avec le premier, le deuxième autour du territoire, qui devrait sortir mi-août et va faire beaucoup parler, puis le troisième, fin août, avec des couleurs inédites», poursuit le Lausannois Vincent Steinmann avec un sens du teasing bien maîtrisé.
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L'été passé, les flammes des maillots du FC Bâle, inspirées des traditions de la ville, ont mis le feu sur les réseaux sociaux. Et le club a parfaitement orchestré la vidéo de présentation, qui a davantage ressemblé à un court métrage documentaire.
Rebelote cette saison avec un storytelling une nouvelle fois érigé en art et maîtrisé à la perfection: «Des courants qui se rejoignent» est le leitmotiv de la collection de maillot 2025-2026, inspirée du Rhin qui traverse la ville. De quoi faire saliver les fans.
Le maillot domicile du FC Bâle présente ainsi des rayures aux couleurs du club, avec un «bleu foncé qui repose sur les statuts originaux du club du 8 décembre 1893», indique le club pour décrire son tissu avec un sens du récit poussé à l'extrême.
En lien avec les maillots de football Sylvain Bolt est journaliste à la rubrique sportive de 24 Heures, de la Tribune de Genève et du Matin Dimanche depuis 2019. Il couvre en particulier le ski alpin et le freeride, mais aussi le cyclisme et l'athlétisme. Plus d'infos @SylvainBolt
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