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6 days ago
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La « mine de yogourt » Danone
On les voit souvent le long des autoroutes ou dans les parcs industriels. Le commun des mortels n'y a pas accès, mais cet été, l'équipe de La Presse Affaires s'est fait ouvrir les portes d'usines qui font partie du paysage. Danone Canada Siège social : Toronto PDG : Pierre Morin Nombre d'employés : 618 au Canada, dont 474 au Québec Marques : Oîkos, Activia, Danone, Two Good et Silk Le Québec est à la fois le plus grand producteur et le plus grand consommateur de yogourt au pays. De fait, l'usine Danone Canada, à Boucherville, scelle plusieurs millions de contenants de yogourt pour tout le pays… chaque jour. C'est plus précisément cinq millions de pots de tous les formats qui sont fabriqués chaque jour dans l'importante usine de la Rive-Sud, la seule de Danone au Canada. À l'arrivée de La Presse à l'usine, impossible de nier où l'on se trouve : dans la spacieuse et lumineuse salle des employés, c'est l'heure de la pause du matin, et la plupart ont un yogourt à boire à la main. Déjà, dans le passage menant à la manufacture, l'immanquable odeur de crème, de lait et de petits fruits nous ramène à l'heure du petit-déjeuner. « On entre dans la mine du yogourt, c'est comme ça que j'aime l'appeler », nous dit Dan Crane, vice-président aux opérations, qui a multiplié ses rigoureuses analogies tout au long de notre visite. PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE Dan Crane, vice-président aux opérations de l'usine Danone Canada, à Boucherville Pour accéder à l'usine – exigences sanitaires obligent –, nous avons enfilé filets, lunettes, blouses blanches, gants et souliers de protection. Rapidement, nous nous retrouvons dans le feu de l'action, soit la production. Dans l'usine, presque aucun espace n'est réservé au stockage des matières premières, afin que toute la superficie puisse servir aux étapes suivantes. Depuis un quart de siècle, c'est l'entreprise de transport voisine, Groupe Robert, qui les entrepose et déploie plusieurs navettes par jour pour les transporter de l'autre côté de la rue. PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE Pour accéder à la manufacture, les employés doivent traverser un étroit passage qui permet d'éliminer tout résidu de saleté sur leurs vêtements. Les étapes : la chambre de propulsion d'air, le bassin d'eau pour nettoyer les semelles et le lavage des mains. PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE Nous passons tout près du « lave-vaisselle » de l'usine, où sont rigoureusement nettoyés les tuyaux et réservoirs de yogourts avant qu'ils soient réutilisés. PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE C'est dans d'énormes congélateurs que sont conservés les contenants de ferment, la culture bactérienne ajoutée au lait et à la crème pour créer le yogourt. Seul un petit nombre d'employés y ont accès, car l'extérieur des contenants ne doit pas être contaminé. PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE Le ferment est ajouté au reste de la recette : lait ultrafiltré, crème, protéines laitières et texturants. Le processus de fermentation est entamé pour créer du yogourt. PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE Les employés du centre de contrôle s'assurent qu'il y ait un bon enchaînement dans la préparation du yogourt. PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE Presque tous les yogourts de Danone Canada sont produits à Boucherville. La marque Oîkos est la plus populaire, souligne Dan Crane. Il note un nouvel intérêt pour le yogourt fait avec du lait végétal de marque Silk. PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE Autour de nous, que des tuyaux et des machines. Mais où est stocké le yogourt ? Dans des cuves… sur le toit ! Cela permet d'économiser de l'espace pour l'usine. PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE Chaque année, Danone Canada investit environ 20 millions de dollars pour moderniser son usine, en améliorer l'efficacité ou développer de nouveaux produits. L'entreprise a un partenariat avec Moisson Rive-Sud pour les produits qui ne peuvent être vendus, mais qui sont consommables. PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE Même si les ventes sont relativement stables tout au long de l'année, Danone Canada note deux moments forts pour la production : la rentrée scolaire, pour les collations des enfants, et la nouvelle année, pour les résolutions alimentaires ! PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE À la fin de la chaîne, les caisses de yogourt sont emballées et chargées dans des camions qui feront des livraisons jusqu'en Ontario. Plus loin à l'ouest, c'est par train que voyage le produit. PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE Pour accéder à la manufacture, les employés doivent traverser un étroit passage qui permet d'éliminer tout résidu de saleté sur leurs vêtements. Les étapes : la chambre de propulsion d'air, le bassin d'eau pour nettoyer les semelles et le lavage des mains. 1 /10 Première étape, la préparation de la masse blanche — terme qui désigne le yogourt dans sa forme naturelle, sans arôme supplémentaire. L'ingrédient secret : le ferment, culture bactérienne qui fait que le yogourt… devient du yogourt. Ajouté à la recette de lait et de crème dans un réservoir, à une température plus élevée, il transforme le lactose en acide lactique et fait en quelque sorte épaissir le mélange. La gardienne de ces cultures, conservées dans des contenants ou des sacs, est une pièce remplie d'une vingtaine de congélateurs. Il s'agit là du véritable « cœur » de l'usine, souligne M. Crane, car chaque ferment est spécialement sélectionné pour obtenir le goût et la texture désirés pour un produit en particulier. Yogourt grec, yogourt brassé, yogourt à boire : sur la porte des congélateurs, une fiche indique quel type de culture ils renferment, et pour quelle marque. Nous nous rendons ensuite au « cerveau », soit la pièce qui fait office de centre de contrôle des machines ; environ cinq personnes y travaillent en permanence pour s'assurer du bon déroulement des opérations. À ce moment, on effectue aussi un premier contrôle de la qualité de la masse blanche. Mais à partir du moment où le produit est mis en pot, c'est 100 % automatisé. Même le chargement des camions ! Dan Crane, vice-président aux opérations de Danone Canada De fait, ce sont des machines qui nous ont accueillis pour le reste de notre visite. Moulage des pots, remplissage de masse blanche, ajout d'arôme, scellage des contenants, découpage des emballages… La production à la chaîne de toutes sortes de yogourts défile devant nos yeux. C'est finalement l'« autoroute du yogourt », un grand tapis roulant menant au chargement des commandes, qui conduit le produit à sa destination. À bien y penser, La Presse a rencontré une dernière employée avant de quitter les lieux, installée dans un laboratoire. Elle nous a expliqué qu'elle effectuait un dernier contrôle des produits, surtout en lien avec l'aspect physique des échantillons, afin d'ajuster les machines ou d'en améliorer l'efficacité pour la suite. PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE Le clou de la visite : la rencontre de l'employée chargée d'effectuer le dernier tour de piste afin d'améliorer le produit ou les procédés manufacturiers. Et, croyez-le ou non, l'une de ses tâches est aussi… de goûter tous les yogourts. « Les employés ici sont vraiment passionnés. Oui, ils viennent gagner leur vie, mais ils aiment vraiment le produit qu'ils fabriquent », commente M. Crane. À son avis, Danone Canada évoque la symbiose entre l'humain, les machines et le produit.


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6 days ago
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Des blagues tournent au drame
Plusieurs travailleurs se sont grièvement blessés en raison de blagues de collègues. Entre hurler de rire et hurler de douleur, la ligne est parfois mince. Des travailleurs sont blessés à vie à cause de blagues entre collègues qui ont mal tourné, un phénomène loin d'être anecdotique. « Je viens pour m'asseoir et je vois la rangée de casiers en acier me tomber dessus », s'est rappelé Éric Blanchet, la semaine dernière, en entrevue avec La Presse. « Quand j'ai voulu me relever, je me suis dit : ça n'a pas de bon sens. Je ne bouge plus. » PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE Éric Blanchet est devenu quadriplégique à la suite d'une mauvaise blague de ses collègues. M. Blanchet est quadriplégique – mains et jambes paralysées – depuis qu'il a été victime d'une mauvaise plaisanterie, dans un entrepôt de Provigo à Boucherville. Deux jeunes collègues s'amusaient à pousser les casiers du vestiaire des employés lorsque ceux-ci sont tombés sur Éric Blanchet, lui cassant trois vertèbres cervicales. L'histoire remonte à 2003. « J'ai une vie pareil. Mais ce n'est pas la vie que j'aurais voulue », a-t-il laissé tomber, depuis son fauteuil roulant motorisé. C'était juste une blague. Une blague qui a mal viré. Éric Blanchet Depuis l'accident d'Éric Blanchet, plusieurs autres travailleurs se sont grièvement blessés en raison de blagues de collègues. Carl Chayer travaillait dans une usine agroalimentaire, en 2010, lorsqu'un collègue s'est précipité vers lui, pour le faire rire. Son pied s'est coincé dans un convoyeur tout près, lui fracturant le genou. « J'ai vu des points noirs. J'ai failli perdre connaissance », s'est-il souvenu, en entrevue avec La Presse. Encore aujourd'hui, « j'ai beaucoup de problèmes avec mon genou. Quand je monte les marches, mon genou clique tout le temps ». « Des conséquences atroces » D'autres blessures dénombrées par La Presse font elles aussi grincer des dents. Parmi celles-ci : Des ouvriers de Pavage Axion, de Brossard, ont mis le feu au pantalon d'un collègue, lui infligeant des brûlures graves. Des employés du service des loisirs de la municipalité des Cèdres ont projeté une autre employée dans une piscine creusée, avec un jouet gonflable comme seule protection. Elle a souffert d'une entorse cervicale avec atteinte permanente. Un travailleur a donné un coup de casque à une employée d'Hydro-Québec pour blaguer. Elle a été victime d'un traumatisme crânien. Un remorqueur a actionné son puissant klaxon à air à trois pieds des oreilles d'un policier de Blainville, voulant faire une plaisanterie. Ce dernier a perdu connaissance, victime d'un traumatisme auditif. Un travailleur de l'usine Portes Milette, en Mauricie, a donné un coup de fusil à air comprimé sur les fesses d'un collègue. Ce dernier a été victime d'une perforation traumatique du rectum. Des travailleurs d'une épicerie de La Pocatière se sont amusés à feindre un vol à main armée dans le commerce. Une caissière en est sortie avec un choc post-traumatique. En 1995, un col bleu de Montréal a carrément été tué par un collègue qui a foncé sur lui avec un camion, avant de freiner un peu trop tard. Ces cas ne sont que la pointe de l'iceberg. Seuls quelques dossiers remontent à la surface chaque année et deviennent publics par l'entremise du Tribunal administratif du travail (TAT) en raison d'une mésentente entre l'employeur et la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Les autres sont traités administrativement et demeurent confidentiels. Elena Laroche, professeure spécialisée en santé et sécurité du travail à l'Université Laval et auteure du livre de référence sur le sujet, était étonnée en voyant la liste. « Vraiment, j'ai été surprise par la liste », a-t-elle affirmé, en entrevue téléphonique. « Il y a certains accidents qui ont eu des conséquences atroces pour les travailleurs. C'est vraiment malheureux. » Les accidents de travail qui découlent de blagues, « ça ne m'apparaît pas documenté » et absent de la recherche scientifique. Mme Laroche ne préconise pas l'élimination de toute forme d'humour dans les milieux de travail, loin de là. Mais les employés devraient peut-être garder leurs plaisanteries pour la pause, loin des sources de danger, ou encore se limiter à des blagues verbales. Il reste encore beaucoup de travail à faire en prévention et au niveau de la culture de prévention. Elena Laroche, professeure spécialisée en santé et sécurité du travail à l'Université Laval La CNESST a refusé la demande d'entrevue de La Presse. Après deux semaines d'attente, l'organisme a simplement envoyé un long texte explicatif général sur la santé et sécurité du travail, sans lien avec le sujet de cet article. Les poursuites civiles difficiles Me Marc Bellemare, ex-ministre de la Justice, a représenté des centaines d'accidentés du travail au fil de sa carrière. Certains d'entre eux ont été victimes d'une mauvaise blague au travail. « Je ne dirais pas que c'est une majorité de cas. Au contraire, c'est assez exceptionnel, mais ça se produit », a-t-il dit. Me Bellemare a souligné que le régime de protection de la CNESST limite de façon très importante la capacité d'un travailleur blessé à la suite d'une blague de poursuivre au civil les mauvais plaisantins. La loi interdit d'entreprendre des procédures légales contre son employeur ou un collègue pour les conséquences d'un accident de travail — sauf exception. Seuls les cas où un tiers (un employé d'un sous-traitant, par exemple) est responsable pourraient faire l'objet d'une poursuite. De toute façon, ces blessures ne posent pas d'enjeu particulier sur le plan de l'indemnisation, selon l'avocat. « Tout ce qui est considéré comme le résultat d'un évènement soudain et imprévu au travail peut être considéré comme un accident de travail, a-t-il dit. C'est la définition d'un accident. » La déclaration d'un collègue indiquant qu'il s'agissait d'une plaisanterie peut même renforcer la preuve quant à la survenance d'un accident.