3 days ago
Et si on traitait aussi le partenaire ?
La vaginose bactérienne est une condition très commune : une femme sur trois sera affectée au cours de sa vie. Et 66 % d'entre elles auront une récidive dans l'année suivante. Une nouvelle étude australienne propose une solution : et si on traitait aussi le partenaire ?
Mais, tout d'abord, qu'est-ce qu'une vaginose bactérienne ? « C'est un changement dans la flore bactérienne vaginale, explique Jacinthe Tremblay, infirmière clinicienne et coordonnatrice clinique au Centre de santé des femmes de Montréal. Une bactérie prend le dessus sur les autres. » Il peut y avoir des symptômes – pertes vaginales nauséabondes – ou non. Par contre, la ou les causes spécifiques ne sont pas encore connues. Et il ne faut pas confondre l'infection avec une vaginite à levure, qui est plutôt le résultat de la prolifération d'un champignon.
Le haut taux de récurrence de la vaginose bactérienne peut créer de la détresse chez les patientes atteintes, souligne le Dr Sean Yaphe, directeur médical de la clinique L'Actuel. « C'est frustrant et désespérant, certaines vivent avec des symptômes pendant des années », expose-t-il.
Il peut aussi être décourageant d'entreprendre un second traitement « de sept jours avec tous les effets secondaires potentiels », pointe Jacinthe Tremblay.
Le chaînon manquant
Cela explique pourquoi cette nouvelle étude de chercheurs de l'Université Monash, à Melbourne, publiée dans le New England Journal of Medicine plus tôt cette année, interpelle autant les professionnels de la santé. « C'est super intéressant parce qu'il y avait peu d'études sur le sujet et que cette recherche s'intéresse aussi aux partenaires », explique l'infirmière Jacinthe Tremblay. Une autre étude avait inclus les partenaires masculins, mais avait eu des résultats peu encourageants en les traitant avec seulement des antibiotiques oraux.
La récente étude a porté sur 164 couples hétérosexuels, dont la femme avait des symptômes d'une vaginose bactérienne. Ceux-ci ont été divisés en deux groupes. D'un côté, les femmes prenaient les antibiotiques recommandés sur une semaine, et les partenaires ne recevaient aucun traitement, ce qui correspond à la pratique recommandée mondialement. De l'autre côté, les femmes prenaient le traitement habituel, et les partenaires ont reçu un antibiotique oral et une crème antibiotique à appliquer pendant une semaine.
Les couples ont été suivis pendant 12 semaines à la suite de leur traitement pour déterminer l'efficacité de cette intervention pour la guérison.
Les résultats ont été impressionnants : dans le groupe de contrôle (où l'homme n'était pas traité), 63 % des femmes ont eu une récurrence alors que ç'a été le cas de seulement 35 % des femmes du traitement double. Les chercheurs ont même arrêté le test devant l'efficacité de l'intervention.
L'étude suggère ainsi que le partenaire masculin pourrait infecter sa partenaire, puisque la bactérie responsable de la vaginose bactérienne pourrait se déposer sur le pénis. « Que l'homme puisse transmettre la vaginose, c'est une possibilité, mais on remarque que des femmes développent des vaginoses sans avoir de rapports sexuels », nuance le Dr Sean Yaphe.
Celui-ci est donc prudent avant d'affirmer que la vaginose pourrait être une ITSS. « Ils l'ont traitée comme une ITSS, mais pas comme on l'entend pour une chlamydia ou une gonorrhée », illustre de son côté Jacinthe Tremblay.
Quelques angles morts
L'étude se révèle intéressante pour les « couples stables et monogames », évoque Jacinthe Tremblay, mais elle comporte plusieurs limitations. L'intervention ne s'est pas penchée sur les cas des couples homosexuels ou d'une femme qui aurait de multiples partenaires, fait savoir l'infirmière.
La recherche n'a pas détaillé non plus si les femmes avaient des stérilets en cuivre, un facteur de risque, ou si la récurrence était plus basse lorsque l'homme était circoncis, un facteur de protection.
« Il faut se fier aussi à la confiance des partenaires », ajoute-t-elle.
Les facteurs environnementaux, comme le matériel des sous-vêtements, le type de savon ou les crèmes utilisés ainsi que l'utilisation de condoms n'ont pas été pris en compte, dénonce pour sa part le Dr Sean Yaphe.
Et selon les deux experts, l'étude – qui durait trois mois – n'était pas assez longue. « Après 6 ou 12 mois, on ne sait pas s'il y a eu une récurrence », souligne Jacinthe Tremblay.
La santé de la femme au premier plan
Cette recherche fait partie des « études plus inclusives » qui pallient le manque d'études sur la santé des femmes, souligne le Dr Sean Yaphe. « Ça pousse les gens à faire plus de recherches dans le domaine », pense-t-il.
Déjà, le Centre de santé sexuelle de Melbourne, affilié à l'Université Monash, a changé sa pratique clinique pour traiter les couples affectés par une vaginose bactérienne. Le Dr Sean Yaphe se dit ouvert à changer sa pratique, mais il manque encore des données pour « affirmer que c'est le bon traitement », dit-il. « C'est un bon début », résume toutefois Jacinthe Tremblay.