03-08-2025
Fanny Cradock, la cruelle diva de la BBC
Odieuse, excentrique et flamboyante, elle régna non sans panache sur la cuisine britannique pendant vingt ans. Publié aujourd'hui à 14h12
Fanny Cradock, un physique loin des rassurants canons de la cuisinière télévisuelle.
DR
Non, toutes les marmitonnes télévisuelles ne sont pas rassurantes et rebondies. Preuve en est Fanny Cradock, la star culinaire de la BBC des sixties. Maquillage de clown névrosé, regard fiévreux, voix rauque et visage osseux, elle vous file les miquettes cette femme-là. Il faut la voir pincer nerveusement la peau d'une pauvre dinde avant de la cribler de coups de fourchette assassins pour imaginer ce qu'elle put faire subir à ses proches et collègues. Le pire, raconte-t-on.
Pourtant l'Angleterre l'adora. Et saliva devant ses recettes extravagantes, mais économiques, nappées de sauces louches et pleines de colorants alimentaires qui, en 2025, paraissent un brin… obsolètes. Il n'est pas impossible de penser que l'Albion d'alors avait des papilles en titane et une tendresse pour les Carabosse cabossées.
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Fanny est née en 1909 dans le Sussex. Le père, marchand de maïs et joueur invétéré, doit déménager sans cesse pour échapper à ses créanciers. La mère, volage, l'abandonne un an après sa naissance. À 17 ans, elle épouse un pilote de la RAF, qui s'en va crasher son avion quatre mois plus tard, la laissant veuve et enceinte. Bigame, elle se remariera deux fois en bidouillant son état civil. Et abandonnera maris successifs et enfants avant de rencontrer l'amour de sa vie, Johnnie Cradock, un major dans l'artillerie royale. Shows culinaires
Entre-temps, elle fait du porte-à-porte à Londres pour vendre des aspirateurs. Vivote de petits boulots. Puis entrevoit enfin la lumière grâce au «Daily Telegraph», qui l'embauche pour écrire des chroniques mode, beauté et cuisine. À la fin des années 40, elle et Johnnie se lancent dans des shows culinaires burlesques, en cuisinant live dans des théâtres avant de partager leurs recettes avec le public. Fanny joue l'épouse despotique; Johnnie, le mari nigaud et ivrogne. Gros succès. Ils remplissent le Royal Albert Hall en 1956.
Voilà comment Fanny glisse un orteil à la BBC, pour en devenir la diva culinaire deux décennies durant. Avec son Johnnie d'amant, elle se pavane en Rolls, se défonce aux médocs, se montre imbuvable avec ses collaborateurs. Snob, toxique et tonitruante, elle chute un soir de 1976 quand elle humilie en direct une humble ménagère lors d'un concours de cuisine amateur. Le public se braque. La télé la vire. Bye-bye la gloire.
Désargentée et solitaire, elle meurt d'un AVC en 1994 dans un modeste home du Sussex. Peau de vache sans doute, gâte-sauce peut-être, Fanny laisse le souvenir outre-Manche d'une flamboyance jamais égalée dans la télé culinaire. La Cruella du pudding a encore des fans soumis.
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Jérôme Estèbe dirige la rubrique culturelle et le supplément du week-end. Il couvre, en particulier, les sujets gastronomiques et œnologiques. Il est titulaire du prix du journalisme local de la Berner Zeitung millésime 2002. Plus d'infos
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