15-07-2025
Les logements en coliving trouvent preneurs à prix d'or
Marché de niche, ce mode d'habitat partagé, qui offre des appartements avec services, fait le plein malgré des prix souvent élevés.
Un grand salon avec cuisine, décoré façon brochure de magazine, un long couloir menant à des dizaines de chambres, le tout dupliqué sur plusieurs étages, une salle de sport, une salle de cinéma, un espace coworking… À Lyon, dans cet immeuble dédié au coliving, une forme de colocation gérée par une société privée - ici le constructeur Vinci avec son concept Bikube -, on est loin du joyeux bazar du film L'Auberge espagnole, plutôt dans une sorte d'hôtel branché rempli d'étudiants et de jeunes actifs.
Le bâtiment comporte une centaine de logements – principalement des studios, mais aussi quelques T2 et T3 - avec, à chaque étage, une ambiance et une décoration différente : Rock 70, Californie 1980… Chaque locataire y loue un logement avec services – internet, laverie, ménage en option – et partage les espaces communs. Le prix ? 940 euros pour un studio de 18 m2 avec salle d'eau et kitchenette, soit bien plus que ce qu'un locataire paierait pour louer un T1 sur le marché libre. « À Lyon, un logement meublé coûte 650 euros hors charges, confirme Damien Odin, directeur général adjoint de Vinci Immobilier résidences gérées. Mais il faut comparer ce qui est comparable. Les locataires profitent aussi de vastes espaces communs. Et lorsque l'on met bout à bout, les charges, l'électricité, le chauffage, internet, la laverie, cela monte très vite. »
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Un tarif élevé qui n'a pas empêché la partie coliving de l'immeuble - quelques étages sont aussi dédiés à l'hôtellerie - d'être occupée à 100 % quelques semaines après son lancement en novembre dernier. Un effet du manque criant de logements à Lyon, qui handicape les jeunes actifs et les étudiants qui débarquent dans la capitale des Gaules sans avoir de toit. « De façon générale, le coliving cible les nouveaux arrivants - actifs ou étudiants - qui n'ont pas de famille ou de réseau sur place, et qui cherchent là un logement temporaire avant de se stabiliser », constate Christophe Baudat, directeur général de Colosséum Invest, une société immobilière spécialisée dans le coliving.
Un marché très éclaté
Apparue dans les années 2000 sur la côte Ouest des États-Unis, l'offre répond à une demande qui était jusqu'alors pourvue par la colocation : une chambre pour quelques mois le temps de trouver un appartement ou de repartir dans une autre ville. Les exploitants, qui doivent gérer les chambres, profitent d'une souplesse inédite. Ce ne sont pas des baux meublés classiques d'un an ou de neuf mois (étudiants) qui sont signés. Les biens peuvent être loués au travers de contrats de résidents para-hôteliers, permettant à l'exploitant de rompre le contrat en cas de non-paiement. De quoi séduire les investisseurs immobiliers en quête de rendements - entre 5 et 6 %, selon JLL.
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Le parc français de coliving représente près de 19.000 lots, et près de 600 résidences selon le spécialiste immobilier JLL, qui a publié une étude sur cette activité fin 2024. Une goutte d'eau en comparaison des 240.000 logements étudiants, dont 175.000 gérés par le Crous. En France, le marché est très éclaté. On compterait aujourd'hui près de 72 opérateurs : parmi les principaux, Ecla, The Babbel Community, The Camp, Colonies, La Casa… « Le coliving reste une niche », indique Blaise Heurtaux, associé cofondateur de La Place de l'immobilier, un spécialiste des données immobilières.
Niche ou pas, il suscite des critiques. « Coliving, coliving, coliving » : dans une vidéo devenue virale, avec près de 100.000 vues en vingt heures en avril dernier, Ian Brossat, sénateur de Paris (PC), s'attaquait « au nouveau terme à la mode vendu à toutes les sauces par les pires spéculateurs immobiliers ». En cause : un immeuble, dont les locataires auraient été « chassés », pour être remplacés par des « étudiants étrangers », qui payent « 1000 euros pour 10 m2 ». Le sénateur, ancien « M. Logement » de la ville de Paris, promettait avant l'été une proposition de loi pour restreindre cette activité. Celle-ci n'a pas encore vu le jour. Certaines dérives existent, avec l'émergence de petits appartements gérés sur le modèle du coliving par des particuliers, qui cherchent à s'affranchir des règles de la location classique. Un phénomène qui a déjà attiré l'attention des associations de consommateurs ou de défense des locataires.
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