5 days ago
Comment le Canada peut attirer davantage de talents
Face à une nouvelle vague d'appels patriotiques en faveur du développement du secteur technologique canadien, des acteurs de l'industrie estiment qu'il existe des façons de mieux attirer et retenir les talents locaux ainsi que d'éliminer les obstacles à la croissance des entreprises.
Daniel Johnson
La Presse Canadienne
Sheldon McCormick, PDG de Communitech, un pôle technologique établi à Kitchener, en Ontario, a constaté un élan croissant autour de l'idée que le Canada doit « créer, acquérir et posséder davantage d'innovations » dans des domaines comme l'intelligence artificielle et les technologies de la santé.
Pour y parvenir, il faudrait protéger les données et la propriété intellectuelle, ainsi qu'attirer les talents nécessaires pour « ancrer la valeur économique ici, au pays », a-t-il ajouté.
Les défis pour attirer et retenir les talents soulignés par les acteurs du secteur technologique concernent la rémunération, le soutien gouvernemental et le coût de la vie.
Benjamin Bergen, président du Conseil des innovateurs canadiens, a souligné qu'il y avait eu une forte augmentation du nombre de talents technologiques américains venant au Canada pendant le premier mandat de Donald Trump, mais que cela ne semble pas avoir lieu actuellement.
« Je pense qu'une partie du défi réside simplement dans les nouvelles réalités économiques. Les embauches n'ont manifestement pas été aussi nombreuses que par le passé, a avancé M. Bergen. L'arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche n'est pas une stratégie pour notre secteur technologique. Cela peut être légèrement bénéfique, mais cela ne change pas grand-chose pour attirer des talents de qualité. »
Grace Lee Reynolds, PDG du pôle d'innovation MaRS Discovery District, observe cependant une tendance légèrement différente dans son univers technologique.
« De façon anecdotique, on a l'impression que de plus en plus de gens en parlent. On entend des anecdotes de personnes sur le point d'opérer ce type de changement », a-t-elle expliqué à propos des talents technologiques qui quittent les États-Unis pour le Canada.
« Il sera intéressant de pouvoir observer cela sur une plus longue période. Je pense que c'est vraiment crucial », a-t-elle précisé.
Le rôle des marchés publics
Selon M. Bergen, la réorientation des intérêts économiques du Canada permettrait au pays de bâtir et de développer des entreprises technologiques plus prospères, qui pourraient, à leur tour, attirer davantage de talents. Il a notamment mentionné que les marchés publics pourraient constituer un aspect crucial.
« L'une des raisons pour lesquelles la Silicon Valley est si unique est l'ensemble des marchés publics que le gouvernement américain a initialement conclus et continue de conclure avec les entreprises de la région », a indiqué M. Bergen.
En comparaison, le Canada acquiert moins ses propres solutions nationales, ce qui complique la croissance des entreprises, car elles ne reçoivent pas le même volume de commandes de la part du gouvernement, a-t-il ajouté.
Elaine Kunda, fondatrice et associée générale de Disruption Ventures, juge toutefois que les marchés publics ne constituent peut-être pas une solution universelle.
« Si l'on a l'impression que l'économie n'est pas en croissance et que les investisseurs investissent dans le secteur, les marchés publics ne résoudront pas les défis du secteur technologique. Au contraire, ils le rendent plus dépendant du gouvernement », a-t-elle déclaré.
Elle pense plutôt que le secteur bénéficierait grandement de crédits d'impôt pour les entreprises, qui inciteraient les gens à prendre davantage de risques.
Comparées aux entreprises technologiques canadiennes, les compagnies américaines ont beaucoup plus de facilité à lever des capitaux et à trouver des acheteurs pour leurs produits, selon M. Bergen.
Mme Lee Reynolds considère également l'accès au capital comme un obstacle à la croissance, le qualifiant de défi classique pour le Canada.
« Le capital, surtout à un stade précoce, est insuffisant pour permettre à son entreprise de croître et de prendre de l'expansion. Il n'y en a pas assez ici », a-t-elle estimé.
S'assurer de retenir les talents
Dans le contexte actuel, Mme Lee Reynolds croit qu'il est important de retenir les talents au pays, car les gens perçoivent les opportunités au Canada « du point de vue des valeurs ».
« Il faut alors parler de collaboration avec le gouvernement, ou de travail collaboratif au sein d'un écosystème, pour débloquer davantage de financement en démarrage afin de permettre aux entreprises de croître », a-t-elle affirmé.
Alors que les entreprises technologiques canadiennes s'efforcent de prendre de l'expansion, Lucy Hargreaves, PDG du groupe de réflexion spécialisé dans les technologies Build Canada, affirme que le défi consiste à attirer les meilleurs talents du monde entier et à empêcher les travailleurs locaux de quitter le Canada.
« La première chose à faire est de s'assurer que les personnes que nous avons ne partent pas. C'est formidable d'attirer de nouveaux talents au pays, mais nous avons des talents incroyables au Canada », a-t-elle soutenu.
« Chaque année, nos universités forment des diplômés extrêmement talentueux et compétents, notamment grâce à des programmes de renommée mondiale dans le domaine des technologies, comme ceux de Waterloo. La première chose à faire est donc de savoir comment les inciter à rester », a-t-elle souligné.
Selon Mme Hargreaves, la rémunération est un enjeu majeur pour les travailleurs du secteur technologique qui envisagent de déménager ou de rester au Canada.
« Les salaires jouent un rôle important. Si l'on considère les salaires actuels dans le secteur technologique et dans d'autres secteurs au Canada, ils ne sont généralement pas compétitifs. Il peut y avoir quelques exceptions, mais en général, les salaires ne sont pas compétitifs par rapport aux dollars américains offerts dans la Silicon Valley », a-t-elle mentionné.
Une étude menée en 2023 par The Dais, un groupe de réflexion de l'Université métropolitaine de Toronto, a révélé que les travailleurs américains du secteur technologique gagnaient en moyenne 122 604 $, tandis que les travailleurs canadiens du même secteur gagnaient en moyenne 83 698 $.
Après ajustement pour tenir compte du taux de change et du coût de la vie, l'étude a révélé que les travailleurs américains du secteur technologique gagnaient environ 46 % de plus.
« Le coût de la vie au Canada n'est pas beaucoup moins élevé, a rappelé M. Bergen. Et souvent, nos entreprises membres nous disent qu'elles cherchent peut-être à embaucher ou à faire venir un excellent directeur technique ou directeur financier. Mais franchement, le coût de la vie est plus élevé ou équivalent à celui d'autres grandes juridictions. »
Selon lui, les entreprises canadiennes cherchant à attirer des talents américains pourraient devoir payer « beaucoup plus » pour compenser les problèmes liés au coût de la vie et à la faiblesse du dollar, qui a créé un « écart de plus en plus grand ».
Dans l'ensemble, il a avancé que certaines « personnes extrêmement talentueuses » pourraient choisir de travailler au Canada en fonction des valeurs du pays, mais il aimerait que le gouvernement renforce les possibilités de réussite des entreprises technologiques nationales.