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24 Heures
13-07-2025
- Science
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Voici à quoi pourrait ressembler la prévention de demain
Aujourd'hui, la prévention est le parent pauvre de la santé en Suisse. Quatre experts évoquent des pistes pour agir dans le domaine. Publié aujourd'hui à 13h28 La prévention il y a vingt ans: un atelier de sensibilisation à l'alimentation, dans une classe vaudoise en 2006. Et qu'en sera-t-il dans quelques années? Arnold Burgherr/VQH En bref: Dans une étude, Deloitte Suisse estime qu'en mettant davantage l'accent sur la prévention , la Suisse pourrait réduire ses dépenses de santé de 30 milliards de francs par année en 2040. De quoi fortement atténuer la hausse de la facture annoncée pour les prochaines années. Mais aujourd'hui, la Suisse investit peu dans le domaine. Quatre experts évoquent des pistes d'avenir. Miser sur le groupe Valérie d'Acremont, médecin et épidémiologiste à Unisanté, ne croit pas à la médecine personnalisée basée avant tout sur la technologie, qu'elle voit «comme une dépossession du patient dans sa capacité à décider et agir sur la base de ses valeurs». Par contre, elle défend une «vraie prévention populationnelle, où des personnes agissent ensemble». Valérie d'Acremont, médecin et épidémiologiste à Unisanté, Lausanne. PATRICK MARTIN/24HEURES La médecin soutient notamment les programmes dans lesquels des gens font du sport en groupe ou arrêtent de fumer en même temps. «Cette notion collective permet d'avancer avec le soutien des autres. Le coaching réalisé en groupe, avec le plaisir de se retrouver et sans passer par la moralisation, fonctionne.» La professeure cite une étude australienne publiée en 2024, pour laquelle 6600 patients ont été suivis durant trois ans. «Elle montre que la combinaison de toute une série de mesures préventives (contrôles de santé, cours, discussions de groupe, soutien à la nutrition, activité ou méditation…) a permis d'améliorer la santé des patients en peu de temps.» En trois ans, les hospitalisations, l'obésité et la détresse psychologique ont significativement baissé. Développer les diagnostics L'oncologue Solange Peters espère que, dans les prochaines années, des tests génétiques permettront de détecter des cancers extrêmement débutants . «Des outils existent déjà, mais pour l'instant, ils ne sont pas assez précis. Ils comportent un risque de fausse réassurance ou de fausse positivité – tous deux non désirables et complexes. Mais le développement technique pourrait bientôt permettre des utilisations standardisées», assure-t-elle. Solange Peters, cheffe du service d'oncologie médicale du CHUV et présidente d'Oncosuisse. Yvain Genevay/Tamedia En attendant, la Lausannoise insiste sur l'importance du dépistage du cancer. «Des études montrent l'efficacité du screening généralisé à l'entier des populations cibles (pour le cancer du col de l'utérus, du sein, du colon et bientôt du poumon). Mais en Suisse, certains cantons n'ont toujours pas de tels programmes. Il faudrait peut-être aussi réfléchir à commencer ces campagnes chez des personnes plus jeunes .» Dans les deux cas, l'idée sous-jacente est la même: avec un dépistage précoce, une chirurgie peut souvent suffire pour guérir. «Le problème, ce sont les cancers découverts parce qu'une personne présente des symptômes. Il est alors plus difficile de les éradiquer. Le risque est aussi qu'ils se transforment en maladie évolutive, disséminée, ou au mieux chronique pour un certain temps.» Créer de nouvelles incitations Diego Taboada, directeur romand du laboratoire d'idées d'inspiration libérale Avenir Suisse, relève qu'en étant payés en fonction des actes qu'ils pratiquent, les médecins n'ont pas les incitatifs financiers à garder leurs patients en bonne santé et à agir dans le sens de la prévention. Diego Taboada, directeur romand d'Avenir Suisse. Linda Pollari Il cite en exemple les systèmes dits de capitation, dans lesquels un groupe de médecins reçoit une enveloppe annuelle pour soigner un groupe de patients définis, en fonction de leur profil de risque. «Ils doivent ensuite allouer les ressources de la meilleure façon possible. Cela pousse à développer une approche holistique pour garder les gens en bonne santé – ce qui améliore la qualité pour le patient.» L'économiste mentionne également une assurance d'Afrique du Sud qui récompense les personnes adoptant un comportement plus sain. «Cette récompense n'est pas liée au résultat absolu, mais aux progrès réalisés par rapport à leur situation de départ. Un non-sportif gagne un avantage en commençant à pratiquer du sport. Ce type de modèle doit bien sûr toujours être choisi librement par l'assuré.» Développer la prévention personnalisée À Genève, les HUG lancent en 2026 Sofia, un projet d'intelligence artificielle destiné aux malades chroniques. Ceux-ci pourront poser des questions médicales à un chatbot. On les aidera à prendre leurs médicaments, pour éviter les erreurs. En outre, des outils vont mesurer la pression artérielle ou le taux de sucre dans le sang pour donner des conseils. Idris Guessous, membre du comité de direction de la Société suisse de médecine interne générale (SSMIG) et médecin-chef de service aux HUG. VQH/Vanessa Cardoso «La prévention traditionnelle, avec des messages simples destinés au plus grand nombre, peine à changer les comportements. On ne peut pas résumer les gens à quelques facteurs typiquement utilisés en prévention, comme l'âge ou le sexe», argumente Idris Guessous, médecin-chef aux HUG. Il veut au contraire développer une prévention personnalisée, qui tienne compte du comportement et des contingences de chacun. «Le système pourrait par exemple dire à une personne que si, durant une période, elle manque de temps pour faire du sport parce qu'elle a un dossier à rendre, elle pourrait mettre l'emphase sur son alimentation», détaille-t-il. L'idée est aussi de récolter des données pour savoir ce qui fonctionne chez chaque patient et à quel moment. Autres articles sur la prévention Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Caroline Zuercher est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2005. Elle couvre en particulier les sujets liés à la santé et à la politique de santé. Auparavant, elle a travaillé pour Swissinfo et Le Matin. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
13-07-2025
- Business
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La prévention pourrait réduire les coûts de la santé de 30 milliards en 2040
Deloitte prévoit une hausse importante de la facture. Mais assure qu'une réorientation globale des soins permettrait d'atténuer nettement le choc. Publié aujourd'hui à 13h27 Un robot assistant LIO aide un professionnel de la santé à réaliser des exercices de gymnastique. KEYSTONE/Gaetan Bally En bref: «Si l'accent était davantage mis sur la prévention, les dépenses de santé en 2040 pourraient être inférieures de 30 milliards de francs par année.» Ce propos-choc figure dans une étude récente de Deloitte Suisse consacrée aux évolutions de la santé et de la longévité. Prévenir plutôt que guérir. L'objectif, pour les experts de l'entreprise d'audit et de conseil, n'est pas uniquement de vivre plus longtemps, «mais aussi et surtout de vivre en meilleure santé». Ils préconisent une recette qui va au-delà des conseils d'hygiène de vie, avec «une réorientation globale des soins de santé». Bien que la recette n'empêche pas la hausse des coûts, due notamment au vieillissement de la population, elle contribuera à la réduire. La facture était de 87 milliards de francs en 2019. Selon les calculs de Deloitte, elle passerait à 163,5 milliards en 2040 si l'on ne changeait pas de conception, contre 131,2 milliards en mettant l'accent sur la prévention. Ce résultat est obtenu avec un modèle développé par Deloitte aux États-Unis, adapté à la Suisse sur la base des données 2019. Selon Alexander Mirow, responsable du secteur des sciences de la vie et des soins de santé chez Deloitte Suisse, les économies proviennent d'une baisse des dépenses liées aux thérapies et à la rééducation. Alexander Mirow, responsable du secteur des sciences de la vie et des soins de santé chez Deloitte Suisse. DR Trente milliards, est-ce faisable? Alexander Mirow reconnaît que «dans un système de santé fragmenté comme celui de la Suisse, cela reste ambitieux, mais pas impossible – surtout si les avantages du système sont visibles au fil des ans». Idris Guessous, membre du comité de direction de la Société suisse de médecine interne générale (SSMIG) et médecin-chef de service aux HUG, abonde: «Réduire cette hausse me paraît possible, malgré la nature approximative de l'étude.» Pour lui, cette analyse montre en tout cas que «pour éviter une augmentation trop importante, il faut miser sur la prévention». De quoi interpeller Promotion Santé Suisse . La fondation, soutenue par les cantons et les assureurs et mandatée par la loi, ne chiffre pas les économies potentielles au niveau global. Sur la base des études à disposition, elle estime néanmoins que les maladies non transmissibles coûtent chaque année 52 milliards à notre système de santé, ce qui représente 80% des dépenses. Selon Chloé Saas, sa cheffe des relations publiques, la prévention pourrait éviter certaines de ces maladies. C'est quoi, au juste, la prévention? Tous s'accordent à dire que la promotion de la santé permet des économies, sans forcément commenter le montant avancé par Deloitte. Mais de quelle prévention parle-t-on? Ce terme n'est pas clairement défini. On peut y intégrer l'information du public, l'éducation des plus jeunes, des paramètres sociaux, économiques, environnementaux… Deloitte défend une prévention utilisant l'intelligence artificielle, les applications favorisant un mode de vie sain, des nouvelles méthodes de diagnostic comme le séquençage ADN ou des solutions liées au marché de longévité. Idris Guessous salue ce tournant «technologique»: «La digitalisation des soins et l'intelligence artificielle sont d'autant plus importantes que nous avons toujours plus de peine à recruter le personnel nécessaire dans la santé, et qu'il ne peut souvent plus se consacrer en priorité au patient», argumente le médecin. Cette vision ne fait cependant pas l'unanimité. «Personnellement, je trouve que nous faisons trop de médecine technologique, souvent sans avoir la preuve de sa valeur ajoutée, ce qui est délétère pour le patient, augmente inutilement les coûts de la santé, exige trop de personnel et nuit à l'environnement», réagit Valérie D'Acremont, médecin et épidémiologiste à Unisanté. Yannis Papadaniel, professeur à la Haute École de travail social et de la santé Lausanne (HETSL), ne croit pas à la médecine personnalisée: «Cela reste une médecine basée sur la probabilité génétique (et non sociale) de développer une maladie. C'est certes une forme de prévention, mais elle exige des moyens techniques considérables et des données dont la récolte reste très incertaine.» La Suisse est loin du but Sur le terrain, on est loin d'atteindre l'objectif prôné par Deloitte. «En Suisse, de façon générale, nous misons davantage sur la responsabilité individuelle», confirme Chloé Saas. Dans cette perspective, le Conseil des États a enterré en 2012 la loi fédérale sur la prévention, qui avait pour but d'établir une stratégie nationale. Et la Suisse n'a consacré qu'environ 1,8% des coûts de la santé à ce poste en 2023 (comparaison avec l'ensemble des coûts de la santé, pas uniquement ceux à la charge de l'assurance de base). Une proportion qui reste relativement stable depuis 2010, si l'on exclut le saut enregistré durant les années Covid. Des coupes ont en outre été annoncées, dans le cadre du programme d'économies de la Confédération. «La prévention est effectivement l'un des derniers secteurs où l'on agit, soupire Solange Peters, médecin cheffe du Service d'oncologie médicale au CHUV. Le problème est que des investissements sont nécessaires urgemment, à court terme, pour des effets qui ne se mesureront que sur le long terme.» La présidente d'OncoSuisse ajoute qu'«on ne se heurte pas seulement à des habitudes, mais aussi à des systèmes rigides». Un exemple? «Concernant la limitation de la publicité pour le tabac , nous devons réellement lutter pour simplement protéger les gens.» D'autres observateurs critiquent le manque d'incitatifs dans le domaine. Martine Ruggli, présidente de la Société suisse des pharmacies, relève que, comme les assurés changent régulièrement de caisse maladie, ce n'est pas la priorité de les garder en bonne santé. «C'est d'autant plus vrai que beaucoup de prestations liées à la prévention ne peuvent pas être rémunérées car elles dépassent le cadre de la LAMal», regrette-t-elle. Des assurances plus actives que d'autres Certaines assurances seraient malgré tout plus actives que d'autres. Cependant, Martine Ruggli mentionne un autre problème: «Nous avons en Suisse un fonds permettant de subventionner des projets, mais ceux-ci doivent à terme trouver des alternatives pour s'autofinancer.» La Suisse sera-t-elle prête à mettre plus de moyens, et à encourager les conditions qui permettraient d'améliorer la santé des citoyens? Même si elle note que des progrès ont été réalisés, notamment dans la santé au travail ou la prise en compte de la santé psychique, Chloé Saas n'en est pas certaine: «Changer de comportement, c'est difficile. J'ai l'impression que la thématique de la prévention revient régulièrement sur la table, notamment quand on comprend que les primes d'assurance maladie vont encore une fois augmenter. Mais ensuite, on oublie vite.» Autour de la prévention santé Caroline Zuercher est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2005. Elle couvre en particulier les sujets liés à la santé et à la politique de santé. Auparavant, elle a travaillé pour Swissinfo et Le Matin. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.