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Sommes-nous trop compétitifs ?
Sommes-nous trop compétitifs ?

La Presse

time20-07-2025

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Sommes-nous trop compétitifs ?

Si on est toujours dans la compétition, même dans nos loisirs, on peut avoir un problème de confiance et d'estime de soi, souligne le psychiatre Frédéric Fanget. La culture de la compétition et de la performance dans notre société ne date pas d'hier, mais elle peut parfois être à double tranchant Dans notre société axée sur la performance, peut-on encore courir ou jardiner pour le simple plaisir, sans rivaliser avec les autres ni montrer nos exploits ? Sommes-nous toujours dans un modèle de compétition en tout temps ? « On a hérité ça des Grecs ! Ça fait penser à la culture de la compétition en Grèce antique, la culture de l'Agon qui est une culture de la compétition sportive, intellectuelle, artistique. L'esprit de compétition se trouve à l'origine de la grandeur de la culture grecque, car la compétition pousse à l'excellence, au progrès et à l'innovation », croit Isabelle Chouinard, professeure de philosophie à l'UQAM. Selon elle, il y a clairement des origines culturelles lointaines à toujours vouloir se mesurer à autrui et rivaliser avec les autres. « Il y a de nombreux concours dans notre société, des concours sportifs, littéraires, gastronomiques, philosophiques, animaliers, les Oscars, les Félix, les Gémeaux, etc. Remporter un trophée ou une médaille, ça envoie le message qu'il faut être le meilleur, quel que soit le domaine, et on reproduit cela dans notre vie personnelle. » PHOTO ÉDOUARD DESROCHES, LA PRESSE Isabelle Chouinard, professeure de philosophie à l'Université du Québec à Montréal (UQAM) Attention, si on est toujours dans la compétition, même dans nos loisirs, on peut avoir un problème de confiance et d'estime de soi, souligne le psychiatre Frédéric Fanget. Il est toutefois normal, selon lui, de se prouver des choses à soi-même et on va tous à un moment donné dans notre vie prouver qu'on vaut quelque chose. Ce n'est alors pas pathologique. Si vous vous mettez à courir à 40 ou à 50 ans pour prouver que votre corps est encore capable, vous êtes dans une performance par rapport à vous-même. À condition que l'effort que vous faites reste un plaisir. Frédéric Fanget, psychiatre Ce qui compte, à ses yeux, c'est de connaître ses forces et ses faiblesses, et de ne pas viser l'inatteignable. « La performance, si c'est dans nos capacités, c'est bien pour notre santé mentale. Mais au-delà de nos compétences, on va être dans la souffrance. » L'aspect social Jocelyne Planche, 52 ans, participe à une ou deux courses organisées par année. Elle estime ne pas être une personne compétitive dans la vie, mais pour le sport, le sentiment de dépassement de soi entre en jeu. « Lors d'une compétition, tu as des sensations que tu n'as jamais eues auparavant, la vitesse, ton corps en mouvement, tes muscles en action. C'est incroyable, tu défies les limites de ton corps, tu le pousses au maximum, et la sensation est extrême, estime-t-elle. Ce n'est pas comme un petit jogging du samedi. » PHOTO FOURNIE PAR JOCELYNE PLANCHE Jocelyne Planche lors du demi-marathon d'Ottawa « Il y a un sentiment de communauté et de connexion très fort lors de ces évènements, ajoute-t-elle. Les gens avec qui tu cours deviennent des amis. Des groupes se créent, on se fixe des objectifs et on se retrouve en compétition ! » Il ne faut pas oublier l'attrait des réseaux sociaux. « On veut montrer nos exploits, ce qui crée une culture de performance qu'on retrouve dans d'autres sphères de nos vies. Par exemple, des parents sont dans la compétition et souhaitent que leur enfant soit toujours le meilleur », explique Fannie Valois-Nadeau, professeure en études culturelles et médiatiques à l'Université TELUQ. Cette mise en scène de la performance est omniprésente. « On aime recevoir des likes et être encouragé. Il y a aussi le phénomène des défis sportifs, des communautés se créent via les réseaux sociaux. » On court pour la bonne cause, on va participer à des collectes de fonds et à un défi physique. C'est une tendance qu'on observe de manière croissante, depuis 15 ans. Fannie Valois-Nadeau, professeure en études culturelles et médiatiques à l'Université TELUQ La professeure évoque aussi la culture matérielle qui s'est développée à travers la mise en marché d'équipements de sport à la fine pointe. Car on ne va pas courir en vieux jogging, on s'équipe (leggings, shorts, chaussures), ce qui accroît le côté compétitif. « Avec l'apparition des applications et des montres intelligentes, on va encore plus loin. Les données sont quantifiées sur notre course, et ces outils ont un effet aussi sur notre esprit de compétition. C'est très contemporain et cela concerne les gens les plus favorisés de la société. Il y a un statut de classe sociale qui vient avec la volonté de performer », précise Fannie Valois-Nadeau. Conditions favorables On peut toutefois se soustraire au modèle dominant de la performance, selon le psychiatre Frédéric Fanget. « Vous n'êtes pas obligé de vous soumettre aux diktats sociaux. On ne vous impose pas le modèle de performance, mais on y répond. Il faudrait éviter de pratiquer un loisir pour épater les autres. On ne se met pas à jardiner avec l'objectif d'avoir le plus beau jardin du monde et le souhait qu'il soit admiré par tous, on jardine pour notre plaisir », estime l'auteur de La confiance en soi – Comment croire en vous. PHOTO PHILIPPE QUAISSE, FOURNIE PAR LES ÉDITIONS LES ARÈNES Frédéric Fanget, médecin psychiatre et psychothérapeute français Tout le monde ne prend évidemment pas le chemin de la compétition, mais les conditions y sont favorables. « Il y en a pour qui courir avec de la musique est suffisant. Mais les outils sont là pour nous pousser vers la compétition », observe Fannie Valois-Nadeau. Même chez les enfants. « Le simple fait de jouer pour le plaisir devient de plus en plus difficile dans les sports d'équipe. Les fédérations sportives commencent à en prendre conscience et perdent beaucoup de jeunes qui auraient aimé continuer de pratiquer un sport sans être dans la compétition. » Nous sommes poussés à la compétition par défaut, car c'est profondément ancré dans notre culture, rappelle Isabelle Chouinard. Même dans les débats démocratiques, les arguments sont mis en compétition. « On vise l'excellence, et c'est par le jugement des autres qu'on va atteindre la victoire, la gloire et les honneurs et socialement. C'est ce qu'on valorise. »

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