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7 days ago
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Postes Canada peut et doit changer pour survivre
Le monde a changé, mais Postes Canada n'a pas su s'adapter. Gabriel Giguère Analyste senior en politiques publiques à l'Institut économique de Montréal Depuis 2018, la société d'État a accumulé plus de 3,8 milliards de dollars de déficits1. Alors que le marché des colis est en plein essor, l'entreprise est restée campée sur une stratégie axée sur de vains espoirs de relance d'un marché de la lettre, en contraction depuis plus d'une décennie. D'un sommet de 5,5 milliards en 2006, le nombre de lettres envoyées par les Canadiens était passé à environ 2 milliards l'an dernier. Et du côté des colis, le portrait n'est pas plus rose. Entre 2019 et 2024, par exemple, la part de marché de Postes Canada dans la livraison de colis a fondu, passant de 62 % à 24 %. C'est notamment pour cette raison que le gouvernement fédéral a été contraint de débourser un peu plus de 1 milliard de dollars de fonds publics afin que Postes Canada puisse demeurer en activité cette année. Les choses ne vont pas en s'améliorant non plus. L'année 2024 a marqué le septième déficit d'affilée de la société d'État. En croissance au cours des dernières années, il s'est établi à 841 millions de dollars l'an dernier2. Il est donc clair que les choses doivent changer chez Postes Canada, sans quoi l'entreprise fonce droit dans le mur. L'entreprise n'est pas le premier service postal d'État à se trouver dans cette situation. Vers la fin des années 1980, le service postal allemand faisait face à des problèmes structurels similaires. Au lieu de revoir ses structures sclérosées, le monopole public ne faisait qu'augmenter le prix du timbre année après année afin de couvrir ses dépenses grandissantes. Le résultat pour le consommateur : une augmentation régulière des prix, sans amélioration du service. Cela vous semble familier ? Reconnaissant que les choses devaient changer, le gouvernement a entamé une série de réformes visant d'abord à ouvrir le marché postal à de nouveaux acteurs, puis à désétatiser son service postal. Si les réformes ont d'abord été timides – avec seulement 3 % du marché postal ouvert à la concurrence en 1997 –, les choses se sont accélérées par la suite, au point que la Deutsche Post ne détient plus de monopole légal sur aucun produit depuis 2008. Simultanément, le gouvernement allemand a amorcé la désétatisation progressive de la Deutsche Post, en ouvrant progressivement l'actionnariat de la société, jusqu'à n'y conserver aujourd'hui qu'une participation minoritaire de 16,99 %. Les effets de ces réformes ne se sont pas fait attendre. Aujourd'hui, les consommateurs allemands sont servis par près de 400 entreprises différentes fournissant l'ensemble de la gamme de services postaux et plus de 11 000 offrant des services partiels. Bien que la Deutsche Post ait conservé une position dominante dans le marché des lettres, ses concurrents limitent ses ardeurs de hausses tarifaires, si bien qu'aujourd'hui, l'envoi d'une lettre coûte 10 % de moins qu'en 1989, une fois l'inflation prise en compte. À titre de comparaison, l'envoi d'une lettre ordinaire coûte aujourd'hui près de 50 % de plus aux entreprises et aux consommateurs canadiens soumis au monopole de Postes Canada. Le service, quant à lui, ne semble pas avoir souffert, puisque l'ensemble des services postaux allemands se classent mieux que ceux d'une majorité de pays européens en matière de rapidité de livraison. Le Canada devrait prendre exemple sur ces réformes réussies – et les adapter à notre contexte local – afin de permettre à notre service des postes de s'adapter aux réalités du XXIe siècle. Une telle approche impliquerait l'ouverture progressive de l'actionnariat de Postes Canada afin que ses employés, puis les Canadiens en général, puissent en devenir propriétaires. En donnant ou en vendant une part de l'actionnariat en priorité aux travailleurs des postes, par exemple, le gouvernement fédéral permettrait de mobiliser ces employés pour cerner et éliminer les sources d'inefficacité dans les opérations, puisqu'ils bénéficieraient directement des économies générées. Par ailleurs, dans le contexte canadien, le gouvernement devrait viser le retrait progressif du monopole de Postes Canada sur les lettres ordinaires, permettant aux consommateurs ainsi qu'aux petites et grandes entreprises du pays de tirer profit des pressions à la baisse sur les prix du service qu'engendrerait l'arrivée de nouveaux concurrents. Le monde a changé, tout comme les besoins en services postaux. Si Postes Canada veut survivre, elle doit changer, elle aussi, pour s'adapter aux réalités d'aujourd'hui. 1. Lisez « Delivering Canada Post's future : less support for privatization, but appetite exists for big changes » (en anglais) 2. Consultez le rapport annuel 2024 de Postes Canada Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue


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09-07-2025
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Une province, 90 % des grèves
Piquetage d'employés de la Société de transport de Montréal, le 9 juin La multiplication des arrêts de travail au Québec atteint des records et le ministre du Travail, Jean Boulet, a raison de vouloir les limiter, estime l'analyste Gabriel Giguère Gabriel Giguère Analyste senior en politiques publiques à l'Institut économique de Montréal (IEDM) Si vous avez l'impression que les grèves sont de plus en plus courantes ces dernières années, vous n'avez pas la berlue. En 2023, le Québec a enregistré un record de 691 arrêts de travail1, dont la quasi-totalité a pris la forme de grèves, fracassant ainsi le record précédent de 384 arrêts de travail établi en 1974 à l'époque de la commission Cliche. En 2024, le record a été battu de nouveau, avec 759 arrêts de travail recensés dans la province. Et pour les deux premiers mois de 2025 seulement, les Québécois et les Québécoises en ont déjà subi 378. Jamais, depuis 1946, les grands syndicats n'ont-ils autant restreint l'accès aux services de la population québécoise. Et si ces données sont alarmantes en soi, la comparaison avec les autres provinces canadiennes l'est encore davantage. Alors que le Québec ne représente que 22 % de la population canadienne, ses citoyens et ses citoyennes ont été la cible d'environ 90 % des arrêts de travail au pays au cours des trois dernières années. La quasi-totalité de ces arrêts a été des grèves. Un pas dans la bonne direction Dans ce contexte, le ministre du Travail, Jean Boulet, a cru bon de passer à l'action pour éviter que les Québécois et les Québécoises soient constamment pris en otage par les grands syndicats et leurs revendications2. Et son intervention marque un pas important dans la bonne direction. Comme le reconnaît le ministre, ces arrêts de travail, ces grèves, affectent directement la qualité et la disponibilité des services à la population. PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE Le ministre du Travail, Jean Boulet On se souviendra des fermetures d'école à la fin de 2023, et du casse-tête qu'elles ont occasionné pour les parents. C'est sans compter les effets néfastes d'un calendrier condensé sur l'apprentissage des élèves. Plus récemment, les grèves dans les centres de la petite enfance du Québec ont contraint de nombreux parents à rester à la maison alors qu'ils devaient travailler. Les grèves dans le secteur des transports en commun ont aussi réduit l'accès à des services sur lesquels une part non négligeable de la population compte pour se déplacer et gagner sa vie. Cette multiplication des grèves a des conséquences bien réelles pour les Québécois et les Québécoises. L'objectif du projet de loi 89, présenté par le ministre Boulet un peu plus tôt cette année, est de répondre à ces abus en permettant au gouvernement de désigner un plus grand nombre de services comme essentiels – et donc d'exiger qu'un certain accès soit maintenu en cas de grève – tout en protégeant le droit de grève des travailleurs et des travailleuses. Devant cette pièce législative, la présidente de l'une des grandes centrales du Québec a adopté un langage plus radical, allant jusqu'à dire qu'il fallait « traquer des ministres ». Malgré cela, le projet de loi 89 a été adopté par le ministre Boulet. L'adoption de ce projet de loi marque un pas dans la bonne direction et indique la volonté politique du gouvernement de rééquilibrer le rapport de force avec les syndicats. Car il est très clair que, pour les syndicats, la grève n'est plus un dernier recours. Après tout, n'est-il pas anormal que les citoyens et les citoyennes d'une seule province soient la cible de 90 % des arrêts de travail au pays ? Voilà une distinction dont le Québec se passerait bien. 1. Lisez « Le Québec face à la forte augmentation des grèves syndicales » 2. Lisez la transcription d'une conférence de presse du ministre du Travail Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue