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Sur les rails 4/6: avec le Gornergrat Bahn vers un panorama à vingt pics de 4000 mètres
Depuis Zermatt, le train historique attire une foule cosmopolite, été comme hiver. Force des paysages oblige, la magie est toujours au rendez-vous. Publié aujourd'hui à 09h27
La vue imprenable sur le Cervin explique largement le succès de la ligne de chemin de fer reliant Zermatt au Gornergrat, notamment auprès des touristes étrangers.
Florian Cella / Tamedia
En bref:
Le train s'éloigne de la gare Zermatt-Gornergrat pour gravir la pente parsemée de mélèzes. On passe au-dessus du village de Zermatt et soudain, le Cervin surgit comme un croc abandonné par un prédateur géant. Dans le train, les passagers se lèvent pour immortaliser la vue.
Le Cervin … Alors que le reste du pays suffoque sous la canicule, son sommet est dissimulé par une écharpe de nuages. En ce début de mois de juillet, loin d'arborer sa pureté hivernale, la montagne se pare d'un éventail de couleurs sombres, allant du gris à un noir aux reflets verts. Des zébrures de neige blanche dessinent les lettres d'une écriture inconnue. «Un million de passagers»
Avec environ deux millions de visiteurs par an, Zermatt est l'une des destinations les plus prisées de Suisse. «Au Gornergrat, on a entre 2000 et 5000 voyageurs par jour, selon que c'est l'été ou l'hiver. Des fois, ce n'est plus tenable», soupire un employé au guichet de la gare.
Si on établit la moyenne à 3000 passagers par jour, le Gronergrat Bahn transporte donc plus d'un million de personnes par an.
Florian Cella / Tamedia
Si on établit la moyenne à 3000 visiteurs par jour, on dépasse donc le million de voyageurs par an. En lisant les commentaires postés en ligne, on tombe inévitablement sur des descriptions de montées «en bétaillère» peu agréables. «Impossible de se rapprocher des fenêtres!», tempête un internaute. Vous avez dit tourisme de masse?
Coup de chance, ce jour-là, la fréquentation est raisonnable. Collés à la vitre, Lan et Ryo ne sont pas les derniers à apprécier le paysage. À peine la trentaine, c'est un jeune couple d'origine asiatique tout droit arrivé de la côte ouest du Canada. Tout les frappe, par rapport à leur pays, qui n'est pourtant pas avare de montagnes: «Les sommets sont plus hauts, plus impressionnants», explique Ryo. «Chez nous, la montagne, c'est un paysage inhabité. Mais pourquoi ont-ils construit là-haut?», dit-il en pointant des mazots et des écuries perchés en haut des alpages.
On se lancerait volontiers dans un exposé sur l'économie alpine depuis le Moyen ge, fondée sur l'élevage, l'exportation des fromages et des mercenaires, qui finance l'importation du sel et de l'or. Mais le voyage est court. Depuis Zermatt, il faut 38 minutes pour rejoindre le sommet à 3100 mètres d'altitude.
Le promontoire situé au terminus est pris d'assaut: le panorama qui s'y dévoile est particulièrement saisissant.
Florian Cella / Tamedia Vingt «4000 mètres» dont le Cervin
Faut-il s'étonner qu'en haut de la tour de Babel, on parle toutes les langues? Dans le train, le coréen, le japonais et le chinois dominent nettement. On entend quelques mots d'anglais. Où sont les Suisses? On en repère quelques-uns à coup sûr, comme ce barbu qui taille sa saucisse séchée avec son Victorinox.
Arrivé au Gornergrat, les portes s'ouvrent et les voyageurs se précipitent. Environ 200 personnes en rejoignent le double, qui déambule déjà autour du Kulmhotel, l'hébergement historique du sommet, avec ses coupoles rappelant sa mission originelle d'observatoire astronomique. Une partie du public s'engouffre dans une exposition permanente sur la montagne, assez réussie, tandis que le reste contourne l'hôtel pour rejoindre le promontoire d'observation situé juste derrière.
Le paysage est magnifique. Plus ouvert et spectaculaire qu'à la Jungfrau, puisqu'on peut observer aux alentours 20 sommets de plus de 4000 mètres. On les identifiera facilement… si on a téléchargé sur son smartphone une application, comme Peakfinder. Juste à côté du promontoire, un glacier épuisé laisse couler six langues de glace en direction de la vallée.
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On retrouve sans peine les paysages décrits par Mark Twain en 1880 dans « Un vagabond à l'étranger ». Après une halte à l'hôtel du Riffelberg, l'écrivain, qui a fait la dernière étape à pied faute de train, écrit: «J'avais une vue magnifique sur le Mont-Rose, et apparemment tout le reste du monde alpin. Tout l'horizon qui tournait était entassé haut avec un puissant tumulte de crêtes enneigées. On aurait pu croire qu'on voyait les camps de tentes d'une armée assiégée de Brobdingnags (ndlr: de géants, une allusion aux Voyages de Gulliver) .» Seule différence notable, à l'époque, le glacier descendait beaucoup plus bas.
Inauguré en 1898, le train du Gornergrat, première ligne électrifiée à crémaillère de Suisse, est inséparable du développement touristique de Zermatt, quand bien même le village est déjà à la mode à cette époque. Le premier hôtel date de 1838. En 1856, le panorama du Gornergrat apparaît pour la première fois dans un guide de voyage. Le Cervin est vaincu en 1865 .
Zermatt est la troisième destination la plus visitée de Suisse.
Florian Cella / Tamedia Trois incontournables
La balade Le Gornergrat en train, c'est bien. Une balade depuis une des stations intermédiaires pour rejoindre Zermatt, c'est aussi bien, voire indispensable. On est à la montagne pour marcher, non? Inutile de descendre depuis le sommet. Si la vue est belle, le chemin qui longe la voie n'est pas agréable: on saute de cailloux en cailloux sur la piste de ski. Mieux vaut redescendre en train jusqu'à Riffelalp par exemple. De là, un chemin serpente ensuite en lacets entre les mélèzes jusqu'à Zermatt. La marche dure une heure et demie, mais à l'arrivée tous les bistrots du village vous tendent les bras.
Les balades ne manquent pas, tout au long de la ligne.
Florian Cella / Tamedia
La pause gourmande Avant de monter au Gornegrat, faire provision d'énergie est facile, tant Zermatt regorge de boulangeries et restaurants pour toutes les bourses. En se baladant sur la rue principale, on peut s'arrêter sur la Bahnhofstrasse au Pöstli Stübli, dans un bel hôtel de la place. On peut y déguster l'ordinaire de la restauration alpine avec une très belle viande servie avec une certaine générosité. Autrement, au sommet du Gornegrat, divers établissements, à défaut d'être bon marché, offrent une vue superbe sur la vallée.
Le Pöstli Stübli apprête avec une certaine générosité les grands incontournables de la cuisine alpine.
DR
Le détour culturel À côté de l'église, une sorte de kiosque se pousse du col. C'est le musée de Zermatt. On pourrait craindre le pire, ce serait une erreur! L'exposition est en sous-sol, un espace creusé dans les remblais empilés depuis le milieu du XIXe siècle. Elle reproduit la vie locale du village, ses maisons, ses hôtels. Intéressant point sur la polémique qui a lancé la station, le drame qui a vu quatre alpinistes dévisser lors de la première ascension réussie du Cervin en 1865, avec la recherche du coupable... Amusante plaquette au mur qui résume l'évolution touristique de la station depuis 1847. Sous l'année 1914, il est noté: «nombre d'hôtes en forte régression». Et pour 1939, «2e guerre mondiale, peu d'hôtes étrangers». Le Covid n'y figure pas encore.
Le kisque qui marque l'entrée du musée ne paie pas de mine, mais la visite vaut le détour.
Florian Cella / Tamedia
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Autres newsletters Marc Bretton est journaliste à la Tribune de Genève. Il a travaillé au sein de la rubrique nationale et suit les questions politiques et économiques pour la rubrique genevoise depuis 2004. Plus d'infos @BrettonMarc
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