6 days ago
Retour d'exil : mode d'emploi
Deux jeunes réfugiés syriens prenant la pose devant la voiture familiale, chargée d'effets personnels, lors de leur trajet de retour entre le camp Jordan-Emirati, en Jordanie, et Deraa, dans le sud de la Syrie, le 3 juin
Pendant une décennie, la Syrie a battu des records en étant le théâtre de la plus grande crise de migration forcée au monde. Au sommet de l'exode forcé, 60 % de la population de 22 millions de personnes avait fui son domicile. Aujourd'hui, le pays est en voie de faire l'histoire de nouveau, mais pour le mouvement inverse.
Depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre 2024, plus de 2,1 millions de Syriens ont décidé de rentrer chez eux, selon les plus récents chiffres du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
PHOTO LOUAI BESHARA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
Portrait défiguré de l'ancien président syrien Bachar al-Assad, à Damas
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui avait déclenché le retour de 6 millions de personnes en Europe, on a rarement vu une telle vague inversée.
Parmi ceux qui sont rentrés en Syrie, 600 000 étaient réfugiés dans les pays voisins – Liban, Turquie, Irak et Jordanie –, où plus de 5 millions de Syriens se trouvent toujours. L'autre 1,5 million faisait partie des 7 millions de déplacés à l'intérieur du pays. C'est donc près de 10 % de la population syrienne qui a rebroussé chemin vers la maison en sept mois.
PHOTO FELIPE DANA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Femmes marchant dans un quartier fortement endommagé par des frappes aériennes à Idlib, en Syrie, en mars 2020
Et s'il faut se fier à un récent sondage du HCR, ce n'est que le début. Sur quelque 3500 Syriens réfugiés et déplacés interrogés, un quart espèrent rentrer d'ici la fin de l'année et une autre tranche de 25 % d'ici cinq ans.
Et ce, malgré les circonstances ardues. Les infrastructures du pays ont été largement détruites par les bombardements de l'armée syrienne et de la Russie ainsi que par le conflit civil qui s'est étiré sur plus de 12 ans.
Près de 90 % de la population vit toujours sous le seuil de la pauvreté et fait face à une économie dévastée par la guerre et les sanctions.
Les combats et les tensions sectaires, eux, se poursuivent dans certaines parties du pays, notamment dans le sud, où des affrontements entre des Bédouins, des membres de la minorité druze et l'armée syrienne ont fait plus de 350 morts depuis le début de la semaine. Et c'est sans mentionner les bombardements mercredi sur Damas de l'armée israélienne, qui dit se porter à la rescousse des Druzes.
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Chef de bureau du HCR à Montréal, déployé en Syrie de la fin de février à la fin d'avril, Joey Hanna a été aux premières loges de ce grand mouvement de retour qui, selon lui, devrait s'accélérer pendant l'été.
« Pour le moment, le HCR ne recommande pas le retour des Syriens. Pour plusieurs raisons. Notamment, la situation sécuritaire est très inégale à travers le pays. Par contre, si des Syriens viennent vers nous et nous disent : 'Je fais le choix libre et éclairé de rentrer en Syrie', le HCR facilite les retours ou, du moins, soutient les Syriens dans leur retour », explique M. Hanna.
PHOTO LEO CORREA, ASSOCIATED PRESS
Des Druzes de Syrie et d'Israël manifestent à la frontière israélo-syrienne, à Majdal Chams, dans le plateau du Golan contrôlé par Israël, mercredi.
Comment ? En offrant du transport à la frontière, des petites allocations de retour de quelques centaines de dollars et en dirigeant ceux qui rentrent vers un des 105 centres communautaires mis sur pied par le HCR pour les aider à reprendre le fil de leur vie là où il a été abruptement coupé.
Le HCR aide aussi les Syriens à rafistoler leurs logis, souvent retrouvé en mauvais état. « C'est symbolique. On peut aider à changer une serrure, à remplacer une fenêtre ou à réparer un toit qui coule, pas à refaire une fondation », dit M. Hanna.
PHOTO MAHMOUD HASSANO, ARCHIVES REUTERS
Paysage de dévastation à Alep, en Syrie, en juin dernier
Une aide bien modeste qui reflète les moyens tronqués de l'agence onusienne depuis les coupes draconiennes de l'administration Trump dans l'aide humanitaire, imitées par certains pays européens. En Syrie, le HCR a dû remercier 30 % de ses employés depuis le début de l'année.
Mais il n'y a pas que de mauvaises nouvelles, dit Joey Hanna. Et c'est bien ce qui différencie la Syrie en ces temps glauques sur la scène internationale.
Les craintes sont nombreuses, mais elles rivalisent avec l'espoir. Les États-Unis viennent tout juste d'annoncer qu'ils lèveront les sanctions qui asphyxiaient le pays, une décision qui a été émulée par la plupart des pays occidentaux.
« La levée des sanctions devrait avoir des effets bénéfiques pour la population dans au moins trois domaines. D'abord, sur le secteur énergétique. En ce moment, les Syriens doivent vivre avec une moyenne de quatre heures d'électricité par jour. Puis, des investissements vont pouvoir entrer dans le pays, notamment pour réparer les infrastructures détruites. Et finalement, la Syrie va pouvoir réintégrer le système bancaire mondial », note Joey Hanna, tout en remarquant que ces changements n'auront pas lieu du jour au lendemain.
Alors pourquoi autant de Syriens rentrent-ils dès maintenant ? Et c'est là qu'une bonne nouvelle en cache parfois une moins bonne. Le choix n'est pas toujours complètement volontaire. Le Liban, qui vit lui aussi une crise économique, met notamment de la pression pour inciter les Syriens à lever le camp.
PHOTO ABDELAZIZ BOUMZAR, ARCHIVES REUTERS
De jeunes réfugiés syriens courent dans un campement informel à Bar Elias, au Liban, en décembre 2024.
« Il reste vraiment beaucoup de travail à faire pour accueillir les gens dans la dignité. La situation sécuritaire du pays doit s'améliorer. Il faut mettre fin aux arrestations arbitraires [par le nouveau gouvernement]. Il faut déminer le pays. Et il faut investir dans les infrastructures d'eau et d'éducation », note Nour Shawaf, conseillère en politiques humanitaires chez Oxfam au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE
Célébrations à Damas à la suite de la chute du régime de Bachar al-Assad, en décembre 2024
Comme Joey Hanna, malgré tous ces bémols, Mme Shawaf ne peut néanmoins s'empêcher de voir le bout du tunnel en Syrie. Un optimisme qui devrait inciter les pays donateurs, comme le Canada, à redoubler d'ardeur.