11-07-2025
Massacre de Srebrenica : 30 ans après, la mémoire d'un génocide que les Serbes ont toujours du mal à reconnaître
Ce vendredi 11 juillet, la communauté musulmane de Bosnie commémore au mémorial de Potocari la pire tuerie perpétrée en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
Ce vendredi 11 juillet, comme chaque année, les nouvelles victimes identifiées du massacre de Srebrenica seront inhumées lors d'une cérémonie organisée au mémorial de Potocari, près de la petite ville de l'est de la Bosnie-Herzégovine, frontalière de la Serbie, où plus de 8000 hommes et adolescents musulmans avaient été tués par les forces serbes de Bosnie du 11 au 16 juillet 1995.
À ce jour, 6 751 victimes y ont été inhumées, tandis que 250 autres ont été enterrées dans des cimetières locaux à la demande de leurs familles. Plus d'un millier de victimes n'ont pas encore été retrouvées. Cette année, 14 nouvelles victimes identifiées seront enterrées lors de la cérémonie du 11 juillet.
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Reconnaissance officielle comme un acte génocidaire
Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), actif de 1993 à 2017, et la Cour internationale de justice, ont tous les deux reconnu le massacre des musulmans bosniaques de Srebrenica par l'armée de la République serbe de Bosnie comme un acte de génocide, respectivement en 2004 et 2007. Le massacre de Srebrenica est ainsi l'un des trois seuls génocides reconnus officiellement par l'ONU avec le génocide des Tutsis au Rwanda de 1994 et la Shoah (l'extermination des Juifs d'Europe entre 1941 et 1945), reconnue par le Tribunal militaire international de Nuremberg.
Le 8 juin 2021, un tribunal international a confirmé la condamnation à perpétuité de Ratko Mladic, surnommé le «Boucher des Balkans», le général à la tête des troupes qui avaient pris Srebrenica en 1995, pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.
Par ailleurs, le 23 mai 2024, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution portée par l'Allemagne et le Rwanda désignant le 11 juillet comme la «Journée internationale de réflexion et de commémoration du génocide commis à Srebrenica en 1995». Cette résolution invitait aussi instamment les États membres à opérer un devoir de mémoire et à préserver la vérité des faits historiques établis sur cet évènement tragique à travers leurs systèmes éducatifs.
Une mémoire conflictuelle, notamment du côté serbe
Néanmoins, la mémoire du massacre de Srebrenica est loin de faire consensus aujourd'hui, particulièrement chez le voisin serbe. Cela concerne également le territoire même de la Bosnie-Herzégovine, dans la République serbe de Bosnie (une des deux entités régionales autonomes du pays) qui connaît une dérive sécessionniste sous la présidence de Milorad Dodik. Ce dernier considère ainsi que les événements de Srebrenica sont un crime de guerre et non un génocide, tandis que dans les rues de Banja Luka, la capitale de la Republika Srpska, les criminels Ratko Mladic et Radovan Karadzic condamnés à la prison à perpétuité par le TPIY sont toujours célébrés comme des héros. Radovan Karadzic est notamment accusé d'avoir ordonné le nettoyage ethnique des Bosniaques et des Croates lors de la guerre de Bosnie-Herzégovine.
Un premier pas a été fait en juillet 2015, quand Aleksandar Vucic alors premier ministre serbe s'était rendu au mémorial des victimes du massacre où il avait déposé une fleur devant les noms des plus de 6200 victimes identifiées et enterrées. Il avait condamné un «crime monstrueux», sans pour autant employer le mot de «génocide».
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Mais en mai 2024, à l'ONU, les dirigeants serbes avaient mené une campagne massive de lobbying pour obtenir le rejet de la résolution instituant une commémoration officielle du massacre de Srebrenica, y compris dans sa version finale excluant toute mention explicite de la responsabilité de la Serbie. Le président serbe Aleksandar Vucic s'était spécialement déplacé à New York pour l'occasion, et le président de la République serbe de Bosnie Milorad Dodik avait choisi, en guise de provocation ultime, de délocaliser son conseil des ministres dans la commune même de Srebrenica le jour du vote.
Preuve de la réussite du travail d'influence serbe et du caractère clivant de la mémoire de Srebrenica au-delà des Balkans, la résolution n'avait obtenu que 84 votes favorables, contre 19 votes défavorables et 68 abstentions, parmi lesquelles de nombreux pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine. L'Europe elle-même avait exposé ses divisions sur le sujet, puisque la Grèce, Chypre et la Slovaquie faisaient partie des délégations abstentionnistes alors que la Hongrie de Viktor Orbán s'était opposée à l'adoption de la résolution, aux côtés de la Chine et de la Russie.