
Massacre de Srebrenica : 30 ans après, la mémoire d'un génocide que les Serbes ont toujours du mal à reconnaître
Ce vendredi 11 juillet, comme chaque année, les nouvelles victimes identifiées du massacre de Srebrenica seront inhumées lors d'une cérémonie organisée au mémorial de Potocari, près de la petite ville de l'est de la Bosnie-Herzégovine, frontalière de la Serbie, où plus de 8000 hommes et adolescents musulmans avaient été tués par les forces serbes de Bosnie du 11 au 16 juillet 1995.
À ce jour, 6 751 victimes y ont été inhumées, tandis que 250 autres ont été enterrées dans des cimetières locaux à la demande de leurs familles. Plus d'un millier de victimes n'ont pas encore été retrouvées. Cette année, 14 nouvelles victimes identifiées seront enterrées lors de la cérémonie du 11 juillet.
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Reconnaissance officielle comme un acte génocidaire
Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), actif de 1993 à 2017, et la Cour internationale de justice, ont tous les deux reconnu le massacre des musulmans bosniaques de Srebrenica par l'armée de la République serbe de Bosnie comme un acte de génocide, respectivement en 2004 et 2007. Le massacre de Srebrenica est ainsi l'un des trois seuls génocides reconnus officiellement par l'ONU avec le génocide des Tutsis au Rwanda de 1994 et la Shoah (l'extermination des Juifs d'Europe entre 1941 et 1945), reconnue par le Tribunal militaire international de Nuremberg.
Le 8 juin 2021, un tribunal international a confirmé la condamnation à perpétuité de Ratko Mladic, surnommé le «Boucher des Balkans», le général à la tête des troupes qui avaient pris Srebrenica en 1995, pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.
Par ailleurs, le 23 mai 2024, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution portée par l'Allemagne et le Rwanda désignant le 11 juillet comme la «Journée internationale de réflexion et de commémoration du génocide commis à Srebrenica en 1995». Cette résolution invitait aussi instamment les États membres à opérer un devoir de mémoire et à préserver la vérité des faits historiques établis sur cet évènement tragique à travers leurs systèmes éducatifs.
Une mémoire conflictuelle, notamment du côté serbe
Néanmoins, la mémoire du massacre de Srebrenica est loin de faire consensus aujourd'hui, particulièrement chez le voisin serbe. Cela concerne également le territoire même de la Bosnie-Herzégovine, dans la République serbe de Bosnie (une des deux entités régionales autonomes du pays) qui connaît une dérive sécessionniste sous la présidence de Milorad Dodik. Ce dernier considère ainsi que les événements de Srebrenica sont un crime de guerre et non un génocide, tandis que dans les rues de Banja Luka, la capitale de la Republika Srpska, les criminels Ratko Mladic et Radovan Karadzic condamnés à la prison à perpétuité par le TPIY sont toujours célébrés comme des héros. Radovan Karadzic est notamment accusé d'avoir ordonné le nettoyage ethnique des Bosniaques et des Croates lors de la guerre de Bosnie-Herzégovine.
Un premier pas a été fait en juillet 2015, quand Aleksandar Vucic alors premier ministre serbe s'était rendu au mémorial des victimes du massacre où il avait déposé une fleur devant les noms des plus de 6200 victimes identifiées et enterrées. Il avait condamné un «crime monstrueux», sans pour autant employer le mot de «génocide».
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Mais en mai 2024, à l'ONU, les dirigeants serbes avaient mené une campagne massive de lobbying pour obtenir le rejet de la résolution instituant une commémoration officielle du massacre de Srebrenica, y compris dans sa version finale excluant toute mention explicite de la responsabilité de la Serbie. Le président serbe Aleksandar Vucic s'était spécialement déplacé à New York pour l'occasion, et le président de la République serbe de Bosnie Milorad Dodik avait choisi, en guise de provocation ultime, de délocaliser son conseil des ministres dans la commune même de Srebrenica le jour du vote.
Preuve de la réussite du travail d'influence serbe et du caractère clivant de la mémoire de Srebrenica au-delà des Balkans, la résolution n'avait obtenu que 84 votes favorables, contre 19 votes défavorables et 68 abstentions, parmi lesquelles de nombreux pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine. L'Europe elle-même avait exposé ses divisions sur le sujet, puisque la Grèce, Chypre et la Slovaquie faisaient partie des délégations abstentionnistes alors que la Hongrie de Viktor Orbán s'était opposée à l'adoption de la résolution, aux côtés de la Chine et de la Russie.

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Le HuffPost France
4 hours ago
- Le HuffPost France
Sur la famine à Gaza, le témoignage de ce directeur d'hôpital révèle l'ampleur de la tragédie
INTERNATIONAL - « Nous devons faire cesser ce génocide, maintenant ! » Ce cri du cœur, c'est celui de Muhammad Abu Salmiya, directeur de l'hôpital d'Al-Shifa, situé dans la ville de Gaza. Le professionnel de santé se dit démuni face à des services saturés par les patients dénutris, dont de nombreux enfants. « Au cours des trois derniers jours, 21 enfants sont morts de faim, 7 000 enfants souffrent de sévère malnutrition dans Gaza », a-t-il témoigné dans un article publié ce mercredi 23 juillet par franceinfo. « Tous les hôpitaux sont maintenant saturés, car le personnel médical doit gérer les gens affamés et les personnes blessées par les tirs israéliens, a-t-il raconté par téléphone à nos confrères. C'est le pire qu'on ait connu depuis le début de la guerre à Gaza. » Mais selon lui, la famine ne concerne pas uniquement la population civile. En effet, la situation du personnel médical, « fatigué » et « affamé », est tout aussi critique. « Un bon nombre [de soignants] ont aussi dû être hospitalisés pour cause de malnutrition sévère, a-t-il déploré. Ceux-là ne peuvent plus marcher et encore moins opérer les patients. » Et d'ajouter : « J'ai aussi faim, je suis aussi fatigué, j'ai des enfants à la maison qui me demandent : 'Papa, je veux du pain, de la nourriture, quelque chose'. » Autre fléau : le manque de carburant, qui empêche l'utilisation de certaines salles d'opération ou de dialyse. Face à cette situation, Muhammad Abu Salmiya demande aux acteurs internationaux de mettre fin à la guerre et de permettre l'entrée de l'aide humanitaire dans le territoire palestinien, isolé du reste du monde par Israël. Le directeur de l'hôpital d'Al-Shifa n'est évidemment pas le seul à sonner l'alerte sur la famine à Gaza. Ce mercredi, plus d'une centaine d'organisations humanitaires ont averti qu' « une famine de masse se propage[ait] dans la bande de Gaza ». « Nos collègues et les personnes que nous aidons dépérissent », indiquent dans un communiqué une flopée d'ONG, de Médecins sans frontières à Amnesty International et Oxfam international, en passant par plusieurs branches de Médecins du monde. « Des tonnes de nourriture et d'eau » attendent aux portes de Gaza Les signataires appellent à un cessez-le-feu immédiat, à l'ouverture de tous les points de passage terrestres et à la libre circulation de l'aide humanitaire. Israël fait face à une pression internationale croissante concernant la situation humanitaire dramatique de Gaza. Il a très partiellement assoupli fin mai un blocus total imposé début mars à l'enclave palestinienne, qui a entraîné de très graves pénuries de nourriture, médicaments et autres biens de première nécessité. Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU a accusé l'armée israélienne d'avoir tué à Gaza depuis fin mai plus de 1 000 personnes qui cherchaient à obtenir de l'aide humanitaire, dont la grande majorité près de centres de la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), une organisation soutenue par les États-Unis et Israël au financement opaque. Israël accuse de son côté le mouvement islamiste Hamas d'exploiter la souffrance des civils, notamment en volant la nourriture distribuée pour la revendre à des prix exorbitants ou en tirant sur les personnes qui attendent l'aide. Le blocus israélien est dénoncé par les ONG dans leur communiqué publié ce mercredi. « Juste à l'extérieur de Gaza, dans des entrepôts – et même à l'intérieur – des tonnes de nourriture, d'eau potable, de fournitures médicales, de matériel d'hébergement et de carburant restent inutilisées, les organisations humanitaires étant empêchées d'y accéder ou de les livrer », est-il écrit. De son côté, le patron de l'ONU Antonio Guterres a redit mardi son indignation face à la situation dans le territoire palestinien. « Il suffit de regarder l'horreur qui se déroule à Gaza, avec un niveau de mort et de destruction sans équivalent dans l'histoire récente », a-t-il déclaré. Évoquant la « malnutrition » qui « explose » et « la famine [qui] frappe à toutes les portes », il a une nouvelle fois appelé à un cessez-le-feu.


Le Parisien
5 hours ago
- Le Parisien
Une « famine de masse » se propage à Gaza, alertent une centaine d'ONG
La situation humanitaire est au-delà de l'urgence dans la bande de Gaza. Plus d'une centaine d'organisations humanitaires avertissent ce mercredi qu'une « famine de masse » se propage dans cette enclave dévastée par la guerre . Israël fait face à une pression internationale croissante concernant Gaza. Il a très partiellement assoupli fin mai un blocus total imposé début mars et qui a entraîné de très graves pénuries de nourriture, de médicaments et d'autres biens de première nécessité. Mardi, un hôpital de Gaza a cependant affirmé que 21 enfants sont morts de malnutrition ou de faim en 72 heures dans le territoire assiégé, ravagé par plus de 21 mois de guerre, déclenchée par une attaque du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël. « Alors qu'une famine de masse se propage dans la bande de Gaza, nos collègues et les personnes que nous aidons dépérissent », indiquent des ONG (organisations non gouvernementales), dont Médecins sans frontières, plusieurs branches de Médecins du monde et Caritas, Amnesty international, ou encore Oxfam international. Elles appellent à un cessez-le-feu immédiat, à l'ouverture de tous les points de passage terrestres et à la libre circulation de l'aide humanitaire. Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU (Organisation des Nations unies) a accusé l'armée israélienne d'avoir tué à Gaza depuis fin mai plus de 1000 personnes qui cherchaient à obtenir de l'aide humanitaire, dont la grande majorité près de centres de la Fondation humanitaire de Gaza (GHF). Cette organisation soutenue par les États-Unis et Israël organise des distributions alimentaires et son financement est opaque. Israël accuse de son côté le mouvement islamiste Hamas d'exploiter la souffrance des civils, notamment en volant la nourriture distribuée pour la revendre à des prix exorbitants ou en tirant sur les personnes qui attendent l'aide. La GHF fait elle aussi porter la responsabilité de la situation humanitaire sur le Hamas. Les autorités israéliennes affirment régulièrement laisser passer des quantités importantes d'aide, mais les ONG dénoncent de nombreuses restrictions. « Juste à l'extérieur de Gaza, et même à l'intérieur, dans des entrepôts, des tonnes de nourriture, d'eau potable, de fournitures médicales, de matériel d'hébergement et de carburant restent inutilisées, les organisations humanitaires étant empêchées d'y accéder ou de les livrer », indiquent les organisations humanitaires. Mardi, le patron de l'ONU, Antonio Guterres a parlé d'« horreur » pour décrire la situation, « avec un niveau de mort et de destruction sans équivalent dans l'histoire récente ». « La malnutrition explose. La famine frappe à toutes les portes. » À l'hôpital Nasser (sud de Gaza), des images de l'AFP (Agence France presse) ont montré des parents pleurant sur la dépouille de leur fils de 14 ans, Abdel Jawad al-Ghalban, mort de faim, dont le corps squelettique venait d'être enveloppé dans un sac mortuaire blanc. Dans ce contexte, l'émissaire américain Steve Witkoff se rend cette semaine pour une destination européenne non dévoilée, selon des responsables américains sous couvert d'anonymat, qui ont précisé qu'il pourrait se rendre ensuite au Moyen-Orient. Selon la porte-parole du département d'État, le ministère américain des Affaires étrangères, son objectif est de parvenir à « un nouveau cessez-le-feu, ainsi qu'à un corridor humanitaire pour l'acheminement de l'aide ». Après plus de 21 mois de guerre, Israël continue de bombarder au quotidien le territoire situé à sa frontière sud et où le Hamas, considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis, l'Union européenne et Israël, a pris le pouvoir en 2007. Les dernières négociations indirectes entre Israël et le Hamas en vue d'une trêve n'ont pas enregistré de progrès. Israël dit vouloir libérer les otages, chasser le Hamas de Gaza et prendre le contrôle du territoire. Le Hamas réclame le retrait israélien de Gaza, l'entrée d'importantes aides et l'arrêt définitif de la guerre. L'attaque du 7-Octobre a entraîné, côté israélien, la mort de 1219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 49 sont toujours otages, dont 27 ont été déclarées mortes par l'armée. En riposte, Israël a juré de détruire le Hamas et lancé une campagne militaire qui a coûté la vie à près de 60 000 personnes au moins, majoritairement des civils, selon des données du ministère de la Santé à Gaza, jugées fiables par l'ONU.


Le Figaro
19 hours ago
- Le Figaro
Unesco, OMS, accord de Paris sur le climat…Visualisez les retraits des États-Unis des instances internationales
INFOGRAPHIE - Les États-Unis se retirent une nouvelle fois de l'Unesco, dernier épisode en date d'une série de ruptures avec les institutions internationales. Washington claque à nouveau la porte de l'Unesco. Les États-Unis ont annoncé, mardi 22 juillet, leur retrait de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture. Cette décision, officiellement motivée par des biais jugés «anti-israéliens», marque la deuxième sortie américaine de l'institution sous l'impulsion de Donald Trump, après un premier retrait en 2018 pour des raisons similaires. À l'époque, Israël avait quitté l'organisation au même moment, dénonçant également une ligne trop critique à son encontre. Cette nouvelle rupture s'ajoute à une longue liste de désengagements internationaux opérés par Washington sous l'administration Trump. Publicité Dès son arrivée à la Maison-Blanche en janvier 2025, le président Trump avait annoncé le retrait des États-Unis de l'accord de Paris sur le climat, conclu sous l'égide de l'ONU. Sous le premier mandat du républicain, le pays avait déjà quitté brièvement cet accord, avant que Joe Biden n'acte un retour. Ce traité majeur, signé par près de 200 pays, vise à limiter le réchauffement climatique en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Le retrait américain avait alors suscité une onde de choc mondiale, alignant les États-Unis sur une position commune à quelques rares pays comme l'Iran, la Libye ou le Yémen. En janvier dernier, c'est l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui est visée: quelques heures seulement après son investiture, lundi 20 janvier, le président américain, Donald Trump, a signé un décret visant à retirer les États-Unis de l'OMS. Le républicain cite plusieurs raisons pour justifier ce retrait, notamment « la mauvaise gestion de la pandémie de Covid-19 » par l'OMS et « l'incapacité à adopter les réformes urgentes nécessaires ». Il a déclaré que l'agence exigeait des États-Unis des « paiements injustement onéreux » et s'est plaint que la Chine payait moins. La décision s'accompagne d'un gel du financement américain, alors même que les États-Unis étaient l'un de ses principaux contributeurs. Le désengagement américain ne s'arrête pas là. En février, Donald Trump signe un décret pour retirer les États-Unis de plusieurs instances de l'ONU : le Conseil des droits de l'homme, instance dans laquelle Washington siégeait comme observateur. Le décret présidentiel prolonge également la suspension du financement de l'UNRWA, l'agence onusienne d'aide aux réfugiés palestiniens, déjà ciblée par l'administration Trump en 2018. Ce même décret annonçait un réexamen de la participation américaine à l'Unesco.