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Comment la peur des hommes hante le quotidien des jeunes Suissesses
Comment la peur des hommes hante le quotidien des jeunes Suissesses

24 Heures

time06-08-2025

  • Science
  • 24 Heures

Comment la peur des hommes hante le quotidien des jeunes Suissesses

Écouteurs sur les oreilles et applications de géolocalisation: bienvenue dans l'arsenal défensif d'une génération dont plus de la moitié vit dans la crainte. Témoignages. Publié aujourd'hui à 18h03 Des personnes manifestent à l'appel des collectifs Grève des femmes Vaud et Jamais sans mon consentement, le 21 août 2021 devant le Palais de justice de Montbenon à Lausanne. MARTIAL TREZZINI/KEYSTONE En bref: Le pouce en l'air, courir vers une voiture qui s'arrête au bord de la route et scruter par la vitre, le cœur battant: qui va bien vous emmener? Bonne ambiance, ou votre instinct vous dit-il de fuir? Dans les années 80, l'auto-stop était encore un moyen de transport courant. Aujourd'hui, cette pratique a presque disparu. Serait-ce par crainte pour notre sécurité? En effet, de nombreuses jeunes femmes ont peur des prédateurs masculins. Selon une étude récente, en Suisse, plus de la moitié d'entre elles éprouvent une «peur accrue» et 14% vont jusqu'à ressentir une «peur extrême» envers les hommes. Moins d'un tiers des personnes interrogées ont choisi l'option «peur légère» ou «pas peur» du tout. «La peur des hommes est toujours là», confie également Morgane S.*, 20 ans. Nous avons modifié les noms des jeunes femmes interrogées pour préserver leur anonymat. Elle étudie à l'Université de Zurich tout en travaillant dans le journalisme. Dès qu'elle fait la connaissance d'une personne digne de confiance, les craintes s'estompent. Application de traçage comme mesure de protection En tant que jeune femme, on est constamment confrontée à des petites agressions au quotidien, comme le catcalling , «des types qui vous appellent ou font des commentaires depuis leurs fenêtres ou les voitures», du harcèlement de rue . Les attouchements sont également fréquents, surtout en ville. Lorsque Morgane S. habitait en centre-ville, ces incidents étaient courants. Maintenant, à la campagne, c'est mieux. Aujourd'hui, elle ressent une tension permanente lorsqu'elle se déplace seule le soir, surtout autour des gares. «Je suis toujours très vigilante, en mode fight or flight , parfois proche de la crise de panique. Par exemple, lorsque j'entends des pas derrière moi, confie-t-elle. C'est alors que les pensées se bousculent dans ma tête: S'agit-il d'un homme? Depuis combien de temps me suit-il? Vais-je réussir à lui échapper?» Elle pratique la musculation depuis des années et s'est mise au kickboxing il y a quelques mois pour gagner en confiance. Ces deux sports l'y aident. De plus, elle fait toujours connaître sa position géographique à sa famille et se sent alors plus en sécurité lors de ses déplacements. De préférence en groupe: «C'est là que mon instinct protecteur se manifeste. Je veille au bien-être des femmes qui m'accompagnent.» «J'aimerais que les hommes comprennent mieux nos peurs et nos préoccupations» Dagmar Pauli, directrice adjointe du service de psychiatrie et psychothérapie pour enfants et adolescents à la Clinique universitaire de Zurich, n'est «pas si étonnée» par ces taux d'anxiété élevés. Selon elle, la plupart des jeunes femmes craignent avant tout un viol commis par un inconnu dans l'obscurité. Beaucoup ignorent que la plupart des délits sexuels sont commis par des proches. Lena A.*, étudiante de 24 ans, le sait bien. Elle a elle-même été victime d'une agression dans sa colocation. Sans crier gare, un colocataire l'a frappée à plusieurs reprises avec une cravache, malgré ses tentatives de défense et sous les yeux d'autres témoins. Ses colocataires ont certes jugé déplacé le comportement de l'agresseur, mais ils sont restés bienveillants à son égard et ont assuré à Lena A. que c'était quelqu'un de bien qui avait simplement commis un écart. La jeune fille souhaiterait que les femmes puissent évoquer leurs préoccupations liées à l'insécurité et à leurs craintes sans que les hommes se sentent immédiatement visés et adoptent une attitude défensive. «Je ne critique pas tous les hommes, mais j'aimerais qu'ils comprennent mieux nos peurs et nos préoccupations.» La peur en toile de fond Lena A. ne se sent pas vraiment en sécurité lorsqu'elle se déplace seule. Un jour, dans le tram, un inconnu qui semblait juste vouloir discuter a soudain posé sa main sur sa jambe. La drague insistante et le harcèlement sur les applications de rencontre et les réseaux sociaux sont des phénomènes très répandus qui alimentent un climat d'insécurité chez les femmes. Eh non, elle n'a jamais observé un tel comportement de la part d'hommes musulmans, seulement de la part de Suisses. Elle ne confirme pas le cliché de la culture sexiste des jeunes musulmans en Suisse. Par mesure de protection, Lena A. porte des écouteurs pour signaler qu'elle ne veut pas être abordée. Elle fait également preuve de beaucoup de prudence lorsqu'il s'agit de donner ses coordonnées. Il lui arrive aussi de prendre ses clés en main en cours de trajet quand la situation devient préoccupante, par mesure de sécurité. Pour les rendez-vous, elle prévient ses amies à l'avance du lieu et de la personne qu'elle va rencontrer. Quand sortir devient source d'angoisse La peur des agressions sexuelles dans l'espace public a-t-elle augmenté chez les jeunes femmes par rapport au passé? Cette question fait débat. Le chercheur allemand spécialisé dans les études générationnelles Rüdiger Maas observe une nette hausse en Allemagne. Maria Mondaca, directrice d'un centre d'accueil pour les jeunes femmes victimes de violences psychologiques, physiques ou sexuelles à Zurich, considère que c'est également très probable en Suisse. Elle souligne que les statistiques criminelles helvétiques révèlent une augmentation des cas de viols et de lésions corporelles graves. Les expériences vécues lors des sorties et les témoignages choquants relayés sur les réseaux sociaux alimentent également ce sentiment de peur. Les filles et les jeunes femmes de son entourage professionnel lui font souvent part de harcèlements, d'insultes ou d' agressions subis de la part d'hommes pendant leurs loisirs. «Je suppose que le nombre de cas non recensés est élevé», ajoute la spécialiste. Se déplacer devient source d'angoisse, notamment l'été au bord du lac. Les jeunes femmes sont «parfois poursuivies, abordées de manière irrespectueuse ou sexualisée, harcelées ou sollicitées pour engager une conversation, même lorsqu'elles manifestent clairement leur refus». Des études démontrent que même des gestes apparemment anodins, comme des blagues grivoises ou des sifflements au quotidien, contribuent à créer un climat dans lequel les femmes se sentent souvent mal à l'aise et perdent confiance en elles. Carla W.*, 23 ans, étudiante en anglais, sort très rarement. Elle ne fréquente pratiquement que des camarades d'études et a elle aussi vécu ce genre d'expérience. Bien qu'il ne se soit concrètement rien passé, une situation l'a profondément déstabilisée. Elle n'a généralement pas peur, mais a pris conscience de sa vulnérabilité quand un jeune homme qui l'accompagnait lui a déclaré soudain, d'un ton triomphant: «J'ai envie, là, maintenant, de tout faire avec toi.» Le harcèlement sous toutes ses formes: en parler aux hommes Sophie M.*, 25 ans, chargée de communication, en a fait l'expérience. À l'âge de 11 ans, elle a subi un traumatisme causé par son grand-père. Il s'est montré violent en franchissant des limites de manière inacceptable. Plus tard, à l'adolescence, une connaissance plus âgée lui a imposé des baisers. Un colocataire lui a donné des coups de pied aux fesses sans son consentement. Aujourd'hui encore, Sophie M. n'aime pas sortir seule et peine à retrouver suffisamment confiance en elle pour accepter un rendez-vous. «J'imagine à chaque fois un scénario qui finit mal.» L'alcoolisation excessive des hommes inquiète les jeunes femmes qui sortent le soir. IMAGO/REICHWEIN En revanche, au travail ou avec ses camarades, Sophie M. se sent en sécurité. Lorsqu'elle sort seule le soir, elle chausse de bonnes baskets pour pouvoir courir, enfile un pull ample par-dessus son haut et met ses écouteurs en guise de protection. Elle scrute en permanence, et automatiquement, les alentours à la recherche de signaux: là, par exemple, un groupe de jeunes hommes, bières à la main – l'alcool désinhibe –, ou ici, une bande de supporters de foot , gorgés d'adrénaline après un match. Bien sûr, le lieu joue un rôle: «Les femmes ne peuvent pas se déplacer partout avec la même liberté, explique Sophie M., mais elles ont le droit de se sentir en sécurité.» La jeune femme constate toutefois un progrès, surtout parmi ses collègues masculins de son âge: «Je peux parler avec eux si je me sens mal à l'aise.» Elle aborde le sujet et évoque ce qu'elle perçoit comme des comportements masculins inadaptés. Elle constate notamment «que les garçons se font des films, complètement différents de ceux des filles». Ils ne sont pas du tout conscients de ce que les femmes peuvent ressentir. Ce que cela représente de se promener la peur au ventre. Ses amis ont réagi avec respect et compréhension. Pour elle, il est essentiel d'éviter de diaboliser l'autre sexe et de privilégier le dialogue. Traduit de l'allemand par Emmanuelle Stevan Harcèlement et agressions sexuelles Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Alexandra Kedves travaille comme journaliste culturelle. Elle écrit principalement sur le théâtre et sur des sujets de politique sociale et éducative. Elle a étudié la philologie allemande, la philologie anglaise et la philosophie à Constance, Oxford et Fribourg-en-Brisgau. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

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