2 days ago
Jelly Roll, prédicateur d'une édition record
Chapeaux de cowboys, vêtements de jeans et bottes de cuir étaient à l'honneur pour une deuxième journée de suite. Jelly Roll, en bon maître de célébration, presque en prédicateur, a projeté son âme et livré son message de rédemption sur le parc Jean-Drapeau, samedi à Montréal.
Il y a des moments qui résument parfaitement une personne : après avoir aperçu une affiche disant qu'un spectateur, présent avec sa fille, était sobre depuis près de 1400 jours, Jelly Roll lui a dédié une chanson sur la sobriété. Émotion garantie, larmes possibles.
Avec force et passion, l'Américain tatoué jusqu'au visage a emmené la foule là où il le souhaitait. Un ancien toxicomane et prisonnier, le late-bloomer du country s'est donné le rôle d'un pasteur – apprenant de ses propres erreurs pour guider les autres.
C'est ce qui fait sa marque de commerce, et qui l'a propulsé au sommet du country américain depuis trois ans.
La voix de Jelly Roll, forgée d'un soul qui ne peut découler que d'un rude passé, avait de quoi donner des frissons. Si la rédemption pouvait être personnifiée, alors c'est sa forme qu'elle prendrait.
L'ancien rappeur a également proposé des titres bien connus, en cover : Take Me Home, Country Roads de John Denver, Sweet Home Alabama de Lynyrd Skynyrd ou How You Remind Me de Nickelback, pour ne nommer que celles-là.
Son spectacle, qui mettait en vedette une dizaine de musiciens, était pensé pour la célébration, la fête, et la mise en valeur – même si vous n'êtes pas croyant ou religieux – d'une chorale pratiquement spirituelle.
Ceux qui ont joué
Avant Jelly Roll, c'était une deuxième prise à LASSO pour Riley Green. D'un prestant calme, l'Américain de 36 ans a servi une heure de country pur, assumant de ne pas se mélanger à d'autres styles comme plusieurs le font aujourd'hui.
Natif de l'Alabama, Green a tout d'un cowboy : une voix sudiste, qui vous embarque en roadtrip si elle est chantée, et qui vous laisse vous questionner sur la moitié de la phrase si elle est parlée. Une barbe de quelques jours, qui met l'accent sur une large moustache. Guitare acoustique. Et, bien sûr, le duo jeans et chemise cargo bien taillée.
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
Riley Green
Dasha, qui était montée sur les planches plus tôt dans la journée, est revenue pour l'accompagner, marquant des points sur la balade You Look Like You Love Me.
Tucker Wetmore, auteur-compositeur-interprète originaire de l'État de Washington, a offert un beau moment de musique aux spectateurs, samedi en début de soirée. Un joueur de piano autodidacte, l'Américain a troqué un instant son répertoire country pour chanter un morceau de Bohemian Rapsody, l'une des pièces musicales les plus influentes de tous les temps.
À la fin de sa performance, maillot de baseball « Montrey'all » sur le dos et armoires à bouteilles d'alcool fort en arrière-plan thématique, Wetmore a montré une visible reconnaissance au public, s'accroupissant et se tapotant la tête comme pour s'imbiber de l'amour qu'on lui lançait.
On doit aussi lever notre chapeau à Québec Redneck Bluegrass Project. Les artistes locaux jouent habituellement en après-midi, ou sur des scènes secondaires. Défiant cette norme en se produisant de 16 h 50 à 18 h 05 sur la scène principale, le groupe formé en 2006 a reçu des acclamations substantielles, et la foule suivait ses paroles.
Le quatuor s'est amusé à boire des bières coulées dans des bottes, le fameux « shooey », pour conclure son numéro, au grand bonheur des amateurs sur place.
Année record
Avec 24 000 festivaliers vendredi, puis 27 500 samedi, la quatrième édition du festival Lasso récupère du même coup le titre d'année record. Le total de 51 500 billets vendus dépasse celui de l'édition 2023, qui mettait en vedette Kane Brown et Chris Stapleton.
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La foule était monstre samedi, battant le record de 2023.
Lorsque nous nous sommes assis avec Nick Farkas, vice-président principal, programmation, concerts et évènements chez evenko, samedi pour dresser un bilan, il n'avait que du positif à partager.
« On a eu un engouement qu'on voit rarement. J'ai rarement eu autant de commentaires positifs d'artistes, de gérants, de fans. Et c'est une impressionnante production bâtie pour un autre festival [Osheaga], qu'on est chanceux de pouvoir offrir à des fans de country. C'est du niveau top de l'industrie », se targue-t-il en entrevue.
Des trois festivals organisés par evenko, LASSO est celui dont la démographie est à la fois la plus locale et la plus variée en termes d'âge.
Les 25 à 49 ans sont le groupe majoritaire, alors qu'Osheaga et ÎleSoniq reçoivent davantage de vingtenaires et trentenaires. Puis, 80 % des clients sont du Québec, contre 20 % de l'extérieur. De ce pourcentage, environ la moitié vient de la région métropolitaine de Montréal (RMM), et l'autre moitié des régions.
À Nashville, le mot se passe. De nombreux membres de l'industrie étaient dans la métropole pour LASSO, et que par leur témoignage, la réputation de Montréal comme « ville de country » commence à s'implanter à Music City.
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Nick Farkas, vice-président principal, programmation, concerts et évènements chez evenko
La réaction ici est tellement honnête. Les fans sont phénoménaux. Les artistes qu'on voit quasiment en train de pleurer, c'est parce qu'ils ont vécu une expérience spéciale.
Nick Farkas, vice-président principal, programmation, concerts et évènements chez evenko
On lui a posé, pour conclure, la question que tous les amateurs ont sur les lèvres : parmi les gros noms du country, il ne vous manque qu'à présenter Luke Combs et Morgan Wallen, n'est-ce pas ? Les verra-t-on bientôt à Montréal ?
Réponse : ce n'est pas par manque de volonté qu'ils n'ont pas encore été la tête d'affiche. Wallen avait même accepté de jouer deux fois, deux occasions qui ont été annulées avec la pandémie. Puis sa carrière a décollé vers la lune, et il coûte désormais très cher.
« J'espère qu'on va être en mesure d'avoir ces artistes, soutient Nick Farkas. Peut-être pas l'année prochaine, mais on va trouver une solution. Ce sont des incontournables et ils vont venir. »