02-08-2025
Le jour où le stalker de Jodie Foster tenta d'assassiner Ronald Reagan
Le 30 mars 1981, le président américain échappe de peu à une tentative d'assassinat. L'homme derrière l'acte harcelait l'actrice Jodie Foster depuis des mois. Publié aujourd'hui à 15h02
Jodie Foster s'est retrouvée malgré elle au centre d'une affaire qui a presque coûté la vie à Ronald Reagan.
Imago-Montage Tamedia-F.G.
En bref:
Les États-Unis ont tremblé au printemps 1981. Deux mois à peine après sa première investiture présidentielle, Ronald Reagan est victime d'un attentat devant un hôtel Hilton à Washington. Il frôle la mort. Le tireur, un déséquilibré nommé John Hinckley, est arrêté sur place. On retrouve sur lui des photos de l'actrice Jodie Foster ainsi qu'un badge de John Lennon. Tout sauf une coïncidence, car le macabre chemin qu'a suivi l'auteur du fait était semé de rêves, de désespoir, de rock'n'roll et surtout du film «Taxi Driver». Récit de cette collision historique. Un passé trouble
Contrairement au cliché, John Hinckley passe une enfance plutôt paisible. Élevé dans une famille bourgeoise au Texas et au Colorado, le jeune homme suit sa scolarité dans des établissements élitistes de ces régions. Son passage à l'université est cependant de courte durée. Il échoue à finaliser ses études supérieures à la Texas Tech University. En 1975, âgé de 20 ans et amateur de rock, il plaque tout pour aller vivre à l'ouest, à Los Angeles, se voyant devenir un auteur-compositeur accompli.
Autoportrait de John Hinckley, avant l'attentat.
imago/UPI Photo
Cette entreprise se solde par un nouvel échec. Frustré et fauché, John Hinckley doit subir l'humiliation de rentrer chez ses parents. La colère gronde. De retour dans le Colorado, gavé d'antidépresseurs et de tranquillisants, John Hinckley rejoint le Parti nazi américain avant de se faire renvoyer du groupuscule pour «nature violente». C'est dire. Durant cette période, «Taxi Driver», de Martin Scorsese , sort au cinéma. En le visionnant, Hinckley développe une fascination bicéphale: les armes, et Jodie Foster. Travis Bickle et Jodie Foster
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Palme d'or au Festival de Cannes 1976, «Taxi Driver» narre les pérégrinations d'un chauffeur de taxi solitaire et noctambule, Travis Bickle, interprété par Robert De Niro. Au fil de ses courses, il égrène New York la nuit et est témoin de la violence qui y gît. Durant cette errance, il fait la rencontre d'Iris Steensma, une prostituée de 12 ans, incarnée par Jodie Foster, une jeune enfant star de 13 ans. Dans le film, Travis Bickle tente de l'aider, et parallèlement, nourrit des projets d'assassinat envers un sénateur. John Hinckley visionne le film à quinze reprises.
Travis Bickle (Robert De Niro) dans «Taxi Driver», index sur la tempe, un cliché pour l'éternité.
imago images/Ronald Grant
Hanté par la vision d'Iris, habité par le personnage de Travis Bickle, John Hinckley se met en tête de rencontrer la jeune actrice, quoi qu'il en coûte, afin de lui faire part de son amour. Nous sommes alors en 1980, et c'est donc un homme à l'esprit détraqué qui se lance aux trousses de Jodie Foster, âgée de 19 ans. Jimmy Carter et John Lennon
Apprenant dans un magazine people que la jeune actrice entre à l'Université de Yale, il fait croire à ses parents qu'il a été sélectionné pour un stage d'écriture dans le même établissement. Arrivé sur place, il la suit, la traque, glisse des mots sous la porte de son dortoir, la harcèle au téléphone.
Durant quatre jours, Jodie Foster vit un enfer, mais résiste: «Sérieusement, ce n'est pas juste. Faites-moi plaisir et ne me rappelez pas. D'accord?» Hinckley: «Et demain, alors?» Foster: «Oh, mon Dieu. Oh, sérieusement, ça commence vraiment à m'énerver. Ça vous dérange si je raccroche?» Hinckley: «Jodie, s'il vous plaît.»
Jodie Foster, âgée de 13 ans, pendant le tournage de «Taxi Driver».
imago stock&people
Devant ces refus, l'homme jette provisoirement l'éponge et retourne au foyer familial. L'histoire ne s'arrête malheureusement pas là. Car John Hinckley reste convaincu que Jodie Foster et lui sont faits l'un pour l'autre. En s'inspirant de Travis Bickle, il va désormais tout faire pour qu'elle le remarque. Détournement d'avion, meurtre ou même suicide, il passe en revue les moyens de prouver son amour. À l'automne 1980, il commence alors à s'intéresser au président en fonction, Jimmy Carter, qu'il suit sans relâche au fil de ses meetings. Après l'élection du mois de novembre 1980, John Hinckley jette son macabre dévolu sur le président-élu, Ronald Reagan. À nouveau, la traque recommence. Il surveille les allées et venues du Républicain en se postant devant la Maison-Blanche.
Mais voilà qu'un autre événement vient chambouler l'affaire. Décembre 1980, John Lennon est assassiné par un fan devant son immeuble à New York. John Hinckley, qui idolâtre l'ex-chanteur des Beatles, est anéanti, et enregistre sa peine sur un magnétophone dans la nuit du Nouvel An 1981: «John Lennon est mort. Le monde est fini. Oubliez ça. Ça va être la folie, si j'arrive à passer les premiers jours… Je regrette encore de devoir continuer en 1981… Je ne sais pas pourquoi les gens veulent vivre. John Lennon est mort… Je pense encore… Je pense encore à Jodie tout le temps. C'est tout ce à quoi je pense, vraiment. Ça, et la mort de John Lennon. Ils étaient en quelque sorte liés… Jodie est la seule chose qui compte désormais. Tout ce que je pourrais faire en 1981 serait uniquement pour le bien de Jodie Foster.» Passage à l'acte
Au début du mois de mars, il saute dans un car à destination de Washington. Installé dans un motel miteux, il passe deux semaines à écrire des lettres et des poèmes à destination de Jodie Foster, en réaffirmant son amour pour elle.
L'ultime correspondance envoyée à l'actrice, le matin même du 30 mars, est sans équivoque: «Il est tout à fait possible que je sois tué en tentant d'atteindre Reagan. C'est précisément pour cette raison que je t'écris cette lettre aujourd'hui. Comme tu le sais déjà, je t'aime très fort. Je suis très heureux que tu connaisses au moins mon nom et ce que je ressens pour toi. En sacrifiant ma liberté et peut-être même ma vie, j'espère te faire changer d'avis à mon sujet.»
Apprenant que Reagan donne une conférence au centre-ville, Hinckley se rend sur les lieux. À 14 h 27, le Républicain sort de l'Hôtel Hilton. Comme la distance entre le parvis et son véhicule est très courte, il ne porte pas de gilet pare-balles. John Hinckley sort son revolver et tire six coups en l'espace de deux secondes. Les deux premières atteignent le porte-parole de la Maison-Blanche, James Brady, et un policier. La troisième se perd mais la quatrième touche un agent spécial qui s'est jeté devant le président. La cinquième et la sixième finissent sur la limousine présidentielle. Or, cette dernière balle ricoche et atteint Ronald Reagan sur le flanc gauche. Mais comme celui-ci se fait pousser par la sécurité dans la voiture, il ne le remarque pas tout de suite.
Dans la foule, c'est le chaos. Une marée de badauds se jette sur John Hinckley, et la police doit intervenir pour éviter un lynchage public, comme ce fut le cas près de vingt ans plus tôt avec l'assassin de John Fitzgerald Kennedy, Lee Harvey Oswald. Hinckley est maîtrisé et arrêté sur-le-champ.
Chaos dans la foule. Un agent spécial et le porte-parole de la Maison-Blanche gisent à terre.
IMAGO/GRANGER Historical Picture Archive
En l'espace de trois minutes, les États-Unis oscillent sur la balance du destin. Ronald Reagan, en direction de la Maison-Blanche, s'aperçoit qu'il a quand même pris une balle. Il commence à cracher du sang et présente des difficultés respiratoires. Ni une ni deux, l'itinéraire est dévié, et la limousine se dirige à tombeau ouvert au George Washington Hospital. Les infirmières ont deux minutes pour libérer l'accès des urgences et se préparer à recevoir l'homme d'État le plus puissant du pays.
Le président arrive à l'hôpital à 14 h 30 tapantes. Il présente alors des symptômes de crise cardiaque. Il est mis sous assistance respiratoire et envoyé dans la foulée en chambre d'opération. La chirurgie est rassurante: la balle s'est certes nichée à quelques centimètres de son cœur, mais n'a pas fait beaucoup de dégâts. Reagan passera deux semaines à l'hôpital avant de rentrer à la Maison-Blanche. Procès médiatisé
Mugshot de John Hinckley.
IMAGO/ZUMA Press
Un an plus tard, l'un des procès les plus importants et médiatisés du XXe siècle se tient aux États-Unis. En théorie, il est prévu par la loi qu'un individu ayant essayé d'assassiner un président soit enfermé à perpétuité. Mais la défense fait valoir les troubles psychotiques du prévenu. À travers les médias et dans l'opinion publique, le débat fait rage. Après deux mois d'audience, le verdict tombe. John Hinckley est déclaré non coupable de chacune des charges de l'accusation au motif d'une aliénation mentale le touchant. Tollé au tribunal. Hinckley est alors envoyé dans un hôpital psychiatrique en attendant de ne plus être un danger pour la société.
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Au début des années 2000, il est autorisé à sortir de l'hôpital pour des visites surveillées ou non avec sa famille. Ce privilège lui est retiré lorsque des photos de Jodie Foster sont retrouvées dans sa chambre. Il faudra attendre 2022 pour que John Hinckley soit inconditionnellement libéré. gé aujourd'hui de 70 ans, il entretient régulièrement sa page YouTube en postant des vidéos de lui en train de jouer de la musique.
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Andrea Di Guardo est journaliste RP à la Tribune de Genève depuis mars 2024. Attaché à la rubrique culturelle (pôle Vibrations), il écrit également pour 24 Heures et Le Matin Dimanche. Il s'intéresse aussi aux sujets locaux et internationaux. Il est titulaire d'un Master en journalisme et communication et d'un Bachelor en sciences politiques. Plus d'infos
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