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Au Japon avec Tatsuru Saito, l'homme qui a perdu deux fois contre Teddy Riner aux JO
Au Japon avec Tatsuru Saito, l'homme qui a perdu deux fois contre Teddy Riner aux JO

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time6 days ago

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Au Japon avec Tatsuru Saito, l'homme qui a perdu deux fois contre Teddy Riner aux JO

Le 3 août 2024 à 18 h 44, Clarisse Agbegnenou renverse Miku Takaichi et marque un troisième point pour la France. Dans cette finale de l'épreuve par équipes mixtes des Jeux, le score est de 3-3 face au Japon. La table officielle active un tirage au sort informatique pour désigner la catégorie qui doit combattre une dernière fois. -73 kg masculin... -50 kg féminin... et finalement +90 kg masculin. La roulette ruse et l'Arena Champ-de-Mars abonde bruyamment : Teddy Riner doit revenir sur le tapis pour affronter Tatsuru Saito, 22 ans, qu'il a déjà éconduit trente minutes plus tôt. Pour le dernier duel du tournoi, la pression est tout autre. Et le Japonais paraît soudain plus imposant que son 1,90 m et ses 160 kg au moment où il reçoit les tapes d'encouragement de ses partenaires sur son judogi. Alors que le Français tente de remporter la même médaille d'or que celle acquise aux Jeux de Tokyo en 2021, Tatsuru Saito porte les espoirs de toute une nation. Le premier combat entre les titans avait trouvé son dénouement trois minutes après la fin du temps réglementaire. Cette nouvelle opposition surjoue l'indécision. Les deux s'agrippent, se repoussent, tentent, mais rien n'est marqué. L'arbitre mouline pour attribuer deux pénalités à chacun ; finalement, au bout de six minutes d'effort dans le golden score, Riner crochète la jambe intérieure de Saito et le fait chuter. Le public entre en transe. Le « GOAT » exulte. Le Japonais encaisse. Même s'il a offert une résistance vaillante au champion des Bleus, cette défaite est sa cinquième en deux jours. Rude. Au moment de la cérémonie protocolaire, il semble encore sonné sous son crâne rasé. Sa torpeur est rompue un instant quand la foule l'acclame, tandis qu'il reçoit sa médaille d'argent. L'une des images des Jeux. Un court apaisement puisque dans la foulée, il fait part sur Instagram de sa honte : « Je ne pense pas pouvoir rentrer au Japon. » La mort de la légende C'est pourtant là qu'on le retrouve dix mois plus tard pour comprendre où il en est. À l'ouest de Tokyo, l'université Kokushikan dévoile un campus entouré de nature. Un cadre apaisant pour athlètes en herbe et confirmés, loin de l'agitation chronique du coeur de la capitale. Originaire d'Osaka, Tatsuru Saito a rejoint l'établissement après la mort de son père, Hitoshi Saito, en janvier 2015. Un poids lourd de sa discipline, double médaillé d'or olympique en 1984 et 1988, et une légende de Kokushikan. Les cheveux plus longs et le regard toujours franc, Tatsuru Saito nous fait entrer dans le dojo, bloc de béton aux briques grises aussi carrées que sa mâchoire. Le jeune homme s'incline devant le tatami, face au traditionnel portrait noir et blanc de Jigoro Kano. En se penchant à notre tour, on aperçoit derrière nous, à l'opposé du fondateur du judo, une autre photo : celle de Saito père, en position de scruter en permanence son fils. Une pression muette avec laquelle il a fallu composer. Car l'histoire de Tatsuru Saito est celle d'un héritier du judo espéré par tout un pays où la catégorie des poids lourds est la plus prestigieuse. Depuis la médaille d'or olympique de Satoshi Ishii, en 2008, la Fédération japonaise cherche un successeur. Les bons gènes de Tatsuru Saito n'ont échappé à personne, surtout après ses victoires au Grand Chelem de Bakou en 2021 et au Masters Mondial en 2022. Posé en bord de tapis, il se rappelle : « On a dit très vite que j'avais le plus fort potentiel chez les lourds. Ce n'était pas été trop pénible. Jusqu'en 2023... » Trop jeune pour participer à l'épreuve tokyoïte, sa sélection pour Paris a été annoncée cette année-là : « C'était une bonne chose parce que ça me laissait du temps pour bien me préparer. Mais, alors que la comparaison avec mon père me tirait vers le haut jusque-là, c'est devenu un peu plus difficile après cette annonce. » « Ca m'a fait de la peine » : Teddy Riner au soutien de Tatsuru Saito Les résultats s'en ressentent (échecs en quarts de finale, puis en repêchage aux Mondiaux de Doha) et sa préparation est ensuite marquée par une blessure qu'il a longtemps tue, pensant qu'elle ne le gênerait pas : « À partir du mois de juin 2024, ma main droite n'avait plus la même force, je n'arrivais plus à bien saisir, à tirer ou pousser. Quand je me mettais en position de pompes, je m'écroulais. » En revanche, pas question de se trouver une excuse pour ses déconvenues parisiennes : « Quelle qu'ait été ma condition, je suis arrivé dans la compétition en étant persuadé que j'allais faire avec et réussir. L'idée, c'était bien de gagner. » Roulette Riner Le tournoi olympique en individuel se présente d'ailleurs favorablement, avec une victoire face au champion de Tokyo, le Tchèque Lukas Krpalek, dès son entrée en lice. Sauf que Tatsuru Saito perd en demi-finales : « Tout s'est joué là. Ça a eu un énorme impact. Aujourd'hui, en y repensant, c'est encore dur. C'était la honte d'avoir été sélectionné et de ne pas répondre aux attentes. Le lendemain, pour le début de l'épreuve mixte, il fallait se remobiliser et j'étais encore sur la déception. Comme si je n'avais pas le niveau pour aller aux Jeux. » Après une défaite face à un Espagnol au premier tour, il est remplacé par un coéquipier, avant de revenir en finale : « Je me suis remis en bonnes conditions psychologiques en me disant : "Je ne peux pas rentrer au Japon sans rien. Je dois gagner." » Et même si c'est Teddy Riner en face. Le Français ne lui rappelle pas que des mauvais souvenirs. Quelques mois plus tôt, en mars, ils se sont affrontés en finale lors du Grand Chelem d'Antalya et il s'en était fallu de peu pour que le Japonais l'emporte. Cependant, ce n'est pas la même personne qui se positionne face à lui sur le tapis parisien : « Je l'ai trouvé très différent de ce qu'il était en Turquie. Sa préparation l'avait affûté. En 2023, en finale des Mondiaux, il m'avait battu sur la condition physique et j'étais cuit. Là, j'avais encore de la réserve. C'est la motivation qui a fait la différence. Celle de Teddy et celle du pays qui le soutenait. » « J'ai essayé de revoir mon combat contre Teddy Riner aux Jeux, mais c'est vraiment douloureux » Tatsuru Saito Concernant le tirage au sort, surnommé « roulette Riner » au Japon et qui a déclenché une vague de doutes, Saito prend le contrepied : « Ce tirage ne m'a pas déstabilisé, au contraire : j'étais content, j'avais une nouvelle opportunité de gagner. » La réponse de Teddy Riner Une cinquantaine de judokas garnissent peu à peu le dojo universitaire. Salutations polies au meilleur d'entre eux. Lui revient sur son ultime combat olympique et pose une analyse lucide avec une once de regret pour le geste décisif. Plus que la jambe, Saito pointe une erreur sur le haut du corps : « C'est allé très vite. Il a posé une main sur mon revers. J'ai voulu le repousser. Mais il a changé sa position de bras et il est rentré. » Un moment douloureux qui l'empêche de revoir le combat : « J'ai essayé, mais c'est vraiment trop dur. Ça me fait penser à ce que j'ai ressenti et je ne peux m'empêcher de me dire : "Si, j'avais fait ceci ou cela, je l'aurais battu." » Une amertume que la standing ovation du public n'a pas atténuée : « Cette réaction m'a surpris. Le public m'a beaucoup respecté. Cependant, le sentiment plus fort que j'avais, c'était celui de la défaite. J'étais vraiment au fond du gouffre, prêt à tout arrêter. » Le choc a conduit à son fameux message sur les réseaux sociaux et à la réponse de Teddy Riner. En quelques lignes, le Français insiste sur la performance de Saito forçant le respect, avant de conclure : « Au plaisir de te revoir, mon ami ! » Le mot est apprécié, sans faire tout oublier : « C'était étonnant que Teddy m'écrive directement... Et aussi très dur car ça me rappelait encore que j'avais perdu. » « Quand je suis rentré à Tokyo, c'était comme si, à l'intérieur de moi, j'étais en train de pourrir » Au retour à Tokyo, Tatsuru Saito met du temps à digérer et s'isole dans sa famille à Osaka : « C'était comme si, à l'intérieur de moi, j'étais en train de pourrir. » Il soigne la tête et le corps. Sa main droite, blessée lors des JO, puis son cou, pour une opération sur laquelle il ne souhaite pas s'étendre. Entraîneur du club de judo de l'université de Keio et membre d'un comité de la Fédération japonaise de judo, le Français Pierre Flamand revient sur la séquence : « Il a commencé par ne pas parler de cette blessure pour ne pas qu'on la considère comme une excuse. Mais en décembre, il l'a révélée aux médias japonais. On a compris que sa blessure au cou - une hernie cervicale et sténose du canal rachidien- le gênait déjà avant les JO. » Cicatrice sur la nuque Lors de ses étirements, on aperçoit une longue cicatrice sur sa nuque. L'opération a nécessité six mois d'immobilisation. Jours précieux pour réfléchir : « Après l'opération, je suis resté seul pendant l'hospitalisation, ça m'a fait grandir. » Après sa rééducation, le retour à la compétition est envisagé pour novembre prochain. Il a repris l'entraînement. Parmi le groupe des lourds de l'université, Saito se distingue. Il est le plus rapide lors des courses d'échauffement, avec une foulée qui flotte au-dessus du tapis. Il a perdu 25 kg depuis les Jeux : « Sur l'aspect physique, ça va beaucoup mieux. » Pour revenir avec envie, Tatsuru Saito a aussi découvert le sambo, un art martial russe. Il a essayé d'apprendre des chants de Noël en anglais. La pause, salutaire, a porté ses fruits. Jovial entre les séquences, il retrouve sa dureté pour subir les charges de ses partenaires avec un impératif qui sera bientôt levé : limiter les chocs au niveau du cou. Sans brûler les étapes, Tatsuru Saito suit le plan qui doit le mener aux Jeux de 2028 à Los Angeles. Qui commence par réinstaller sa domination sur la hiérarchie nippone. Sa relative absence lui a permis d'observer ses rivaux : « Je regarde les autres comme Wolf en me disant : "Si je devais participer à cette compétition, où en serais-je ?" » Une rivalité commentée par Pierre Flamand : « Il est toujours très attendu pour son retour en compétition lors des prochains Championnats du Japon en novembre car ni Hyoga Ota ni Kanta Nakano, qui auraient pu le contester, n'ont brillé aux derniers Mondiaux. » Tatsuru Saito voit plus loin et aimerait que Teddy Riner soit présent à Los Angeles. Ce n'est pas sa seule motivation. Meurtri par les Jeux de Paris, il a découvert un engouement populaire au pays, loin de la honte qu'il pensait devoir supporter à son retour : « Quand j'étais au fond, beaucoup de personnes m'ont soutenu par des lettres, des mots d'encouragement, dans la rue, sur les réseaux. C'est là que j'ai réalisé que les JO avaient eu un immense impact. » Le moral est ainsi meilleur et, en le voyant rire avec ses camarades pendant qu'il s'assouplit le dos, on le sent comme épanoui : « Je suis reparti de zéro. Avant, j'avais envie de prouver aux gens qu'ils avaient tort de ne pas croire en moi. Désormais, mon but est d'aller vers l'avant et de prendre plaisir à ce que je fais. » Apaisé et déterminé, Tatsuru Saito s'est relevé.

« À l'école, je faisais la taille de la règle de la maîtresse »  : Younès Nezar, sprinteur, influenceur et écologiste
« À l'école, je faisais la taille de la règle de la maîtresse »  : Younès Nezar, sprinteur, influenceur et écologiste

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time14-07-2025

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« À l'école, je faisais la taille de la règle de la maîtresse » : Younès Nezar, sprinteur, influenceur et écologiste

Younès Nezar, 27 ans, sprinteur spécialiste du 100 mètres, raconte ses débuts tardifs dans l'athlétisme, son engagement pour l'écologie et son ancien complexe d'infériorité. « J'ai commencé l'athlétisme en 2021, à 23 ans, après avoir été sportif de haut niveau en judo. J'étais ceinture noire et vice-champion de France par équipes. Avec le Covid, ça devenait compliqué d'aller s'entraîner au dojo et, en face de chez moi, il y avait un stade d'athlétisme. Les Jeux de Tokyo tombaient au même moment et je me suis dit : pourquoi pas me mettre au sprint et viser un chrono en dessous des 11 secondes ? En quelques mois, j'ai pris 12 kg, quasiment 5 kg par jambe tellement j'étais peu musclé à cet endroit ! Au judo, on travaille davantage le haut du corps. Mon coach (Pierre-Alexis Giraud) me demande tout le temps pourquoi mes trapèzes et mes épaules sont aussi musclés alors qu'on les travaille très peu. Je suis parti de zéro pour le sprint mais, finalement, je m'en sors plutôt bien (il fait pour le moment partie du top 24 français sur 100 m, synonyme de qualification pour les Championnats de France). Pour ma santé, j'ai arrêté de manger de la viande rouge. Je ne ressens aucune différence par rapport à avant en termes de performances. J'essaye le plus possible d'éviter de consommer des produits transformés, je pense manger à 99 % des aliments bruts. Même les carottes, je les mange avec la peau ! Pour le reste, je prends tout en vrac dans des bocaux. Ça demande pas mal d'efforts pour cuisiner, mais c'est meilleur pour la santé. L'écologie est une question de corps, comme le sport de haut niveau. On doit prendre soin de notre corps, apprendre à le connaître et mieux respirer. Surtout en athlétisme où on court sur des stades sans ombres et souvent situés à côté de grands axes routiers. Il existe de vrais enjeux autour de la pollution et du réchauffement climatique. Dans l'univers du sprint, on ne risque pas grand-chose pour le moment mais pour le demi-fond, ça devient dangereux. On essaye d'en parler avec mon collectif, les Climatosportifs, car ce sont des sujets peu traités dans ce milieu. J'ai mis du temps à accepter mon corps, j'avais un complexe d'infériorité. Quand j'étais à l'école, je faisais la taille de la règle de la maîtresse ! J'étais connu comme le "petit du collège", je mesurais 1,40 m je crois. J'ai mis pas mal de temps à grandir. Maintenant, c'est vrai que je montre beaucoup mon corps sur les réseaux sociaux (il publie quotidiennement des vidéos d'entraînements, de défis ou de conseils en athlétisme). Mais c'est fait de manière inconsciente car je me filme en train de courir et je suis souvent torse nu. C'est une petite fierté aussi de savoir qu'avec ma taille, je peux faire de belles performances et que ça peut plaire aux gens. Le but de mes vidéos est de démocratiser l'athlétisme. Je me suis rendu compte que le 100 m n'était suivi du grand public que tous les quatre ans, lors des JO. À chaque fois que j'invite des gens à se tester sur le 100 m, ils sont surpris car ils me disent que c'est très long et hyper épuisant. Je trouve qu'il n'y a pas meilleur sport pour comprendre son corps : tu actives tous tes muscles en l'espace de quelques secondes et tu te retrouves face à toi-même. À l'issue de ma deuxième saison d'athlétisme, je ne pouvais plus marcher car je me disais qu'il fallait avoir mal pour performer. Puis mon coach est arrivé et m'a fait comprendre que c'était anormal. Maintenant, je n'ai plus cette mentalité "No pain no gain" (pas de succès sans souffrance) : je tente de savoir pourquoi je ressens telle douleur et comment je peux la soigner ou changer quelque chose dans ma course pour éviter les blessures. »

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