02-08-2025
De l'or olympique au maillot jaune, le pari incroyable de Pauline Ferrand-Prévôt
Pour son premier Tour de France femmes, Pauline Ferrand-Prévôt s'est imposée à la Madeleine dans un splendide numéro de soliste. Elle s'empare du Maillot Jaune dans un coup double historique, après un cheminement exceptionnel depuis son titre olympique.
L'épuisement des stocks guette. À force de victoires, les défis qui attendent encore Pauline Ferrand-Prévôt s'amenuisent considérablement. Par un chaud après-midi de juillet 2024, la Française avait gagné l'or olympique de VTT avec une maîtrise totale. L'aboutissement d'une longue quête. Un an et six jours plus tard, sur les pentes du col de la Madeleine dont le sommet était traversé d'un vent glacial, Pauline Ferrand-Prévôt a remporté l'étape-reine du Tour de France, endossé le Maillot Jaune et renvoyé à plus de 2'30'' ou 3'et au rôle de faire-valoir - au moins le temps d'une journée - celles qui faisaient encore figure de prétendantes pour la victoire finale le matin même.
Un numéro de soliste exceptionnel sur les pentes du col de la Madeleine, et un exploit qui entre parmi les grandes légendes de la discipline, dont les fondements prennent racine un an auparavant. En signant chez Visma-Lease a bike pour trois ans et en l'officialisant dix jours après son or olympique, Pauline Ferrand-Prévôt annonçait alors vouloir gagner le Tour de France. Un considérable défi pour celle qui n'avait plus couru sur route depuis cinq saisons. « Je ne dis pas je vais gagner le Tour mais on a la prétention d'y arriver, esquissait-elle à l'époque. Ce ne sera pas facile, loin de là, et ça prendra du temps. »
« Elle n'est plus la même personne depuis qu'elle est championne olympique, elle est apaisée »
Sylviane Dubau, sa mère
Mais l'espace-temps trouve des raccourcis dans l'univers de Ferrand-Prévôt. À l'automne dernier, la Française se plonge dans la quête du Maillot Jaune. « C'était risqué de se lancer dans un tel projet. Je sais ce qu'il me faut pour réussir. » Il est question de confiance, d'autonomie et surtout d'un apprentissage à refaire. Le cyclisme a changé, elle aussi. « Ce qui est marquant, c'est à quel point à partir de mi-octobre, elle s'est mise dedans, expliquait samedi Yvan Clolus, le manager de l'équipe de France de VTT, resté un proche. Elle a été sérieuse au point que ça m'a presque fait peur qu'elle ne s'octroie pas beaucoup de repos après tout ce qu'avaient été les Jeux. Mais elle avait peur de manquer de temps : « J'ai plein de choses à faire avec l'équipe. Je ne peux pas en gaspiller après l'année olympique. »
La recette est connue, la discipline éprouvée depuis la préparation pour Paris. « Elle optimise tout. En coupant tous les loisirs, elle va optimiser sa récupération, sa diététique - parce qu'elle n'est pas tentée -, ce qui fait qu'elle peut faire davantage d'entraînements difficiles », expliquait, avant les Jeux, Cécile Ravanel, ancienne vététiste qui l'a, il y a trois ans, accompagnée un temps techniquement. C'est ce que confirme Yvan Clolus : cette année, après la campagne de classiques couronnée de son succès - historique, déjà - à Roubaix, Ferrand-Prévôt s'essouffle et renonce à terminer la Vuelta début mai.
L'émotion de Pauline Ferrand-Prévôt : « C'est le rêve d'une petite fille »
Un rendez-vous raté sur les sommets avec plusieurs adversaires (Demi Vollering, Marlen Reusser...) et des repères qui manquent sur les pentes montagneuses. « Pour grimper comme les meilleures, elle ne savait pas trop s'il y avait du boulot, détaille Clolus. Donc elle s'est isolée à nouveau : plus de déplacements, plus de courses. C'était : "Je m'entraîne, je dors, je mange." Comme aux Jeux. »
Sur ce chemin, un point pourtant diffère largement. « Elle n'est plus la même personne depuis qu'elle est championne olympique, elle est apaisée, témoigne Sylviane Dubau, sa mère. Le Tour de France, qu'elle le gagne ou qu'elle ne le gagne pas, ce n'est pas grave. C'est la première fois que je n'ai pas peur pour elle, que je n'ai pas peur de me dire : elle va être déçue, elle va être triste. »
« Ces deux derniers mois de préparation ont été bénéfiques, et à 33 ans, j'ai aussi beaucoup d'expérience »
Pauline Ferrand-Prévôt
Entretemps, sa fille a remporté Paris-Roubaix au printemps. « Elle a été impressionnée, après sa victoire, de la popularité que cela avait engendrée », confie son père. Une classique qu'elle avait ajoutée à son programme tardivement. Par goût du défi autant que pour des détails dont elle comptait tirer bénéfice trois mois et demi plus tard dans les premières étapes du Tour de France : « Cette période de classiques m'a beaucoup appris. Se battre pour être dans les premières positions, après tel virage ou avant tel mont, a été un travail de placement impossible à reproduire à l'entraînement. »
Pauline Ferrand-Prévôt a montré beaucoup, douté parfois, et a de nouveau refermé portes et fenêtres de son existence, le 8 mai, en abandonnant le Tour d'Espagne, épuisée par sa première partie de saison. « Elle était à court d'énergie physique et mentale, mais elle a continué à donner le change », expliquait alors Jos Van Emden, son directeur sportif. Et en Andorre, où elle est désormais résidente, elle a travaillé dans sa bulle : « Ces deux derniers mois de préparation ont été bénéfiques, et à 33 ans, j'ai aussi beaucoup d'expérience. Mon entourage et mon équipe respectent la personne que je suis. »
Marion Rousse félicite Pauline Ferrand-Prévôt
Pendant que ses adversaires se disputaient victoires et maillots en Espagne, en Suisse ou en Italie, la Française n'a pensé qu'à elle. « Je préfère m'entraîner dur que passer du temps dans les trajets pour aller sur des courses. » Des semaines passées le regard tendu vers ce col de la Madeleine, terrible juge dressé sur la route d'une possible victoire.
Début juillet, son entraîneur est tombé malade, alors la championne a appelé ses parents pour qu'ils l'accompagnent reconnaître les trois dernières étapes du Tour. Ils se sont donc embarqués pour un road-trip dans le camping-car familial. « Trois jours passés dans des campings miteux, se souvient sa mère. Et elle était heureuse comme tout. » Durant ses six heures de reconnaissance quotidienne, son père la suivait en voiture. « Je lui passais les bidons, je lui parlais, je ne me suis pas ennuyé » s'amuse-t-il, pendant que sa mère préparait le dîner. Une vie simple, déliée de toute autre forme d'enjeu que de préparer au mieux l'objectif qu'elle s'était fixé.
Au terme d'une année pleine, elle est en passe de vider une fois de plus la boîte à défis, d'un seul coup. Il ne lui reste qu'une journée à passer, avec encore quelques chausse-trappes possibles, avant de réfléchir au prochain. « Et lundi, on retrouvera notre petite Pauline, comme elle est... », conclut sa mère.