06-08-2025
L'éclosion remarquable de Marie-Frédérique Poulin
Marie-Frédérique Poulin a remporté le 400 m haies aux Championnats canadiens d'athlétisme, samedi à Ottawa.
« Je sais que tu vas percer. » Cette phrase, Marie-Frédérique Poulin l'a souvent entendue de la bouche d'un de ses grands amis, mort en octobre 2024. Cet ami avait raison… et il a un peu son rôle à jouer dans l'éclosion de la coureuse.
Poulin connaît sa meilleure saison en cinq années universitaires. L'athlète du Rouge et Or de l'Université Laval vient de remporter, le week-end dernier, son premier titre canadien senior dans sa discipline de prédilection, le 400 m haies. Elle a reçu maints honneurs individuels. Et elle peut presque toucher aux Mondiaux, qui auront lieu à Tokyo en septembre.
Cette saison quasi parfaite, la Trifluvienne l'attribue à deux choses. D'abord, au fait qu'elle a « mis les bouchées doubles et fait encore plus de sacrifices ».
Puis, à son ami évoqué plus haut, William Gagnon, mort l'automne dernier. Poulin affirme être « portée » par la perte du jeune homme, qu'elle côtoyait depuis ses débuts en athlétisme. « Au quotidien, quand c'est plus dur, ça me pousse à continuer », dit-elle avec émotion.
Un rêve à portée de main
Même si elle n'était pas la favorite aux Championnats canadiens, le week-end dernier, Poulin savait qu'elle était capable d'aller chercher ce sacre. Avec la saison qu'elle connaît, la confiance est là.
« En sortant de la dernière courbe, j'étais première et je me sentais bien, relate-t-elle au bout du fil. J'ai été capable de terminer fort. En croisant le fil d'arrivée, j'ai comme réalisé que je venais de réussir ce que je voulais depuis tant d'années. »
PHOTO CAROLINE GRÉGOIRE, ARCHIVES LE SOLEIL
Marie-Frédérique Poulin à l'entraînement au PEPS de l'Université Laval, à Québec
L'athlète de 26 ans n'a pas eu le temps de célébrer bien longtemps, puisqu'elle doit encore enchaîner trois importantes compétitions : elle participera mercredi à la Classique d'athlétisme de Montréal, avant de s'envoler dès le lendemain vers l'Europe pour deux compétitions. Son classement mondial à l'issue de celles-ci déterminera si, oui ou non, elle se qualifiera pour les Championnats du monde, qui auront lieu à Tokyo en septembre.
En fait, reprenons : il déterminera si, oui ou non, elle réalisera un de ses rêves.
« J'aime ça dire que j'ai de bonnes chances, lâche-t-elle. […] Je sais que la forme est là et que je suis prête plus que jamais. »
« La vie fait bien les choses »
Le titre national s'ajoute à une saison déjà couronnée de succès pour la coureuse, qui a par ailleurs été nommée étudiante-athlète féminine par excellence en sport individuel et athlète féminine de l'année lors du dernier Gala du Rouge et Or. Elle a aussi été choisie afin de représenter le Réseau du sport étudiant du Québec à l'échelle nationale pour le prix de l'athlète féminine de l'année USports.
Ces récents succès, Poulin ne les a pas eus tout cuits dans le bec.
PHOTO MATHIEU BÉLANGER, TIRÉE DU SITE WEB DE L'UNIVERSITÉ LAVAL
Marie-Frédérique Poulin
Après la première année universitaire de la jeune femme à l'Université Laval, en 2020, la pandémie a éclaté, entraînant chez elle et chez plusieurs athlètes une remise en question. À ce moment, Poulin a décidé de retenir les services d'un agent et de tenter le coup au sud de la frontière, en NCAA. À l'Université du Delaware, elle a connu « deux belles années », mais a dû s'adapter à quatre entraîneurs différents.
Dans plusieurs compétitions qui ont suivi la pandémie, Athlétisme Canada a pris la décision de ne pas envoyer d'équipes nationales. « Pour moi, c'étaient quand même des frustrations, évoque Poulin. Ce sont des opportunités auxquelles je n'ai pas eu accès, mais je n'ai pas abandonné. »
En 2023, après avoir terminé son baccalauréat au Delaware, elle a pris la décision de revenir au Québec. À Laval, elle s'est retrouvée avec un nouvel entraîneur, Sylvain Cloutier.
« La vie fait bien les choses parce que je trouve qu'on fait vraiment une belle équipe. Je sais qu'il va être capable de m'amener au prochain niveau. »
PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE
À quelques semaines des Jeux olympiques de Paris, Marie-Frédérique Poulin participait aux Essais canadiens d'athlétisme à Montréal, l'été dernier.
Fait intéressant, et impressionnant : Poulin ne fait pas partie seulement de l'équipe d'athlétisme du Rouge et Or. Elle est aussi membre de l'équipe de flag football depuis deux ans. En plus de son implication dans deux sports universitaires, elle a également dû occuper, au cours des deux dernières années, un emploi à temps partiel afin de payer les dépenses reliées à ses sports.
Poulin a d'ailleurs pris contact, il y a un an, avec la Fondation Ascension, qui soutient des athlètes québécois de haut niveau dans l'atteinte de leurs rêves. Depuis, elle a reçu de l'aide financière, un accompagnement personnalisé et différents services.
« En ce moment, dans mon sport, ça nous coûte à tous pas mal cher, mentionne-t-elle. Juste de retourner en Europe, ce sont des coûts importants. Des fondations comme ça, ça peut inspirer des partenaires à se joindre à des parcours comme le nôtre. »
Rêver grand
Les deux dernières années de Marie-Frédérique Poulin ont donc été mouvementées, mais surtout, prometteuses. L'athlète peut maintenant se permettre de rêver aux Jeux olympiques de Los Angeles.
Bien sûr, 2028 est encore loin. Il peut se passer bien des choses. La Québécoise évoque d'ailleurs son âge ; au 400 m haies, le fameux peak a lieu à 26 ans, son âge actuel. « Moi, j'aime ça dire que c'est le début de mon peak, qui va se poursuivre jusqu'à 2028 », lâche-t-elle.
La jeune femme se plaît d'ailleurs à dire à la blague qu'elle ne sait pas encore dans quel sport elle prendra part aux JO.
C'est qu'elle a été invitée au camp d'Équipe Canada de flag football au printemps dernier, mais n'a pu y participer en raison de compétitions d'athlétisme. « Je pense que c'est quand même possible malgré tout », ajoute-t-elle.
Évidemment, l'idée de prendre part aux Jeux dans les deux sports est peu, voire pas envisageable, vu le temps et l'investissement que l'un et l'autre demanderaient.
« Ce serait mon plus grand rêve, mais l'un ou l'autre, honnêtement… En même temps, avec la saison que j'ai en athlétisme, on dirait que ça confirme à quel point c'est possible. Je ne suis vraiment pas si loin ! »