Dernières actualités avec #NordPasdeCalais

L'Équipe
a day ago
- Sport
- L'Équipe
Vingegaard et Visma audacieux, Evenepoel piégé, Philipsen injouable : première étape et premières décharges sur le Tour de France
Pleins d'audace, Jonas Vingegaard et ses équipiers ont tenté de bouger Tadej Pogacar d'entrée, ce samedi lors de l'étape inaugurale du Tour de France 2025. Leur coup de bordure a préparé la victoire de Jasper Philipsen, premier Maillot Jaune, et piégé Remco Evenepoel. Elle a toujours le même goût, cette première gorgée de Tour de France, avec cette sensation de quitter nos ports d'attache pour un long voyage, le teint encore frais, les cheveux qui volettent dans l'embrasure de la fenêtre de la voiture, les malles encore pleines de linge propre et nos rêves intacts, pour retrouver des couleurs et des parfums familiers qu'on avait un peu oubliés mais qu'on allait reconnaître aussitôt. Pour une première journée, celle de samedi fut un classique du genre, dont on pouvait deviner la promesse de chaos dès les faubourgs de Lille derrière nous, quand on découvrit les drapeaux fouettés, les t-shirts ondulés par le vent. Avec une boucle dessinée autour de la métropole nordiste, les rafales souffleraient forcément, à un moment, dans un sens favorable à la bagarre, à la sortie d'un village en fête sans l'abri des maisons basses de briques rouges, dans la plaine de l'ancien bassin minier boutonnée d'immenses terrils coniques, dans le souvenir que si le Nord et le Pas-de-Calais sont des terres accueillantes autour des pompes à bière, elles restent inhospitalières une fois sur un vélo. Les Visma ont mis le feu mais n'ont pas ébranlé Pogacar La première échappée du Tour de France, initiée par Mattéo Vercher, fila sans véritable bataille, le coureur de TotalEnergies s'offrit même un peu de rabiot en tête avec Benjamin Thomas, jusqu'à ce que le rouleur de Cofidis glisse sur le pavé de Cassel et fauche son compagnon, mais ce calme était trompeur. Il y aurait de la casse, de la nervosité dans cette première étape où les pistolets sont toujours chargés et où les premières décharges n'allaient pas tarder à frapper. Les premières allumettes furent grattées à 106 km du but, avec les Alpecin, les Lidl-Trek et les UAE aux affaires, on vit d'autres étincelles après la descente du mont Cassel, cette fois avec les Soudal Quick-Step aux manettes, mais le feu prit bien plus loin, à 18 km de Lille, quand Jonas Vingegaard et ses Visma enclenchèrent, alors que les bourrasques venaient mordre de côté. On avait déjà vu le Danois se mettre en action pour aller récupérer un point au classement de la montagne en haut du mont Noir, une manoeuvre qui demeure brumeuse, qu'on espère causée par une simple impulsion naturelle, un mouvement anecdotique qui ne trahit pas un manque d'ambition. Tout le contraire de ce qu'on vit d'ailleurs dans le final, où le double vainqueur du Tour mit lui-même des bûches pour que l'incendie se propage et que l'aventure aille au bout. La formation néerlandaise a dû composer avec la mauvaise journée de Simon Yates et l'absence de Wout Van Aert dans la première bordure, signe que le Belge n'avait pas ses meilleures jambes, mais elle a dévoilé ses intentions dans ce début de Tour. Les Frelons n'ont pas ébranlé Tadej Pogacar, bien protégé par Tim Wellens, mais ils ne vont pas attendre pour essayer de bousculer le champion du monde, ce qui est la meilleure nouvelle pour la suite. Sous leur impulsion, un groupe d'une quarantaine de coureurs, où l'on trouvait notamment un Kévin Vauquelin bien aux aguets, se détacha ainsi du paquet et derrière, les deux favoris de l'étape, Tim Merlier et Jonathan Milan, furent piégés, avec un paquet d'outsiders pour le général, Remco Evenepoel, les deux lames de Red Bull-Bora-Hansgrohe, Primoz Roglic et Florian Lipowitz, Carlos Rodriguez ou encore Mattias Skjelmose, qui déboursèrent 39 secondes sur la ligne. Pilule amère pour Evenepoel et Merlier Il y avait deux manières de lire cette perte, s'alarmer que la situation était déjà assez désespérée avant le départ pour ne pas s'ajouter un handicap dès la première étape de plaine, ou se dire que de toute manière seuls les deux monstres étaient à l'avant, avec Matteo Jorgenson éventuellement, et que donc cela ne changeait pas grand-chose. La pilule est tout de même un peu plus amère pour l'équipe d'Evenepoel, inattentive au moment de la bordure, qui a grillé la chance de Tim Merlier d'enfiler le maillot jaune et qui s'est surtout fait piéger sur son terrain de jeu favori, une preuve supplémentaire que la formation belge est en train de perdre son identité sans que l'on sache quelle sera la nouvelle, sinon soutenir le double champion olympique, qui ne restera peut-être pas éternellement. En attendant, les rois des flahutes, ce sont désormais les Alpecin, qui se sont retrouvés à cinq dans le bon coup et n'ont pas hésité à relayer les Visma. Dans cette configuration, Jasper Philipsen était injouable, mis sur orbite par Mathieu Van der Poel et Kaden Groves, et le Belge a facilement dominé Biniam Girmay et Soren Wærenskjold pour remporter sa 10e victoire dans le Tour de France. Il y avait un voile de mystère autour de la forme de Philipsen, après tout il n'avait levé les bras qu'à deux reprises cette saison, mais il faut croire qu'il appartient à cette espèce de tueurs qui se réveillent au matin des grandes occasions, quand il y a un maillot jaune en jeu par exemple. Pour le reste, au fil de cette journée frénétique, le Tour a déjà prélevé son dû et rappelé sa nature cruelle, en envoyant à la maison Filippo Ganna et Stefan Bissegger, au sol Ben O'Connor et en accablant Lenny Martinez. Le lutin français est paru faible, probablement malade, largué à plusieurs reprises, dans toutes les côtes, sans que l'encadrement de Bahrain ne juge bon de l'aider, de lui adjoindre un équipier pour alléger ses souffrances. Le Tour est parti et les palpitations ne risquent pas de descendre ce dimanche, dans le final accidenté vers Boulogne-sur-Mer, où on verrait bien Mathieu Van der Poel montrer les dents. À lire aussi La galère de Martinez, «pas bien» et dernier de la 1re étape Vingegaard déclenche les hostilités Philipsen, la force tranquille Alaphilippe, toujours armé pour briller ?

L'Équipe
2 days ago
- Sport
- L'Équipe
L'analyse d'Alexandre Roos : Tadej Pogacar face à lui-même avant le début du Tour de France 2025
Tadej Pogacar est le grand, très grand favori de la 112e édition du Tour de France qui s'élancera ce samedi matin de Lille, mais le champion du monde aura quelques obstacles à écarter, Jonas Vingegaard et les pièges de la course. C'est quand même à chaque fois la même sensation, avancer vers un nouveau matin du Tour de France, vers une boule de feu qui se lève à l'horizon et sentir la chaleur monter, l'excitation, attirés par la puissance magnétique d'un astre mystérieux, prêts à se laisser emporter à nouveau par ses sortilèges. On a beau nous dire que tout est déjà plié, que Tadej Pogacar remportera un quatrième Tour de France dans trois semaines, que sa parade sera longue et ennuyeuse, on a une nouvelle fois hâte de plonger dans cet espace-temps à part, ce cocon frénétique et bouillonnant qui résiste à beaucoup des tremblements du monde extérieur. Sans doute parce que chacun vient butiner ce qu'il veut dans le Tour de France, qu'il n'y a pas qu'un fil à tirer, qu'une histoire à raconter. Les attentes sont multiples et nos pérégrinations ces derniers jours dans le Nord - Pas-de-Calais, théâtre de l'acte d'ouverture de cette 112e édition, nous ont confirmé cet enthousiasme, sur ces terres qui ont souffert mais où l'on voit toujours plus sourire que « braire », comme on dit pleurer par ici, des estaminets chaleureux de Neuville-en-Ferrain à la fraîcheur des plages du Touquet, où l'on entendit l'autre soir cette formule définitive : « Le Tour, ce n'est même plus du sport, c'est bien plus que ça ». Le Tour a cette force d'activer en nous une mémoire très personnelle C'est ce qu'avait voulu démontrer Pierre Nora, décédé il y a un mois, quand l'historien avait inclus la course dans ses lieux de mémoire, au même titre que Jeanne d'Arc, le coq gaulois ou le Panthéon, tous ces symboles, sacrés ou prosaïques, d'une mémoire collective. Le Tour de France a en plus cette force d'activer en nous une mémoire très personnelle, de remuer des choses intimes, des images, des sons, des odeurs, car tout le monde a un rapport avec lui. Le Tour, c'est garer sa voiture à l'aube au pied d'un col, se mêler à une procession silencieuse, monacale pour gravir la pente, chercher le meilleur endroit pour voir passer les coureurs et poser la glacière, c'est le premier sandwich qu'on dévore les pieds dans la rosée, les doigts noircis par le papier du journal, des heures d'attente partagées avec son père, sa mère, son grand-père, le cousin, les copains, ne rien se dire mais se sentir proches. Ce sera toujours ça le Tour de France, cette communion, plutôt que les ergotages, les arguties qui accompagnent l'approche du Grand Départ, les raisons pour lesquelles l'un peut gagner, l'autre peut perdre, et encore, heureusement qu'il ne peut pas y avoir de match nul. C'est pour cela que chaque nouveau Tour de France doit être une joie, notre calendrier de l'Avent en plein été, 21 cases à ouvrir et qui recèlent chacune une surprise, une émotion, un trésor. Sur les dernières années, qui aurait imaginé le scénario déroulé dans la beauté sauvage du Granon, que Matej Mohoric ferait pleurer tout le monde après une victoire d'étape ou que Romain Bardet conquerrait le maillot jaune le premier jour de son dernier Tour de France ? Tout ça dans des éditions pareillement ultra-dominées par les deux monstres, Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard, la preuve que l'un n'empêche pas l'autre. Pogacar donne le sentiment de se solidifier tandis que Vingegaard a l'air de plafonner La situation est un brin différente ce matin car l'idée d'un duel s'est dissoute, elle n'est plus qu'un mirage, sous l'effet du dernier Critérium du Dauphiné, certes, mais à vrai dire la tendance se dessine depuis plusieurs mois. Les deux rivaux n'ont cessé de s'éloigner, à tous points de vue. Le champion du monde, 26 ans, donne le sentiment de se solidifier, d'encore progresser, toujours plus intouchable, quand le leader des Visma, 28 ans, a l'air de plafonner, à un niveau stratosphérique bien sûr, mais qui ne lui permet plus de jouer avec son meilleur ennemi. Si bien que les références puisées dans le passé pour tenter de trouver des motifs d'espoir, la crise de confiance du Granon en 2022, la raclée du chrono de Combloux l'année suivante, sont obsolètes. Pogacar a d'ailleurs déjà effacé le souvenir pénible de Combloux lors du Dauphiné et il aura d'autres occasions dans cette Grande Boucle de laver des affronts passés, à Hautacam, au Ventoux et au col de la Loze. Si on regarde plus proche, cette saison, où est la lueur ? L'Amstel Gold Race (2e), seule fois où le Slovène est paru en surcuisson ? Le contre-la-montre du Dauphiné, raté en raison d'un manque de préparation et d'une mauvaise gestion ? Cela fait bien maigre. À leur opposition de style sur le vélo, le panache tout-terrain du premier face au conservatisme Tour-centré du second, s'est ajouté un contraste inversé en dehors. Tadej Pogacar a beau promener sa bonne humeur devant les caméras, jovial, bonhomme, il est un bloc inamovible, froid, qui ne dit jamais rien de ses sentiments profonds, alors que Jonas Vingegaard a ouvert les vannes, plus humain, davantage capable de montrer ses émotions, sans que ce soit forcément une faiblesse, même si on le sent traversé de tourments, dont on ne connaît pas vraiment l'intensité, mais qu'on devine, convaincus notamment que la chute du Pays basque aura été un tournant dans sa carrière. Le cadenassage de la bataille pour le maillot jaune peut rendre le reste de la course encore plus fou Vendredi, il reconnaissait, non pas une peur, mais en tout cas le début d'une prise de conscience des risques, un petit tracas mental qui est forcément un frein. Ajoutons à cela des déclarations défensives, se concentrer sur soi-même, et une manière de courir qui l'est aussi puisque, en montagne au Dauphiné, Vingegaard n'a même pas cherché à répondre à Pogacar, et c'est comme si l'idée de la défaite s'était déjà insinuée dans le camp néerlandais, qui accueille par ailleurs sur son maillot le retour dans le cyclisme de Rabobank, la dernière preuve que le cynisme n'a pas de limite. Le poison de la défaite a gagné toutes les formations, qui sont peu nombreuses à débarquer à Lille avec des ambitions au général. Même Remco Evenepoel, malgré sa flamboyance, a assimilé et accepté son infériorité. Mais le cadenassage de la bataille pour le maillot jaune peut rendre le reste de la course encore plus fou, car il va bien falloir trouver des moyens d'exister, et les ambitions de tout le peloton vont se reporter ailleurs, dans les échappées, les étapes accidentées des premiers jours que Mathieu Van der Poel voudra dynamiter, la promesse de batailles féroces. Au départ ce matin, la hiérarchie est donc posée, cristallisée, Tadej Pogacar paraît seul face à lui-même, comme depuis un certain temps, depuis qu'il a changé de dimension. Il reste à savoir si tout cela résistera à la magie et à la beauté cruelle du Tour de France, ce maître du destin. À lire aussi Que peut faire le peloton face à Pogacar, aussi offensif qu'ingérable ? Evenepoel : «Suivre en dépassant ma limite» Jacques Marinelli, la Perruche s'est envolée Nos favoris de l'édition 2025