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6 days ago
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Soyons intolérants envers l'itinérance
Depuis le début de l'été, les avocats se succèdent devant les tribunaux pour repousser le moment du démantèlement du campement d'itinérants rue Notre-Dame. Ils y seront encore ce vendredi. Cette situation vous rappelle-t-elle quelque chose ? D'été en été, on joue dans le même film. Un film où les perdants sont toujours les mêmes. Je pourrais écrire : attend-on que quelqu'un meure pour agir ? Pour faire de la lutte contre l'itinérance une priorité ? Mais quelqu'un est déjà mort – plusieurs personnes, même, au cours des dernières années –, et cela n'a pas changé grand-chose. Je ne dis pas qu'il ne se fait rien. Il y a beaucoup d'organismes communautaires sur le terrain qui tentent de créer des petits miracles avec peu de moyens. La Ville de Montréal et le gouvernement du Québec ne se croisent pas les bras non plus, mais ils n'en font pas assez. Surtout, ils le font sans ligne directrice. Malgré les nombreuses initiatives et les différentes tables de concertation créées au fil des ans, il n'y a toujours pas de chef d'orchestre qui coordonne et détermine les priorités dans ce dossier. Et ce, même si on le réclame depuis plusieurs années. Il y a encore trop de travail en silo. Ces observations figurent dans le rapport de l'Office de consultation publique de Montréal (OCPM) dévoilé le 10 juillet dernier. Dans ce rapport, l'OCPM recommande de mettre fin aux démantèlements, ce à quoi la Ville de Montréal s'oppose. C'est surtout cette recommandation qui a attiré l'attention. Mais ce volumineux document de 298 pages comporte beaucoup d'autres observations qui méritent notre attention. On y souligne entre autres le manque de leadership des différents gouvernements face à la crise de l'itinérance. Les auteurs observent « un déficit majeur sur le plan de la gouvernance, à Montréal et au Québec ». Ils notent aussi « un manque de clarté et d'imputabilité quant aux rôles et responsabilités des acteurs impliqués ». Or, ajoutent-ils, « cette lacune dans la gouvernance limite la capacité d'intervention, entraîne une gestion inefficace des ressources et provoque un désengagement et un épuisement professionnel chez le personnel œuvrant en itinérance ». C'est assez grave comme constat. On reproche également à la Ville de Montréal de mettre l'accent sur la sécurité des personnes logées aux dépens de celle des Montréalaises et Montréalais en situation d'itinérance. Or, rappellent les auteurs du rapport, nous avons tous les mêmes droits dans cette ville, que nous soyons logés ou pas. On recommande à la Ville de subventionner davantage les organismes communautaires, d'agir de façon plus marquée contre la crise du logement, de « créer les conditions propices à une cohabitation harmonieuse sur son territoire » et de redéfinir le mandat du commissaire à l'itinérance. Il n'existe pas de formule magique pour s'attaquer à l'itinérance. C'est un problème complexe, exacerbé par d'autres crises : celle du logement, de la dépendance aux substances et de santé mentale. Il n'y a pas de formule magique, mais il y a quand même des approches qui ont fait leurs preuves. À commencer par l'établissement d'un vrai leadership. On pourrait certainement arriver à de meilleurs résultats si les trois ordres de gouvernement – municipal, provincial et fédéral – mettaient en place une gouvernance claire, et que Québec prenait la direction de ce dossier. C'est l'une des 22 recommandations de l'OCPM. J'ai parlé des conclusions de ce rapport avec le responsable du dossier de l'itinérance au comité exécutif de la Ville de Montréal, Robert Beaudry. Il ne s'en cache pas, certaines conclusions du rapport l'ont heurté. « Quand je lis que la Ville de Montréal manque de leadership, personnellement, j'ai pris un coup, me confie-t-il. Depuis la pandémie, on a fait une réflexion profonde, on a créé le service d'habitation, on a mis sur pied l'Équipe mobile de médiation et d'intervention sociale (EMMIS). » PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE Robert Beaudry On trouve ça moche de se faire dire qu'on n'en fait pas assez, mais on met notre orgueil de côté. On va arrêter d'être toujours sur le volet des compétences et arriver avec des actions qui dépendent de 'nos' compétences. Robert Beaudry, responsable du dossier de l'itinérance au comité exécutif de la Ville de Montréal Les conclusions de l'OCPM quant à l'absence de leadership de Québec devraient intéresser toutes les villes québécoises. Depuis le sommet sur la question organisé par l'Union des municipalités du Québec (UMQ) en septembre 2023, les villes demandent justement au gouvernement provincial d'en faire plus. L'objectif de départ de cette consultation était de se pencher sur la question de la cohabitation sociale entre personnes logées et personnes en situation d'itinérance sur le territoire montréalais. L'OCPM a vite réalisé qu'il était impossible de parler de cohabitation sans prendre un pas de recul et considérer l'ensemble de la situation. C'est ce qui fait de ce rapport un document précieux auquel on pourra se référer à l'avenir. Dans leur conclusion, les commissaires expriment le souhait que l'intolérance de certains face aux personnes en situation d'itinérance puisse devenir une intolérance collective face à l'itinérance. On ne saurait mieux dire. Un mot sur les femmes Les Autochtones, la communauté LGBTQ+ et les femmes ne vivent pas l'itinérance de la même façon qu'un homme blanc d'âge moyen. Les femmes sont particulièrement vulnérables face à l'itinérance. Elles sont moins visibles et ont tendance à éviter les refuges mixtes et les haltes-chaleur. Harcèlement, violence, viols… voilà la dure réalité des femmes qui vivent dans la rue, d'où les besoins urgents de développer des ressources qui leur sont destinées, notent les commissaires de l'OCPM. À quand des haltes-chaleur – et des haltes-fraîcheur – pour femmes seulement ? Lisez le rapport de l'OCPM Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue


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10-07-2025
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L'OCPM appelle à suspendre tous les démantèlements
Les démantèlements des campements de sans-abri ne font que déplacer le problème, selon l'Office de consultation publique de Montréal. L'administration Plante doit cesser les démantèlements de campements de sans-abris tant que les ressources d'aide sont insuffisantes, estime l'Office de consultation publique de Montréal (OCPM). L'organisme montre aussi globalement du doigt le « manque de leadership » en itinérance dans la métropole. « Cette méthode, elle n'est pas appropriée. Elle ne respecte pas le principe que ces gens, ce sont des citoyens. […] Un démantèlement, c'est le déplacement du problème. Ce n'est pas une solution », a dit jeudi le président de l'Office, Philippe Bourke, en conférence de presse. Il dévoilait le rapport très attendu de son organisation sur l'état de l'itinérance à Montréal. Menée depuis décembre 2024 auprès de milliers de Montréalais, une vaste consultation de l'OCPM avait pour thème la cohabitation sociale avec les sans-abri, avec comme point focal la gestion des campements. D'après le rapport, « le démantèlement des campements accable les personnes en situation d'itinérance en brisant leurs liens communautaires ». L'OCPM suggère de créer un comité responsable d'élaborer une politique sur les campements. Jusqu'à l'adoption de cette politique, il faut « suspendre les démantèlements », statue l'Office. Selon l'organisme, il faudrait dans l'intervalle aménager d'urgence des infrastructures sanitaires à proximité des campements, autrement dit des toilettes, mais aussi des services de collecte des déchets, une alimentation électrique de base, de l'accès à l'eau potable – y compris dans le métro – ainsi que des lieux d'entreposage. « On veut plus de solidarité, moins de sécurité », a résumé M. Bourke, reconnaissant néanmoins que « la Ville doit composer avec le bout du tuyau alors que le problème relève du manque de ressources ». « Manque de leadership » D'après l'OCPM, « un déficit majeur » existe par ailleurs « sur le plan de la gouvernance en matière de lutte à l'itinérance à Montréal ». « Ce déficit se traduit par un manque de leadership, mais aussi de clarté et d'imputabilité quant aux rôles et responsabilités des acteurs impliqués », martèle l'organisme. « La gouvernance défaillante a comme conséquences de limiter la capacité d'intervention, d'entraîner une gestion inefficace des ressources et de provoquer un désengagement et un épuisement professionnel chez le personnel œuvrant en itinérance », ajoute-t-il, mettant autant en cause Québec que Montréal. L'administration Plante doit réagir plus tard jeudi. D'après nos informations, elle évaluera la création d'une politique sur les campements. Imposer une suspension de cette pratique est toutefois contraire à la position de la mairesse Valérie Plante. Cette dernière fait valoir depuis plusieurs années déjà qu'un campement vient avec de la criminalité, des risques d'incendies, voire de viols. L'important, dit-elle, est « d'avoir un toit au-dessus de sa tête ». PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE Un avis d'éviction laissé au campement Notre-Dame, dans Hochelaga-Maisonneuve. Montréal compte cela dit répondre à la première recommandation de l'OCPM, soit d'émettre une déclaration municipale à l'effet que les citoyens non logés sont des Montréalais à part entière et ont droit à la dignité. À court terme, le campement de la rue Notre-Dame pourra encore demeurer en place. Un nouveau sursis de dix jours a été annoncé jeudi, ce qui signifie qu'un potentiel démantèlement ne pourra avoir lieu avant au moins le 21 juillet prochain. C'est le ministère des Transports qui est propriétaire du terrain. Selon Me Donald Tremblay, le fondateur et directeur général de la Clinique juridique itinérante, l'approche du démantèlement « est inhumaine et porte atteinte » à la vie, la sécurité et la dignité des personnes itinérantes. « Le Québec connaît une crise sans précédent, où il n'existe pas assez de places dans des ressources d'hébergement d'urgence, et encore moins en logement », a-t-il dit. Québec doit faire plus Dans son rapport, l'Office réitère par ailleurs que la responsabilité première de la gestion de l'itinérance incombe d'abord au gouvernement provincial. Un plan d'action « responsable » en itinérance doit être mis sur pied pour cesser de prévoir les ressources « dans l'urgence », insistent les commissaires. Ceux-ci appellent aussi à « bonifier substantiellement le financement des organismes communautaires » et à cesser de recourir à du mobilier urbain « pour éloigner les personnes en situation d'itinérance ». La Ville, elle, devrait arrêter de « recourir à des agences de sécurité privées pour encadrer le partage de l'espace public en lien avec l'itinérance », lit-on dans le rapport. On suggère de créer une « ligne téléphonique dédiée ou une application » de signalement des agressions, qui pourrait être gérée par le SPVM. Entre 2018 et 2022, l'itinérance visible a augmenté de 33 % dans la métropole. Selon un récent dénombrement provincial réalisé en octobre 2022, on compte 10 000 sans-abris au Québec, un chiffre qui devrait exploser encore, mais qui représente déjà une augmentation de 44 % en cinq ans.