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Pourquoi Roche retire un traitement anticancéreux du marché suisse malgré son efficacité
Le Lunsumio, traitement prometteur contre le cancer, ne sera plus disponible pour les nouveaux patients. Un bras de fer oppose le géant pharmaceutique à l'OFSP et inquiète les spécialistes. Publié aujourd'hui à 16h38 À chaque étape d'un essai clinique, Roche évalue la sécurité et l'efficacité afin de déterminer le profil bénéfice-risque d'un médicament. ROCHE En bref: Thilo Zander est cancérologue au Centre d'oncologie intégrative de Zurich. Depuis trois semaines, son métier est devenu plus compliqué que jamais. Comment expliquer à ses patients ce qui s'est passé? «Il existe un médicament efficace, mais vous n'y aurez pas accès…» L'oncologue s'inquiète à cause d'un bref e-mail reçu de Roche il y a trois semaines. Dans ce courrier électronique, le groupe pharmaceutique annonce le retrait du marché du médicament anticancéreux Lunsumio au 1er juillet, soit une semaine plus tard. Roche explique cette décision par des «défis croissants» concernant la fixation des prix, le système actuel atteignant ses limites face aux thérapies innovantes. «C'est une question d'argent qui se fait sur le dos des personnes gravement malades», déclare Thilo Zander, spécialiste du cancer. DR Pour le spécialiste et beaucoup de ses collègues, cette décision est une gifle. «C'est une question d'argent qui se fait au détriment des personnes gravement malades.» Le médicament représente un véritable espoir pour les personnes souffrant d'un cancer avancé des ganglions lymphatiques, particulièrement lorsque les deux thérapies antérieures n'ont pas fonctionné. «Jusqu'à maintenant, il fonctionne rapidement et de façon fiable. Presque tout le monde répond favorablement. De nombreuses tumeurs disparaissent», explique le médecin. «Ces patients et leurs familles ont déjà subi deux rechutes. Et maintenant, cette substance efficace et bien tolérée devrait disparaître?» Christoph Renner, professeur et hématologue au Centre d'oncologie intégrative de Zurich, est également surpris par cette décision. «Les patients actuels reçoivent toujours le médicament, mais les nouveaux n'y ont plus accès. Beaucoup se sentent désorientés pendant les consultations et expriment leur peur.» Ce qui l'irrite particulièrement, c'est que Roche, d'après un e-mail, refuse désormais les remboursements au cas par cas, une pratique nouvelle. Auparavant, on pouvait lire: «Si vous avez des patients concernés, contactez-nous.» Cette mention a disparu. Procédure spéciale d'«accès anticipé» Le remboursement au cas par cas est un mécanisme suisse qui a démontré son efficacité. Lorsqu'un médicament est nécessaire, mais pas encore officiellement autorisé ou remboursé, les médecins peuvent soumettre une demande spéciale à la caisse maladie pour les cas exceptionnels. Roche n'autorise plus cette option. Que s'est-il passé? Le Lunsumio a été ajouté à la liste des spécialités, le répertoire officiel des médicaments de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), en février 2023. Cette liste détermine quels médicaments sont remboursés par l'assurance de base. Le parcours pour y arriver a été inhabituel. Le médicament est arrivé sur la liste par le biais d'une procédure dite d'«Early-Access» , un projet pilote de l'OFSP, de Swissmedic, l'autorité d'autorisation et de contrôle des produits thérapeutiques en Suisse, et de Roche. Elle permet un remboursement avant que toutes les données cliniques ne soient disponibles. Swissmedic a octroyé une autorisation temporaire , tandis que l'OFSP a élaboré un modèle de tarification spécifique avec Roche. Afin de partager le risque financier lié à un médicament encore en phase de test, un accord prévoyait que la firme finance les premières doses jusqu'à ce qu'elles démontrent leur efficacité, le reste étant ensuite assumé par les caisses maladie et l'État. Cela se produisait systématiquement après un ou deux mois. Le reste du traitement a coûté plus de 100'000 francs, montant qui a été remboursé par les assurances maladie. Le prix était aligné sur celui de médicaments similaires en Suisse et à l'étranger. Roche demande plus de fonds Mais en février, quand l'autorité de contrôle des produits thérapeutiques a dû prolonger l'autorisation temporaire de mise sur le marché en raison de données toujours manquantes, Roche a brusquement abandonné le modèle de prix négocié. Et a exigé une compensation financière plus importante. L'OFSP est resté ferme. «Nous ne pouvons pas faire d'exception si la base de données sur l'efficacité du médicament ne s'améliore pas de manière significative et si Swissmedic n'a pas autorisé le médicament selon la procédure normale. Sinon, nous ne traitons pas toutes les entreprises pharmaceutiques de façon équitable», explique Jörg Indermitte, responsable de la section Admissions des médicaments à l'OFSP. Son message est clair. Dès que l'OFSP fait une concession, cela ouvre la voie à toutes les demandes. Chaque fabricant pourrait exiger une réglementation sur mesure qui lui serait favorable, notamment pour imposer des prix plus hauts. La Suisse possède déjà les prix les plus élevés d'Europe. «Au cours des derniers mois, nous avons déjà fait d'importantes concessions à Roche dans le cadre de nouvelles négociations», explique Jörg Indermitte. Le Lunsumio est beaucoup plus onéreux que les traitements utilisés jusqu'à maintenant. «Nous ne comprenons pas la démarche de Roche. Mais nous restons bien sûr ouverts au dialogue et souhaitons trouver une solution.» Bras de fer avec l'OFSP Roche, quant à elle, rejette la responsabilité sur l'OFSP. Le développement d'un médicament coûte en moyenne environ 5,5 milliards de francs, et seul un principe actif sur dix aboutit à un résultat positif dans la recherche. Dans la pratique quotidienne des médecins, il apparaît déjà que le Lunsumio présente un bénéfice très important pour les patients. «La valeur ajoutée médicale doit être prise en compte dans le remboursement», déclare Katharina Gasser, directrice générale du groupe. C'est seulement de cette façon que Roche pourra continuer à fournir des médicaments innovants dans le futur. Dans son bras de fer avec l'Office fédéral de la santé publique, Roche tient un atout majeur avec le Lunsumio. Le médicament montre ses premiers effets. Les oncologues s'engagent à le soutenir. De plus, la pression sociale est intense, le cancer étant un sujet qui suscite de fortes émotions. En Suisse, une personne sur trois est affectée par cette maladie au cours de sa vie. De nos jours, cette maladie reste fréquemment mortelle. L'espoir de découvrir un médicament miracle est donc immense. Non autorisé en France et en Angleterre En Grande-Bretagne et en France, le Lunsumio n'est pas encore remboursé, car les données disponibles sont jugées insuffisantes. Selon le National Institute for Health and Care Excellence britannique, responsable des directives basées sur les preuves et des évaluations coûts-bénéfices dans le domaine de la santé, les études cliniques montreraient certes que le médicament ralentirait le cancer, «mais il n'a pas encore été directement comparé à d'autres thérapies ou à un placebo». Kerstin Noëlle Vokinger, professeure de droit et de médecine à l'Université et à l'EPF de Zurich, a déclaré: «Nous avons besoin de données suffisantes pour comprendre l'effet et les effets secondaires des nouveaux médicaments, et pour fixer un prix en fonction des critères prescrits par la loi et la réglementation.» Quand un médicament est remboursé en l'absence de données probantes sur son efficacité, il est essentiel de fournir ces preuves dans les plus brefs délais. Si ce n'est pas possible et que le prix augmente malgré tout, cela ouvre la porte à d'autres exceptions. «À l'avenir, d'autres médicaments pourraient devenir plus chers sans fournir les données nécessaires.» Kerstin Noëlle Vokinger est professeure de droit et de médecine à l'Université de Zurich et à l'EPFZ. BALZ MURER/TAMEDIA Les prix moyens des médicaments récemment élaborés continuent d'augmenter chaque année. Les travaux de recherche de Kerstin Noëlle Vokinger le confirment. Le coût réel de développement de chaque nouveau médicament demeure un mystère. Il est protégé par le secret commercial. C'est pour cette raison que la Ligue suisse contre le cancer réclame depuis longtemps davantage de clarté. Selon sa porte-parole Stefanie de Borba, les modèles de prix complexes négociés entre l'OFSP et l'industrie pharmaceutique accentuent le manque de transparence. Les décideurs politiques peinent ainsi à se forger une opinion. L'entreprise pharmaceutique aurait, à plusieurs reprises, menacé de compromettre l'accès aux médicaments en Suisse. «Jusqu'à présent, nous n'avons jamais connu de cas où l'on en est effectivement arrivé là», ajoute l'attachée de presse. Mais cette fois, c'est différent. «Il est très préoccupant que Roche refuse d'envisager des remboursements au cas par cas pour une maladie mortelle.» Selon ses propres déclarations, Roche ne propose pas de remboursement au cas par cas, car les conditions de remboursement ne sont pas non plus remplies dans ce cas. Roche fournit donc le médicament gratuitement après examen au cas par cas, explique Katharina Gasser. Cela se fait par le biais du programme Swiss Patient Access, un système d'accès volontaire mis en place par Roche pour les patients atteints d'un cancer grave dans des cas de rigueur. Les experts suspectent également que des motifs géopolitiques ont influencé la décision de Roche. Le président Donald Trump a annoncé son intention de réduire les prix des médicaments aux États-Unis et de les aligner sur ceux pratiqués en Europe. «Les États-Unis représentent le marché le plus important de Roche», renseigne Stefanie de Borba. «Visiblement, le groupe cherche à compenser les pertes éventuelles en relevant ses prix en Europe. Le Lunsumio est son premier test.» La directrice générale de Roche Suisse affirme que l'entreprise travaillait déjà à l'amélioration des modèles de tarification, lesquels ne nécessitent aucune mesure d'urgence, bien avant l'annonce faite par le président américain. Dans ce contexte, elle a mis en garde contre les répercussions sur le système de santé suisse si la situation demeure inchangée. Traduit de l'allemand par Emmanuelle Stevan À propos de l'industrie pharmaceutique Catherine Boss est co-responsable de la cellule enquête Tamedia, et focalise son travail sur des sujets médicaux, économiques et judiciaires, ainsi que sur d'autres sujets investigations. Avec des collègues elle a obtenu le Swiss Press Award et à deux reprises le Prix zurichois du journalisme. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


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6 days ago
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Vivre sans alcool, un choix libérateur qui séduit de plus en plus
La baisse de la consommation d'alcool impacte les ventes, mais elle profite aux individus: deux femmes et un homme racontent pourquoi ils ont choisi d'être abstinents. Publié aujourd'hui à 14h01 De gauche à droite: Mina Steinmann, Jo Dunkel et Natascha Wolfer ont choisi de renoncer à l'alcool. Photos: Raphael Moser, Pino Covino En bref: La filière viticole est en pleine crise, les boîtes de nuit ferment, les restaurateurs voient leur chiffre d'affaires baisser: la consommation d'alcool chez les jeunes est-elle en chute libre? C'est un fait, les Suisses boivent moins . Selon les chiffres de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), la vente moyenne d'alcool de bouche est passée de 10,6 litres en 2001 à 8 litres par personne en 2023. Depuis des décennies déjà, la consommation est en recul, comme le souligne la Croix-Bleue. Selon les données de l'enquête suisse sur la santé, 17% des plus de 15 ans ne consomment pas d'alcool. «Mais on ne fait pas de distinction entre les personnes qui n'ont jamais bu et celles qui ont arrêté», précise Martin Bienlein, de la Croix-Bleue. Ce sont surtout les jeunes qui boivent moins en semaine, «mais ils ont tendance à boire de façon excessive le week-end». À l'heure de midi, en semaine, les gens boivent peu, voire pas du tout, en particulier du vin. Les boissons sans alcool séduisent D'autres solutions alternatives sans alcool enregistrent d'importants taux de croissance, selon Martin Bienlein, «bien des secteurs envieraient de tels résultats». Pour la bière, le vin mousseux et le vin blanc, beaucoup ne remarquent même plus la différence. «En revanche, le vin rouge peine encore à convaincre.» La dernière tendance est celle des boissons sans alcool qui ne cherchent même plus à imiter le goût de la bière ou du vin. Il s'agit de boissons fermentées comme le kombucha ou les thés pétillants. La baisse de la consommation n'est pas sans conséquence. «Le secteur du viticole a connu des jours meilleurs», explique Oliver Gianettoni, de Swiss Wine Promotion. La consommation de vin est en baisse en Suisse et dans le monde. Depuis 2019, la consommation de vin suisse a diminué de 7% par an selon les données de l'Office fédéral de l'agriculture, «cette tendance nous inquiète». Nous avons rencontré trois personnes pour qui renoncer à l'alcool est à la fois libérateur et bénéfique. Elles expliquent les raisons derrière ce choix. «Je me sentais seule parce que je ne buvais pas»: Mina Steinmann (24 ans), logopédiste, Winterthour «L'alcool ne m'a jamais intéressée. Chez les autres, je ne voyais que les effets négatifs: ils vomissaient, ils avaient la gueule de bois et perdaient toute une journée de leur week-end pour quelques heures de fête la veille. Comme je n'en voyais pas l'intérêt, je n'ai jamais commencé à boire. D'autres arguments se sont ajoutés par la suite. Le fait de savoir que l'alcool est nocif pour mon corps, par exemple. J'ai aussi vu les effets d'une consommation régulière chez les pères de certaines amies, notamment sur leur comportement. Je n'ai pas envie d'être comme ça à 50 ans. Un autre élément important est que je souffre de TDAH: le risque de dépendance est encore plus élevé dans mon cas. C'est pourquoi j'ai pris cette décision radicale. Mina Steinmann assume pleinement son choix. Photo: Raphael Moser Je fais très attention à mon corps: je mange végane, je n'ai jamais fumé ni consommé aucune substance. Parfois, je me demande ce que les autres pensent de moi: «Elle ne mange pas de produits d'origine animale, ne boit pas d'alcool, ne fume ni cigarettes ni joints… C'est qui, cette fille?» Mais aujourd'hui, ça ne me dérange plus. Au contraire, je suis fière d'être aussi forte. Et franchement, je me trouve plutôt cool! Avant, je me sentais souvent seule parce que je ne buvais pas d'alcool. À l'adolescence, c'est encore plus difficile de rester fidèle à ses convictions. J'en avais même honte. Mes amies arrivaient souvent ivres à l'école; lors des pique-niques, elles buvaient de la vodka et moi de l'eau. J'avais toujours l'impression qu'elles avaient beaucoup plus d'amis que moi et qu'elles étaient plus populaires, parce que je ne sortais jamais. Chaque week-end, de nouvelles personnes rejoignaient leur cercle: il y avait des rencontres, des groupes de discussion… et moi, je restais à l'écart. À 16 ans, à mon entrée au gymnase de Zurich, j'ai rencontré pour la première fois d'autres jeunes qui, comme moi, ne buvaient pas. Ça a été un vrai soulagement. Je me sens toujours plus à l'aise avec des personnes qui ne boivent pas. Dans un groupe de buveurs, il m'arrive encore de penser que je suis ennuyeuse, coincée, ou que les autres sont plus amusants que moi. Mais quand je suis entourée de gens qui ne consomment pas d'alcool, ce genre de pensées absurdes ne me vient jamais à l'esprit. Les hommes ivres, c'est ce qu'il y a de pire. Ils ne se contrôlent plus. J'en ai malheureusement fait l'expérience. En tant que jeune femme, je dois redoubler de vigilance pour ne pas perdre le contrôle. C'est triste, mais pour moi, c'est une raison centrale de ne pas boire. C'est comme ça. Bien sûr, tous les hommes ne se comportent pas comme ça, mais ce sont toujours des hommes qui dépassent les limites. D'ailleurs, je ne sors quasi plus en soirée. Il m'arrive seulement d'aller danser avec ma mère de temps en temps. Avant, les gens essayaient de m'inciter à boire. Juste une bière, il n'y a presque pas d'alcool. Ou encore, juste un verre, c'est pour trinquer! J'ai souvent entendu ce genre de phrases. Mais pour moi, ça a toujours été clair: pas une goutte d'alcool, car le moindre écart est déjà de trop. Heureusement, les jeunes boivent moins aujourd'hui. Il y a dix ans, le but était encore souvent de finir complètement ivre. Il y a clairement eu un changement de mentalité. Choisir de ne pas boire d'alcool, c'est clairement un choix de vie. Une question d'état d'esprit. Je ne vois pas ce qui pourrait remettre en cause ma décision. C'est peut-être ça, au fond, ma seule addiction: prendre soin de ma santé mentale et physique.» «L'alcool a pris le contrôle de ma vie» : Jo Dunkel (62 ans), distillateur de boissons sans alcool, Bâle «L'alcool occupait toutes mes pensées. Je calculais les moments où je pouvais boire, ceux où je ne le pouvais pas, ainsi que la quantité et le type d'alcool. Je jonglais avec ma dépendance, j'essayais de la contrôler en me fixant des règles, comme ne boire que le week-end ou faire des pauses. Mais rien ne fonctionnait. J'étais fortement dépendant. Après quelques verres à l'apéritif, je pouvais sans problème boire une bouteille de vin blanc et une bouteille de vin rouge, même seul. Je me souviens de ma langue qui devenait de plus en plus engourdie, de la réalité qui se brouillait peu à peu. À partir d'un certain point, je me retirais et gardais le silence, en attendant que mon taux d'alcool redescende. J'ai toujours cherché à cacher mon ivresse, mais il m'est arrivé de perdre le contrôle. Enfin libre après des années d'addiction: Jo Dunkel déguste une boisson sans alcool en terrasse, à Bâle. Photo: Pino Covino La souffrance psychique devenait de plus en plus forte, pour moi, mais aussi pour ma femme et mes deux enfants. L'alcool a changé ma personnalité: je suis devenu moins patient, moins réfléchi, plus irritable aussi, et mon ton était plus dur. Je suis marié à ma femme depuis 25 ans, elle a supporté les hauts et les bas et m'a aidé à ouvrir les yeux sur moi-même. Même si elle ne m'a jamais mis la pression, j'ai fini par comprendre qu'elle ne pourrait pas supporter cette situation indéfiniment. J'ai réussi à arrêter l'alcool grâce au soutien précieux de mon entourage. Depuis mes 56 ans, je ne bois plus. Je n'ai pas suivi de thérapie. Ce qui m'a vraiment aidé, c'est de parler de mon problème avec mes amis et ma famille. Ça a été une libération. Même si, au début, j'avais un peu peur du changement. De perdre mon humour, de devenir ennuyeux. Les gens trop sérieux m'inspirent de la méfiance. Mais je peux encore être exubérant et un peu déraisonnable, J'en profite même davantage, parce que je suis clair dans ma tête et que je suis pleinement conscient de ce que je vis. Il est tout à fait possible d'être heureux sans alcool. Avec le temps, j'ai également ressenti des changements physiques. Je suis en meilleure forme, je dors mieux et je prends des décisions plus rationnelles qu'émotionnelles. Ma décision d'arrêter l'alcool a suscité de nombreuses réactions positives. Aujourd'hui, je ne dois plus autant me justifier qu'avant, d'autant plus que, dans mon entourage, les gens boivent aussi de moins en moins. Que les autres boivent ne me pose aucun problème. En revanche, quand l'ambiance dérape et que les soirées arrosées entre hommes ne se résument qu'à des échanges de propos stupides, je perds tout intérêt. Ma femme boit de l'alcool, mais très modérément. La boisson ne me tente plus et je n'ai pas peur de rechuter. C'est simple, j'ai choisi de ne plus jamais boire. Au moment même où j'ai prononcé cette phrase, j'y ai cru. Et j'y crois encore aujourd'hui. Ça a été un véritable soulagement, un moment profondément libérateur. À partir de là, j'ai commencé à écrire une nouvelle histoire, débarrassé de ce fardeau. La fin de mon addiction a d'ailleurs marqué le début de ma propre activité: j'ai créé la première distillerie sans alcool de Suisse. Sous le label «edition dunkel», je développe des distillats sans alcool à base d'eau. J'ai toujours été intéressé par les plantes sauvages et je peux maintenant mettre cette passion au service de la production de boissons de qualité.» «Pourquoi infliger ça à mon corps?» Natascha Wolfer (34 ans), assistante spécialisée en salle d'opération, Berne «Il y a quelques mois, j'étais encore en fort surpoids. La décision de perdre du poids a entraîné un changement sur tout le reste. En février, j'ai subi une réduction de l'estomac. En vue de l'opération et pour préparer mon corps à la guérison, j'ai arrêté de boire et de fumer. J'ai tiré un trait sur ces substances et je vis depuis six mois dans l'abstinence totale. Avant, je ne me serais jamais considérée comme dépendante. Même si je buvais régulièrement, et que j'aimais ça, surtout le vin rouge. Il m'est aussi arrivé de vraiment déraper, comme lors de la cérémonie de fin d'apprentissage dans le secteur de l'hôtellerie, où j'ai suivi ma première formation. Mais je n'ai jamais totalement perdu le contrôle. J'ai toujours réussi à arrêter, parfois pendant quelques mois, parfois pendant un an ou plus. Pour moi, arrêter de boire s'inscrivait surtout dans une démarche de rééquilibrage alimentaire, l'alcool n'ayant pas sa place dans un régime. À Berne, Natascha Wolfer se rafraîchit avec un Pink Spritz sans alcool. Son passage du secteur de la restauration à celui de la santé a largement influencé sa décision de renoncer à l'alcool. Photo: Raphael Moser J'ai toujours travaillé dans des établissements plutôt haut de gamme et je sais exactement quelle boisson va avec quel plat; je connais bien le vin et les spiritueux. Dans le secteur de la restauration, boire et fumer fait presque partie du métier. Pour moi, il était donc normal de consommer régulièrement. Puis j'ai eu un déclic. J'ai compris que ce mode de vie n'était pas bon pour moi, que je voulais du changement. En 2017, j'ai entamé une formation d'assistante spécialisée en salle d'opération. Ce passage du secteur de la restauration à celui de la santé a marqué un tourant décisif dans ma vie. Avant, je voyais les gens endommager leur corps, maintenant, lors des transplantations, je constate concrètement les dégâts causés par l'alcool et le tabac sur le foie et les poumons des patients. Plus j'en apprenais sur les effets de la consommation d'alcool, et moins il me paraissait logique de boire. Pourquoi infliger ça à mon corps? L'alcool ne me manque pas. Je me sens libre, lucide et j'ai le contrôle sur mon corps et mon esprit. Pour moi, l'abstinence s'inscrit dans une démarche globale: il ne s'agit pas seulement d'être en forme pour l'été, mais plutôt de vieillir en bonne santé. Je veux donc faire du sport et prendre soin de mon corps et de mon esprit. Ce n'est pas seulement une question de volonté, je veux aussi me prouver que je peux très bien vivre sans alcool. Je continue à sortir et à fréquenter le même cercle d'amis. Mais souvent, je ne reste pas jusqu'à la fin des soirées. Ce n'est pas très agréable de voir les autres devenir de plus en plus ivres. De manière générale, je me sens plus à l'aise avec les personnes qui ne boivent pas. Heureusement, aujourd'hui on ressent beaucoup moins le besoin de se justifier. Il y a encore dix ans, on entendait souvent des remarques idiotes. J'ai régulièrement eu droit à des réflexions du type: «Tu es enceinte?» Aujourd'hui, les choses sont plus simples. Les jeunes boivent moins et les solutions alternatives à l'alcool sont nombreuses. Ne pas boire n'est donc plus si difficile. Même dans les moments tristes, quand avant j'aurais ouvert une bouteille avec une amie et pleuré avec elle. Il est tout à fait possible de pleurer sans alcool. Et de rire aussi, d'ailleurs.» Traduit de l'allemand par Laura Antonietti Sur la consommation d'alcool en Suisse Newsletter «Santé & Bien-être» Conseils, actualités et récits autour de la santé, de la nutrition, de la psychologie, de la forme et du bien-être. Autres newsletters Simone Lippuner ist Redaktorin im Ressort Region Bern und Kolumnistin. Ihr Fokus liegt auf der Berichterstattung aus Biel und dem Seeland. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.