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La Fonderie Horne a-t-elle raison de contester la norme québécoise ?
La Fonderie Horne a-t-elle raison de contester la norme québécoise ?

La Presse

time6 days ago

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La Fonderie Horne a-t-elle raison de contester la norme québécoise ?

Le complexe industriel de la Fonderie Horne, expoloité par l'entreprise Glencore, à Rouyn-Noranda La multinationale Glencore, propriétaire de la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda, a préoccupé beaucoup de citoyens quand elle a annoncé ne plus vouloir atteindre la norme québécoise pour la concentration d'arsenic dans l'air de 3 nanogrammes par mètre cube. Glencore demande au gouvernement du Québec de la laisser exploiter sa fonderie de cuivre à long terme avec une norme de 15 nanogrammes par mètre cube (ng/m3), a révélé l'entreprise à notre collègue Jean-Thomas Léveillé le mois dernier1. En 2023, l'entreprise disait pourtant vouloir « atteindre les objectifs » fixés par Québec. Glencore conteste même les travaux de la Santé publique du Québec. Regardons ce dossier complexe de plus près, en analysant les faits. Ce qu'exige Québec Depuis 2011, la limite légale de concentration d'arsenic dans l'air au Québec est de 3 ng/m⁠3 (c'est une moyenne annuelle). En théorie, la norme s'applique partout au Québec. En pratique, environ 100 projets industriels existants, dont la Fonderie Horne, ont une autorisation du ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs de dépasser ce seuil. Lors de sa dernière autorisation, accordée en 2023, Québec a forcé la Fonderie Horne à diminuer de façon importante ses émissions d'arsenic dans l'air : le seuil annuel maximal d'arsenic dans l'air devait passer graduellement de 65 ng/m⁠3 en 2023 à 15 ng/m⁠3 en 2027. D'ici à décembre 2027, Glencore doit aussi déposer un plan pour atteindre la norme québécoise de 3 ng/m⁠3 (il n'y a pas d'échéancier pour atteindre la norme). L'entreprise partait de très loin. La concentration d'arsenic dans l'air dans le quartier Notre-Dame à Rouyn-Noranda était de 134 ng/m⁠3 en 2015, 73 ng/m⁠3 en 2022 et 39 ng/m⁠3 en 2024. Glencore trouve aujourd'hui la norme de 3 ng/m⁠3 trop sévère. Elle est effectivement stricte. L'Union européenne suggère une cible de 6 ng/m⁠3. Les États-Unis n'ont pas de norme nationale. « C'est une norme qu'on adopte en vue de limiter les risques de cancer du poumon », explique Maryse Bouchard, professeure de santé environnementale à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS). Cela dit, Québec ne veut idéalement pas forcer des usines et d'une fonderie de cuivre à fermer. À Rouyn-Noranda, une ville de 43 000 habitants, la Fonderie Horne emploie 908 personnes. Pour protéger la population, le gouvernement établit donc un niveau de risque qu'il estime acceptable près des usines. Lorsqu'il est question de matières potentiellement cancérigènes, un risque considéré comme acceptable en Occident, par l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis (EPA) notamment, est généralement 1 cas additionnel de cancer pour 100 000 personnes2, 3, 4. Pour les fonderies de cuivre aux États-Unis, l'EPA estime que le niveau de risque acceptable est trois fois plus élevé, soit de 3 cas de cancer du poumon pour 100 000 personnes5. Selon l'INSPQ, pour le quartier Notre-Dame, tout près de la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda6 : une concentration d'arsenic dans l'air respectant la norme québécoise de 3 ng/m ⁠3 générerait 1,8 cas de cancer du poumon pour 100 000 personnes exposées durant 70 ans (risque prospectif total de l'arsenic, du cadmium et du nickel) ; générerait 1,8 cas de cancer du poumon pour 100 000 personnes exposées durant 70 ans (risque prospectif total de l'arsenic, du cadmium et du nickel) ; un taux d'arsenic dans l'air de 5 ng/m ⁠3 générerait 2 cas de cancer du poumon pour 100 000 personnes ; générerait 2 cas de cancer du poumon pour 100 000 personnes ; un taux de 15 ng/m ⁠3 générerait 3 cas de cancer du poumon pour 100 000 personnes, soit le niveau de risque considéré comme acceptable pour les fonderies de cuivre par l'EPA ; générerait 3 cas de cancer du poumon pour 100 000 personnes, soit le niveau de risque considéré comme acceptable pour les fonderies de cuivre par l'EPA ; un taux inférieur à 15 ng/m⁠3 protégerait aussi les enfants contre les effets de l'arsenic sur leur développement cognitif. Le risque est moins élevé dans d'autres secteurs de la ville, plus loin de la fonderie. Ce que demande Glencore Avant d'investir 300 millions, Glencore veut obtenir l'assurance que Québec l'autorisera à long terme à émettre 15 ng/m⁠3, et ne lui demandera pas de respecter la norme de 3 ng/m⁠3. « Quinze nanogrammes par mètre cube, c'est une situation sécuritaire pour la communauté. On s'est engagés dans l'amélioration de l'environnement, mais c'est techniquement impossible de se rendre jusqu'à 3 ng/m⁠3 », dit en entrevue Vincent Plante, directeur général pour la filière cuivre en Amérique du Nord de Glencore. En mars 2023, Glencore semblait pourtant plus optimiste : « On va mettre tous les efforts, les gens sont mobilisés et on veut atteindre les objectifs », disait alors Marie-Élise Viger, directrice de l'environnement de Glencore⁠7. Pour contester la norme québécoise, Glencore s'appuie sur un rapport de septembre 2022 commandé à un expert américain, Christopher Martin, professeur à l'École de santé publique de l'Université de Virginie-Occidentale. Glencore avait présenté ce même rapport à Québec en 2022. M. Martin estime entre autres que Québec aurait dû mesurer le taux d'arsenic dans l'urine des citoyens, et non dans leurs ongles. Maryse Bouchard est fortement en désaccord avec les conclusions de ce rapport. De nombreuses études concluent que [la mesure de l'arsenic dans les ongles] est un excellent biomarqueur de l'exposition chronique. Maryse Bouchard, professeure de santé environnementale à l'INRS Glencore souligne que le taux d'arsenic dans l'air sans les activités de la Fonderie Horne a été estimé à 4,1 ng/m⁠3 en 2022 par le ministère de l'Environnement. Dans ce contexte, impossible de respecter la norme de 3 ng/m⁠3, estime l'entreprise. Québec juge toutefois que la concentration d'arsenic excluant les activités de la fonderie est probablement moins élevée actuellement en raison des « mesures de mitigation mises en place » depuis 2023. Glencore relève aussi que Québec exige que la concentration d'arsenic soit mesurée à l'endroit où elle est le plus élevée (dans la « station légale » située dans le stationnement de la fonderie), alors que l'Union européenne suggère de le mesurer là où vit la population en général. Il est vrai que le taux d'arsenic dans l'air est plus élevé près de l'usine qu'ailleurs à Rouyn-Noranda. En 2024, il était de 39,1 ng/m⁠3 dans le stationnement de la fonderie, de 7,8 ng/m⁠3 à l'aréna Glencore (le domicile des Huskies) et de 5,3 ng/m⁠3 à l'hôtel de ville. Existe-t-il une voie de passage ? Afin d'échapper à une norme plus stricte, Glencore reprend des arguments qui datent de 2022. Or, l'étude de l'INSPQ qui soutient la décision de la Santé publique et du ministère de l'Environnement en 2023 est solide et détaillée. Elle se base sur 10 autres études d'organismes crédibles, dont trois agences de protection de l'environnement aux États-Unis, Santé Canada et l'Organisation mondiale de la santé. En contestant les travaux de la Santé publique, Glencore n'aide pas au débat et ne sert pas sa cause. Au-delà de ces considérations, devrait-on permettre à Glencore de se voir imposer une norme de 15 ng/m⁠3 pour toujours ? Ça me semble malavisé. Un seuil de 15 ng/m⁠3 à long terme, c'est trop élevé, on est trop près du seuil acceptable défini par l'EPA. Mieux vaut appliquer le principe de précaution et viser plus bas. Glencore doit-elle pour autant absolument atteindre 3 ng/m⁠3 d'ici cinq ans ? C'est le cœur du débat en cours. Quand on regarde les chiffres et les rapports d'experts de plus près, ce qui me semble le plus important, c'est de passer le plus vite possible sous le seuil européen de 6 ng/m⁠3. À 5 ng/m⁠3, le taux de cancer du poumon attribuable à l'arsenic dans l'air est de 2 cas pour 100 000 personnes. À 3 ng/m⁠3, c'est 1,8 cas. Bref, il est plus important de passer de 15 à 6 ng/m⁠3 rapidement que de passer de 6 à 3 ng/m⁠3. Surtout si on considère que la concentration d'arsenic dans le quartier Notre-Dame est à un niveau dangereusement élevé depuis des décennies. En plus, le taux d'arsenic dans l'air sans les activités de la fonderie est évalué quelque part entre 2 et 4,1 ng/m⁠3. Peut-on vraiment exiger d'atteindre 3 ng/m⁠3 dans ces conditions ? Ma suggestion pour Québec : exiger une diminution à une concentration d'arsenic dans l'air comprise entre 3 et 6 ng/m⁠3 d'ici cinq ans. En tenant compte des circonstances et des avis d'experts, il me semble que ce niveau de risque est acceptable. 1. Lisez l'article « La Fonderie Horne refuse de respecter la limite provinciale » 2. Consultez une étude de Carex Canada sur l'estimation du risque excédentaire de cancer sur toute la vie (en anglais) 3. Consultez un sondage sur les pratiques actuelles à Santé Canada en matière d'évaluation des risques de cancer 4. Consultez un chapitre sur l'évaluation des risques et des dangers de l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis (en anglais) 5. Consultez une décision de l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis (en anglais) 6. Consultez un rapport d'évaluation du risque de l'Institut national de santé publique du Québec 7. Lisez l'article « Québec ignore les besoins des résidants qu'il veut déplacer » Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue

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