03-08-2025
Keith Richards n'aimait pas «Satisfaction»… et pourtant le riff est entré dans l'histoire
Le riff le plus abrasif des Rolling Stones est venu en rêve à son auteur, qui l'imaginait joué par des cuivres. La version finale est une démo. Publié aujourd'hui à 16h59
Keith Richards en concert avec The Rolling Stones en mars 1965. Le riff de «Satisfaction» naîtra deux mois plus tard des limbes de sa caboche.
imago images/TT
Ce matin londonien du 7 mai 1965, Keith Richards se réveille sans gueule de bois et avec un enregistreur à cassettes de la marque Phillips dont la touche record est enfoncée. Sur la bande, qu'il a la bonne idée de rembobiner, il entend deux minutes de guitare acoustique suivies de quarante minutes de ronflements – les siens. Le cofondateur des Rolling Stones , 22 ans, se remémore alors cette inspiration qui le saisit au milieu de la nuit et qu'il immortalisa sur cassette avant de verser à nouveau dans les bras de Morphée. Bien lui en a pris.
Peu de chansons aussi universellement célèbres que «(I Can't Get No) Satisfaction» auront couru autant de risques de ne jamais voir le jour. Il fallait que l'idée se faufile dans les rêves de Keith Richards, déjà. Qu'il la happe et la juge suffisamment digne d'intérêt pour justifier qu'il sorte de son lit, saisisse sa guitare et la sauve sur un magnétophone. Et pense à l'écouter au réveil. Non rock
Surtout, cette ritournelle se prédestinait à une orchestration à l'opposé de la forme sèche et abrasive qui allait devenir l'hymne d'une jeunesse en combustion. Le fan de Donovan l'imaginait en effet folk, lente, avec une section de cuivres pour jouer le riff principal. Qu'il enregistre le 11 mai à Hollywood, alors en tournée américaine, à l'aide d'un petit effet rigolo appelé fuzz que la marque Gibson vient d'inventer. «La pédale tombait à pic, ça donnait une forme à ce que les cuivres joueraient ensuite», se souvient-il dans ses mémoires («Life», p. 232).
The Rolling Stones en 1965.
imago images/TT
Trois semaines plus tard, The Rolling Stones sont sur une autoroute du Minnesota quand la radio passe «notre putain de morceau! On n'était même pas au courant que notre manager avait sorti le disque. J'étais mortifié: dans mon esprit, c'était juste une maquette. Et soudain on est numéro 1 aux States!»
C'était tellement une maquette que la chanson iconique, si on l'écoute attentivement, trahit l'imprécision hâtive du guitariste, qui rate même sa rentrée à 1'35! Comme quoi, la perfection numérique actuelle n'est pas le plus sûr moyen de rester dans l'histoire. Idem pour cet effet fuzz accidentel, qui deviendra illico l'arme atomique des groupes de garage, puis de punk, dans leur marche vers le son énervé.
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Longtemps, Keith Richards n'aimera pas «(I Can't Get No) Satisfaction». Sans doute la somme de ses aléas lui donnait-elle l'impression d'avoir été composée par un autre. Plus prosaïquement, sa rugosité sonore était particulièrement difficile à reproduire en concert. Trop bien jouée, avec de trop beaux effets, elle devenait boiteuse. Soixante ans plus tard, sa forme la plus écoutable reste celle d'un malentendu.
D'autres beaux ratés, pas toujours très rock
François Barras est journaliste à la rubrique culturelle. Depuis mars 2000, il raconte notamment les musiques actuelles, passées et pourquoi pas futures. Plus d'infos
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