5 days ago
Les punchlines du rap marseillais détournées pour une campagne anti-déchets
Le studio de création graphique Parade a installé début juillet des affiches dans la cité phocéenne reprenant de célèbres phrases de la culture hip-hop.
« Marseille, c'est la bouffe, le foot, le rap ». Anatole Royer, fondateur du studio de création graphique Parade l'a bien compris : pour s'adresser aux habitants de la cité phocéenne, il faut se rattacher à un sujet qui les passionne. Depuis plus d'une semaine, une trentaine d'affiches multicolores orne les abords des plages. Elles arborent des phrases inscrites en lettres capitales qui interpellent les passants. « Oh cousine, tu clean ou je t'explose ? », « Ce soir j'oublie tout, sauf les bouteilles vides »...
Ces expressions ne sortent pas de nulle part. Elles reprennent les paroles les plus célèbres du rap marseillais. Un extrait d'IAM dans Je danse le Mia (« Oh cousine, tu danses ou je t'explose ? »), ou encore de Jul dans J'oublie tout (« Ce soir j'oublie tout, je cherche mon chemin, je fais des détours »). « J'adore écrire ou réécrire des punchlines », admet le fondateur de Parade, un studio de graphisme de la région lancé il y a une dizaine d'années. Le rappeur SCH, aussi, apparaît sur quelques-unes des affiches : « Wesh alors ma race, quand tu pars, tu ramasses » au lieu de « Wesh alors ma race, tranquille ou quoi ? », ou « Ça prend ton Audi, ça prend ta gadji (femme, NDLR), ça prend ta CB (Carte bancaire, NDLR)» paroles auxquelles on rajoute « Ça prend le reste de ton déjeuner »...
Une trentaine d'affiches a été apposée dans Marseille.
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Campagne anti-déchets
Parmi toutes ces affiches, un élément revient. Chacun des textes a été changé en un cri d'alerte écologique. « Ce n'est pas compliqué de mettre ses déchets à la poubelle », interpelle Anatole Royer, sidéré. Le graphiste dit rencontrer ce fléau lors de chacune de ses promenades sur les plages phocéennes. Un grand regret dans une « ville aussi géniale » que Marseille, qui est « moins sale qu'on ne le pense », dit-il. Le problème, selon lui, vient de la manière dont la ville communique sur le ramassage des déchets : « Les affiches de la commune sont trop institutionnelles, personne ne les lit. J'ai voulu réfléchir à une manière de dire la même chose, mais d'une façon plus ludique. Malheureusement, la mairie ne peut pas s'exprimer comme je l'ai fait. »
C'est plus de l'éducation qu'autre chose Fondateur de Parade
Le graphiste n'a pourtant pas d'attache particulière au mouvement écologiste. « J'ai toujours été engagé, remarque-t-il. Mais je ne suis jamais allé manifester dans les rues pour ça. » Selon lui, ramasser ses déchets ne relève même pas d'un geste écologique, « c'est plus de l'éducation qu'autre chose ». Il pense aussi que « tout le monde devrait être écologique à cette échelle » et que c'est « simplement du bon sens » d'agir de la sorte.
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Réactions contrastées
Pour le moment, son initiative est saluée par « 99 % des Marseillais». En particulier les jeunes, fortement attachés au rap de la Région. Sur Instagram, sa publication regroupe près de 10 000 réactions positives. « Meilleure campagne de tous les temps », peut-on lire dans certains commentaires. « Belle initiative, à la marseillaise », écrit un internaute. « Il faut que la jeunesse prenne conscience, j'en vois trop encore jeter même depuis les rochers », estime un autre. La mairie de Marseille s'est même abonnée à son compte.
L'initiative a aussi ses détracteurs dont la voix, plus minoritaire, résonne aussi sur les réseaux sociaux. « J'ai surtout reçu des messages d'associations féministes », confie Anatole Royer. Ces dernières lui reprochent le collage de l'affiche reprenant la punchline d'IAM : « Oh cousine, tu clean ou je t'explose ? ». « C'est une injure à toutes les femmes », « racisme, violence, sexisme, chantage tout y est », « c'est effarant d'avoir choisi un extrait qui illustre les violences misogynes et rappelle aux femmes la menace constante qui pèse sur elles », s'indignent-elles sur la Toile.
Une association de défense des cochons reproche au graphiste de « colporter une image sale des cochons » sur cet extrait modifié de Bande Organisé.
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Le graphiste a publié un communiqué pour présenter ses excuses et expliquer qu'il ne voulait pas mettre en avant le sujet des violences faites aux femmes. « Je n'y ai pas pensé une seule seconde, dit-il. Je regrette cette lecture. C'est un combat qui m'est cher aussi et que je ne prends pas à la légère. Oui, c'est vulgaire, mais c'est la phrase qui est vulgaire. Le rap est parfois vulgaire. » Pire encore, sa campagne de sensibilisation a attisé la colère d'une association de défense des cochons qui lui reproche de « colporter une image sale des cochons » sur cet extrait modifié de Bande Organisée: « Nique ta mère sur la Canebière, nique les porcs sur le Vieux-Port. », au lieu de « Nique tes morts sur le Vieux-Port ». Une remarque qu'il dit avoir prise avec humour, car « c'est ça la beauté de 2025 ».