12-08-2025
Abolir la valeur locative va-t-il impacter vos impôts?
Le peuple devra décider s'il veut supprimer ce mécanisme fiscal pour le remplacer par une nouvelle taxe sur les résidences secondaires. Explications. Publié aujourd'hui à 07h30
La mesure aura un effet direct sur les propriétaires et indirect sur les locataires.
VQH
En bref:
Ne vous fiez pas à son nom barbare. Derrière «l'arrêté fédéral relatif à l'impôt immobilier cantonal sur les résidences secondaires» – sur lequel nous voterons le 28 septembre – se cache une vaste réforme qui va vous toucher directement si vous êtes propriétaire. Et indirectement si vous êtes locataire.
Serez-vous parmi les gagnants ou les perdants ? Décryptage en six questions. Quel est l'objectif de cette réforme?
À la base, le projet ne prévoyait que de supprimer la valeur locative pour les résidences principales, ce qui aurait comme effet des pertes fiscales d'environ 1,6 milliard par an: deux tiers pour les cantons, un tiers pour la Confédération.
Pour pallier ce manque à gagner, une autre réforme a été ajoutée au paquet soumis au peuple le 28 septembre. Il s'agit de donner la possibilité aux cantons qui le souhaitent de créer un nouvel impôt sur les résidences secondaires.
C'est ainsi que ce nouvel impôt sur les appartements et maisons de vacances est devenu en même temps un référendum sur l'abolition de la valeur locative. Les deux projets étant liés, si l'arrêté fédéral est rejeté, c'est toute la réforme qui part à la poubelle. Pourquoi veut-on supprimer la valeur locative?
La valeur locative est un terme bien connu des propriétaires qui remplissent leur déclaration d'impôt. Il représente la valeur théorique de loyer annuel qu'un bien immobilier pourrait générer s'il était loué. L'idée est la suivante: comme les propriétaires ne paient pas de loyer, ils ont des avantages économiques par rapport aux locataires. C'est cette inégalité que doit compenser la valeur locative. Les cantons fixent alors un loyer annuel présumé pour les propriétaires. Ce montant est alors ajouté à leurs revenus imposables.
Difficile de dire dans quel sens le vent va tourner lors des votations du 28 septembre prochain.
Adrian Moser
Reste que ce principe est régulièrement critiqué. Pour une frange politique, la valeur locative est injuste, car elle oblige les propriétaires à payer un impôt sur un revenu qu'ils ne perçoivent pas concrètement.
Pour contrebalancer cette réalité, le système actuel permet aux propriétaires de déduire les frais d'entretien de leur logement, mais aussi les intérêts de la dette qu'ils ont dû contracter pour l'acheter, ce qu'on appelle les intérêts débiteurs. Si la réforme est acceptée, ces deux déductions seraient supprimées. Chez qui ce projet suscite-t-il de l'enthousiasme?
Le soutien à ce paquet vient plutôt des partis de droite et du lobby des propriétaires. Ils estiment que la valeur locative va à l'encontre de la stabilité financière. Comme les propriétaires peuvent jouer sur la déduction des intérêts débiteurs pour limiter les effets de la valeur locative, les ménages seraient incités à ne pas rembourser leur hypothèque. Cela est perçu comme injuste pour ceux qui n'ont plus de dette, ou l'ont fortement réduite.
Autre argument: la situation des retraités . La propriété du logement est également conçue comme une prévoyance vieillesse. Le projet d'abolition de la valeur locative renforcerait ces efforts: les personnes qui ont économisé toute leur vie pour pouvoir vivre sans dettes et en toute sécurité pendant leur vieillesse ne seraient plus pénalisées.
Les partisans ajoutent encore que le changement de système tient compte de la réalité des primo-accédants. Comme la dette hypothécaire est la plus élevée immédiatement après l'achat d'un bien, la réforme prévoit que les intérêts seront toujours déductibles pendant dix ans, mais de manière progressive.
Enfin, le nouvel impôt sur les résidences secondaires, qui pourrait être mis sur pied par les cantons, permettrait de renforcer la justice fiscale. Il évite en effet que les propriétaires de résidences secondaires soient avantagés par rapport à ceux de résidences principales. Chez qui ce projet suscite-t-il des craintes?
L'abolition de la valeur locative est un vieux serpent de mer . Jusqu'ici, toutes les tentatives ont échoué. Aujourd'hui encore, le maintien du système actuel est défendu par les partis de gauche et le lobby des locataires.
Et ils ont un allié de poids: les cantons. Ces derniers craignent que les pertes fiscales occasionnées par la réforme ne soient pas compensées par le nouvel impôt sur les résidences secondaires, ce qui créerait un déséquilibre fiscal. Déséquilibre qui s'ajouterait au plan d'économies de la Confédération.
Le secteur de la construction craint le contrecoup de la réforme.
VQH
Comme l'abolition de la valeur locative entraînerait la suppression des déductions des frais d'entretien, certains milieux économiques sont aussi opposés au projet, craignant un coup dur pour le secteur de la construction. Et comme les déductions fiscales pour les rénovations énergétiques passeraient aussi à la trappe, la réforme porterait aussi un coup dur à la transition énergétique.
De façon générale enfin, le camp du non estime que ce projet reviendrait à offrir un cadeau fiscal aux propriétaires, alors que 60% des ménages en Suisse sont locataires et subissent directement la hausse des loyers. Qui seraient les gagnants?
Du côté des gagnants, on trouve les propriétaires. Selon une analyse de la Confédération , environ 80% d'entre eux profiteraient de la réforme. Ceux ayant acquis un bien neuf, sans travaux de rénovations à effectuer, seraient assurément les mieux lotis. De même que les propriétaires qui ont presque entièrement amorti leur hypothèque et n'ont pas grand-chose à gagner de la déduction des intérêts débiteurs. Parmi eux, beaucoup de retraités.
On peut aussi ajouter à la liste les primo-accédants, qui bénéficieraient de déductions fiscales importantes lors de la première décennie. Qui seraient les perdants?
Du côté des perdants, on trouve les propriétaires très endettés ou ceux qui possèdent un bien ancien nécessitant de coûteux travaux de rénovation. Le nouveau système risque en effet de décourager ces propriétaires d'entretenir leur maison, ce qui aurait pour conséquence une augmentation de l'écart de prix entre les constructions neuves et anciennes.
Enfin, les locataires n'étant pas pris en compte dans la réforme, ils n'auraient rien à y gagner. Voire potentiellement beaucoup à perdre, si l'équilibre global des rentrées fiscales n'est pas assuré avec l'impôt sur les résidences secondaires.
Plus sur la valeur locative et les impôts en Suisse Newsletter
«Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde.
Autres newsletters
Florent Quiquerez est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2015. Spécialisé en politique, il couvre avant tout l'actualité fédérale. Auparavant, il a travaillé comme correspondant parlementaire pour les Radios Régionales Romandes. Plus d'infos
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.