25-07-2025
«Ces filles ne bronzent pas, elles brûlent»: une dermatologue alerte sur la tendance TikTok des burn lines
Sur le réseau social, des jeunes femmes exhibent fièrement leurs coups de soleil. Derrière la tendance se cachent pourtant de graves risques pour la peau et une méconnaissance inquiétante des effets des UV, s'alarme le Pr Anne Dompmartin, dermatologue.
En 2025, une peau légèrement hâlée ne suffit plus pour témoigner d'avoir passé de bonnes vacances. Sur TikTok, derrière le hashtag #sunburnttanlines, des vidéos accumulant plus de 150 millions de vues mettent en scène des jeunes femmes exposant leurs coups de soleil pour mieux faire ressortir les lignes nettes de leur maillot. On les appelle «burn lines» ou «tan lines» (marques de brûlure ou de bronzage, en anglais). Cette forme radicale de bronzage, qui découle d'une exposition au soleil volontairement non protégée, vient tout droit d'Australie et repose sur un principe simple : s'exposer sans crème solaire donc, aux heures où l'ensoleillement est le plus fort (entre 11 heures et 15 heures), parfois enduite de produits bronzants pour forcer la peau à rougir. De quoi faire hurler les dermatologues.
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L'obsession de la marque
Dans leurs vidéos, les influenceuses évoquent leur routine de bronzage comme une démarche beauté à part entière. Certaines conseillent même d'appliquer des huiles végétales (carotte ou olive) avant d'aller bronzer, d'autres filment leurs rougeurs comme preuve d'un «bronzage en transition». Une utilisatrice montre même ses cloques avec fierté, tandis qu'une autre compare ses brûlures à un tatouage naturel. «Qu'elle soit rouge ou brune, une marque est une marque !», s'enthousiasme-t-elle.
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Une pratique hautement risquée
Mais sous l'esthétique apparente se cache une réalité implacable : un coup de soleil peut avoir des conséquences durables. Comme l'explique le Pr Anne Dompmartin, dermatologue et cheffe de service de dermatologie-vénérologie au CHU de Caen, «ces jeunes femmes ne bronzent pas, elles brûlent». «Ces brûlures provoquent une douleur immédiate, puis un décollement de la peau, détaille la dermatologue. Dans les cas les plus sévères, des cloques peuvent même apparaître. Puis, quand cela cicatrise, cela donne des petites taches brunes qu'on appelle familièrement des 'taches du cimetière' et qu'on garde toute la vie».
Les risques peuvent être bien plus graves. «Plus la peau est claire, plus on a des risques à long terme de mélanomes et de carcinomes, prévient la dermatologue. Les UV ont un effet sur l'ADN des cellules, qui, lorsqu'il est affecté, peut entraîner secondairement des cancers. Chaque coup de soleil augmente ce risque».
Selon Santé Publique France, plus de 85 % des cancers de la peau sont liés à une exposition excessive aux UV. Le mélanome, la forme la plus grave, touche 10% des cas. Et les coups de soleil à l'adolescence sont considérés comme un facteur de risque majeur. «Plus la peau est exposée tôt sur un épiderme en développement, plus elle vieillit prématurément et plus le risque de développer un cancer cutané plus tard augmente», signale le Pr Anne Dompmartin.
Et toutes les peaux ne réagissent pas de la même façon. «Souvent, ces jeunes filles ont la peau très claire, sans mélanocytes (les cellules de la peau chargées de produire la mélanine, le pigment responsable du bronzage, NDLR). Comme elles ne bronzent pas, elles ne bénéficient pas de cette barrière naturelle contre les UV et leur peau brûle systématiquement si elle n'est pas protégée», précise la médecin.
Des croyances tenaces
Le problème ne date pas d'hier. Dans les années 1920 déjà, Coco Chanel revenait bronzée de la Côte d'Azur et lançait, avec l'aide des magazines de mode, l'idée que la peau hâlée était désirable, un symbole de luxe. Depuis, d'autres médias et désormais les réseaux sociaux n'ont cessé de célébrer cette carnation estivale, au détriment de la prévention.
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À cela s'ajoutent les fausses croyances autour du bronzage. Nombre de jeunes filles espèrent qu'un coup de soleil fort les aidera à bronzer plus intensément ensuite. Une fausse idée, tranche la dermatologue. De même que l'utilisation des huiles végétales (carotte, monoï, olive) n'accélère pas le processus de bronzage. «C'est complètement stupide, dénonce le Pr Anne Dompmartin. Ces huiles ont un effet loupe. Elles vont donc concentrer davantage les UV et augmenter le risque de brûlure».
Au-delà des risques dermatologiques, cette tendance interroge sur les motivations de ces jeunes. «Ce qui m'inquiète le plus, c'est l'idée d'avoir envie de se faire mal», s'alarme la dermatologue. Celle-ci y voit le reflet d'une génération en quête d'extraordinaire «parce qu'elle vit dans un monde trop confortable».
Comment bronzer sans danger
Face à ces pratiques dangereuses, la spécialiste rappelle les règles d'or d'une exposition solaire raisonnée : s'exposer progressivement, appliquer une crème SPF50+ toutes les deux à trois heures, la renouveler après une baignade, rester à l'ombre ou porter des vêtements couvrants aux heures les plus chaudes. «Un bronzage, ça prend du temps, conclut le Pr Anne Dompmartin. Le problème, c'est la brutalité».