08-07-2025
Les primates mâles ne sont pas les alpha dominants que l'on imagine
Accueil | Savoirs | Sciences |
Une étude parue lundi bouleverse nos idées reçues sur les relations entre sexes opposés chez nos lointains cousins: les mâles ne dominent pas forcément les femelles.
Publié aujourd'hui à 15h21
Un groupe d'experts a rassemblé pendant cinq ans des données issues de 121 espèces de primates (image d'illustration).
AFP/JOHN MACDOUGALL
Une étude publiée lundi bat en brèche l'idée d'une dominance des mâles largement répandue chez les primates , dressant un tableau bien plus nuancé des relations entre sexes opposés chez nos cousins singes et lémuriens.
«Pendant longtemps, on a eu une vision complètement binaire de la question: on pensait qu'une espèce était soit dominée par les mâles, soit par les femelles, et que c'était un trait fixe. Assez récemment, cette idée a été remise en question par des études qui ont montré que c'était beaucoup plus compliqué que ça», explique à l'AFP la primatologue Elise Huchard, première autrice de l'étude publiée dans « Proceedings of the National Academy of Sciences » (PNAS).
«On commence juste à se poser la question des facteurs qui influencent cette flexibilité», comme la démographie du groupe ou le ratio mâle/femelle, note la chercheuse du CNRS, qui travaille à l'Université de Montpellier. Mâles et femelles n'hésitent pas à se confronter
Avec des collègues français et allemands, cette spécialiste des babouins chacma a fouillé la littérature scientifique à la recherche d'interactions susceptibles de révéler un rapport hiérarchique chez les primates: agression, menace ou comportement ritualisé de domination-soumission, comme lorsqu'un individu s'écarte spontanément du chemin d'un second.
Un «travail de fourmi» de cinq ans qui leur a permis de rassembler des données issues de 253 populations représentant 121 espèces (lémuriens, singes, tarsiers, loris…). Et de découvrir que les confrontations entre individus de sexes opposés sont bien plus fréquentes qu'imaginé: en moyenne, plus de la moitié de ce type d'interactions au sein d'un groupe impliquent une femelle et un mâle.
Une dominance stricte des mâles (+ de 90% des affrontements remportés), comme chez les babouins ou les chimpanzés, n'a été observée que dans 17% des cas. Et dans 13%, ce sont les femelles qui occupent le haut de la hiérarchie, par exemple chez les lémuriens.
Mais chez la grande majorité des espèces, les confrontations peuvent être gagnées par les femelles comme par les mâles. Force physique et contrôle sur la reproduction
Dans les cas où elle est marquée, la dominance des mâles s'observe surtout chez les espèces où ceux-ci disposent d'une nette supériorité physique, parce qu'ils sont plus gros, ou leurs canines plus imposantes. Ou encore chez les espèces terrestres, où la femelle peut moins facilement fuir ou se cacher que celles vivant dans les arbres.
Les femelles ont en revanche tendance à dominer dans les sociétés où elles exercent un fort contrôle sur la reproduction.
Les femelles babouins, par exemple, sont dotées d'une tumescence qui grossit pendant l'ovulation. Lors de cette période de quelques jours, le mâle «garde» la femelle, la suivant à la trace pour s'assurer qu'aucun autre concurrent ne viendra s'accoupler avec elle.
Chez les bonobos, ce gonflement des tissus «n'est pas fiable», explique Elise Huchard. «Les mâles ne savent jamais quand elles ovulent ou pas. Du coup, elles peuvent s'accoupler avec qui elles veulent et quand elles veulent beaucoup plus facilement». Ce qui leur procure d'autant plus de pouvoir sur les mâles.
La dominance des femelles est aussi plus fréquente dans les cas où existe une féroce compétition entre elles, notamment quand «le mâle prodigue des soins» aux petits. «Le monopoliser devient alors un enjeu», détaille la chercheuse. Dans ces sociétés, les femelles sont souvent solitaires ou n'acceptent que la présence d'un mâle à leurs côtés. Avec pour conséquence une monogamie très liée à la dominance des femelles. Semblables aux humains
Peut-on extrapoler ces résultats aux humains? Nos origines évolutives (différences physiques entre les sexes, flexibilité des systèmes d'accouplement…) «ne sont pas forcément très déterministes» en ce qui concerne les relations hommes-femmes, estime Elise Huchard. Ce qui nous placerait plutôt dans la catégorie des primates sans dominance stricte d'un sexe sur l'autre.
«Ces résultats corroborent assez bien ce qu'on sait des relations entre hommes et femmes chez les chasseurs-cueilleurs, qui sont plus égalitaires que dans les sociétés d'agriculteurs qui sont apparues ultérieurement», juge-t-elle, soulignant l'importance d'un regard interdisciplinaire sur le sujet.
À lire aussi sur les animaux
AFP
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.