11-07-2025
Circo, de Lamia Chraibi
Au cœur des favelas brésiliennes, un cirque permet aux jeunes de s'affranchir. Richard, désormais nommée Ashilla, y évolue et poursuit sa quête d'identité et de liberté.
« Je me vois faire de l'anneau. Le cirque est plein. Plein de gens, plein d'amis. Beaucoup d'applaudissements et de cris. Je me vois faire de l'acrobatie aussi. Les gens deviennent fous, crient mon nom. À ce moment précis, si je le permets, un esprit descendra de mon corps. C'est sûr. »
Avec Circo, la réalisatrice Lamia Chraibi visite ce que son sujet voit quand il ferme les yeux. Tourné sur sept ans dans une favela de Rio de Janeiro, son documentaire suit Richard Gomes Estrela – maintenant Ashilla Gomes Estrela –, jeune artiste de 20 ans au passé marqué par les traumatismes, alors qu'il est mis à la porte par sa mère adoptive et livré à lui-même.
Richard trouve un havre dans un cirque social, où il s'adonne rigoureusement à la pratique du trapèze. La caméra capte avec justesse les mouvements de son corps suspendu, dans des images hypnotisantes. « Ne te laisse pas distraire par le doute, l'incertitude, l'étonnement, la peur. Maintenant, le mot clé est fluidité. Le mot clé est eau, comme l'eau qui coule », lui dit son coach pendant un entraînement. Ses quêtes se répondent, comme les deux partenaires d'une danse captivante.
La transition du protagoniste n'était pas anticipée par la cinéaste au départ. C'est avec une grande délicatesse que Chraibi a filmé ce processus, sans jamais rien forcer, sans intervenir. Son cinéma est direct, sans voix hors champ ni mise en scène artificielle, mais il est toujours esthétiquement intéressant. Elle entre dans l'intimité de son sujet, témoin de ses moments de doute, de détresse, mais aussi de joie. Le film devient alors un espace d'autoréflexion, incarnant ce qu'il y a de plus touchant dans le cinéma queer.
Les scènes de performances de cirque et de drag ou les moments d'euphorie de genre viennent ponctuer le réel de fulgurances flamboyantes. Elles offrent un contrepoint onirique et exaltant aux difficultés vécues. Dans une scène visuellement saisissante, filmée en légère contre-plongée, Richard marche dans la rue vêtu d'une robe étincelante, d'une perruque de jais et de bijoux argentés – une apparition, une déclaration d'existence.
Mais Circo ne fait pas l'économie de la douleur. Une scène glaçante donne la parole à la mère adoptive, qui explique pourquoi et comment elle a recueilli (puis rejeté) Richard. Le récit, tragique, éclaire en creux les fractures sociales et affectives dont souffrent tant de personnes.
Circo est un documentaire profondément humain, qui balance entre cris et silences, entre confessions bouleversantes et rituels exaltants. Il a la grande qualité d'émouvoir au point de ne penser à rien d'autre le temps du visionnement.
En salle au Cinéma Beaubien, à la Cinémathèque québécoise et au Cinéma Public.